— Paul Otchakovsky-Laurens

Les Garçons de l’été

Prix littéraire de la ville d’Arcachon 2017
Prix des libraires Folio

Rebecca Lighieri

Forts de leurs études brillantes, de leur famille convenable et convenue, de leur beauté radieuse et de leur maîtrise du surf, Thadée et Zachée ont cru que l’été serait sans fin. Que la vie se passerait à chevaucher les vagues, entre jaillissements d’embruns et poudroiements de lumière. Mais en mutilant sauvagement Thadée un requin-bouledogue le prive de l’existence heureuse auquel il semblait voué : il est devenu un infirme. La bonne santé des uns, la sollicitude des autres le poussent à bout. Et le révèlent à lui-même jaloux et envieux.

La mort soudaine de Zachée va être le coup de grâce pour cette famille...

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Traductions

Allemagne : Secession Verlag | Italie : La Nave Di Teseo

La presse

Le prénom hitchcockien de Rebecca va très bien à la romancière de ce puissant thriller choral centre sur une famille de Biarritz où, comme dans « Réparer les vivants » de Maylis de Kerangal, la pratique du surf attire la tragédie : un des garçons se fait bouffer une jambe par un requin, à la Réunion, et tout part en vrille. En inventant un lyrisme inédit puisé dans le jargon des surfeurs, le roman dynamite les mensonges qui sont le ciment de toutes les familles.


L’Obs, juin 2017



En invitant un requin dans une famille bourgeoise, Rebecca Lighieri transforme un été à la Réunion en une saison en enfer. Surf, crime et trahisons, c’est cruel et jubilatoire, du Stephen King, le lyrisme en plus.


Olivia de Lamberterie, Elle, juin 2017



Un été bien pourri


Sous le nom de Rebecca Lighieri, Emmanuelle Bayamack-Tam saccage les vacances d’une famille bien sous tous rapports dans un roman sanglant. Rencontre.


Parfois les écrivains signent de plusieurs noms et en général, de Romain Gary à Bons Vian, cette faculté à jouer avec les pseudos et les genres littéraires est un gage de virtuosité. C’est le cas d’Emmanuelle Bayamack-Tam. Les connaisseurs suivent depuis longtemps la talentueuse et prolifique auteur du trop confidentiel La Princesse de (2010) ou de Je viens, qui lui a apporté, en 2015, un plus large public. Cette romancière inclassable, qui truffe ses textes de discrets alexandrins et de références mythologiques, pourrait se contenter de consolider son succès et sa réputation de transgressive. Mais cet hiver, elle a choisi de s’appeler Rebecca Lighieri. Apres Husbands (2013) et une nouvelle, c’est la troisième fois que ce pseudo apparaît. Alors que l’on rencontre Emmanuelle Bayamack-Tam chez son éditeur et que l’on s’étonne de cet étrange goût pour le changement d’identité, elle nous raconte ce qui était, au départ, lié a une sorte de défi personnel, "l’envie de s’aventurer sur le terrain du roman noir’ "Quand je suis Lighieri, ma démarche, ma méthode, mon propos sont différents Quand j’écris un Lighieri, il y a un homicide au centre du texte, et je sais d’avance ce que je veux raconter Jai les grandes lignes du récit, même si bien sûr il prend parfois des directions un peu inattendues. Quand j’écris sous mon nom, je n’ai qu’un point de départ très ténu, en général poétique, Michaud, Rimbaud, Ovide, ou une image Et quand je signe Lighieri, même si mes exigences ne sont pas moindres, la phrase est peut être moins acrobatique, plus directe. Donc, pour moi, il y a une différence et te pseudo est là pour l’afficher." On pense à Antoine Volodine et au groupe d’écrivains du postexotisme qu’il incarne à lui tout seul. Mais on se demande aussi quel est l’intérêt, pour un auteur, d’écrire ainsi des livres de genres différents, de suivre plusieurs chemins parallèles. Emmanuelle Bayamack-Tam semble désolée que l’on n’ait pas spontanément compris son désir d’exploration. "En fait, je ne vois pas ce que je ne pourrais pas écrire. Je pense que je peux me lancer dans des romans de science-fiction, par exempte, ou des textes plus expérimentaux. Aussi, je m’imagine très bien multiplier les pseudos, les avatars, pour écrire des choses encore différentes. Oui, je sens ma démarche assez proche de celle de Volodine, même si je ne ta théorise pas vraiment. En tout cas, on retrouve chez Lighieri les mêmes qualités narratives que chez Bayamack-Tam, et ce roman peut être lu et apprécié pour lui-même, que l’on sache ou pas que derrière lui se cache l’auteur d’Une fille du feu (2008). Soit une famille bourgeoisement heureuse à Biarritz. Un père pharmacien, une mère femme au foyer entièrement dévouée à ses enfants dont elle est très fière. Thadée et Zachée, les deux grands garçons déjà étudiants, si beaux et si brillants, et Ysé, la petite fille un peu étrange mais si sage. Les deux aînés ont une passion commune : le surf, qu’ils pratiquent dès qu’ils le peuvent sur les plages alentours et dont ils parlent tout le temps. Alors, voilà. Une famille idéale, de beaux et sportifs jeunes gens, des vacances idylliques à La Réunion. Sauf que l’horreur a déjà commencé à grignoter les rayonnantes apparences et que le clip des beach boys va tourner au carnage. On ne vous raconte pas les ressorts sanglants de cette histoire pleine d’une sorte de jubilation sarcastique et qui élève le roman noir au rang de tragédie biblique. "Dans la bible comme dans la mythologie, c’est incessant, fait remarquer Emmanuelle Bayamack-Tam Les frères qui se tuent, les pères qui tuent les fils, les mères qui donnent les fils à manger aux pères. On est constamment là-dedans. Je n’y ai toutefois pas pensé en écrivant, le travail de saturation du texte par des références bibliques, mythologiques ou poétiques c’est plutôt Bayamack-Tam. Dans Lighieri, les références sont surtout cinématographiques, j’ai beaucoup pensé à un film culte du surf, L’Eté sans fin, où deux garçons parcourent le monde à la recherche de la vague parfaite. J’ai pensé aussi à Stephen King " Reste que l’on cherche forcément ce qui, dans Lighieri, relève de Bayamack-Tam, et on note que certains personnages semblent circuler de livre en livre. Ainsi la discrète Cindy, l’amoureuse de Zachée. Cindy, fille libre par essence, se bat, mutique et déterminée. On pense à Kimberly, la narratrice de Si tout n’a pas péri avec mon innocence (2013). "Je tenais beaucoup à ce personnage, explique Emmanuelle Bayamack-Tam Et, bien sûr, elle peut rappeler Kimberly. Il y a une capillarité d’un livre à l’autre " En attendant le prochain opus signé Bayamack-Tam ou Lighieri, ou d’un tout autre auteur dont cette romancière furieusement moderne prendra l’habit, on peut ainsi se délecter d’un plaisir rare : assister à la construction d’un des univers littéraires les plus riches et originaux du moment.

Sylvie Tanette, Les Inrockuptibles, 18-24 janvier 2017



La jambe du fils


La noirceur au désir et de la mort par Rebecca Lighieri


Des adolescents «insupportablement sexy» , une fille à la «beauté sensationnelle» et une mère qui songe, au milieu de ces jeunes gens qu’un accident la conduit à fréquenter : «Je pleure parce que l’excitation, le désir, la danse, la beauté, ce n’est plus pour moi si tant est que ça l’ait jamais été. » Les Garçons de l’été est tendu par l’érotisme brut des romans d’Emmanuelle Bayamack-Tam; il en a aussi l’agressivité dérangeante. Elle signe ici du pseudonyme de Rebecca Lighieri, qu’elle avait déjà utilisé pour Husbands, en 2013. Malgré cette variation, l’univers reste celui d’un écrivain qui invente une cruelle histoire de famille et connaît sur le bout des doigts les modes de vie français actuels. Emmanuelle Bayamack-Tam - Rebecca Lighieri se tient très au courant de ce qui se fait et se dit. Elle est la chroniqueuse des tics et des frustrations de notre temps, elle les attrape et les redistribue généreusement à ses personnages. Ce cadeau empoisonné leur permet pourtant d’accéder à une dimension de héros tragiques. Prenez Thadée, un obsédé du porno gore ; il commence ainsi : «J’ai embrassé l’aube d’été.» Il n’y a que Rebecca Lighieri et Emmanuelle Bayamack-Tam pour réussir aujourd’hui ce mélange entre les bassesses et la splendeur. Les «garçons» du titre sont les deux fils des Chastaing, Thadée et Zaché. Ils ont une vingtaine d’années et sont des demi-dieux pour leur mère Mylène. Leur soeur, Ysé, n’a pas droit au même amour parce qu’elle est la mouche du coche flippante d’une famille débordée par ses pulsions. Jérôme, le père, est pharmacien. Mylène et Jérôme ne baisent plus, Jérôme se rattrape dans la buanderie avec Maud, la voisine. Rebecca Lighieri fouette et relève ces médiocrités avec la crudité tonique des coeurs mis à nu de ses personnages. Ils ne connaissent pas la culpabilité. Le roman débute à peine que tombe cette nouvelle : un requin a arraché la jambe de Thadée qui surfait à La Réunion. «Quelle connerie, le surf» , réalise Mylène. Elle prend le premier avion pour Saint-Denis, et dans ce roman dont chacun devient alternativement le narrateur, témoignant autant du présent à partir de l’amputation de la jambe que de la vie quotidienne avant le drame, Mylène épate et gêne le lecteur en maudissant l’érotisme qui éclate des corps des amis de son fils. Elle se contente de les observer, mais elle les tuerait bien. Si cette noirceur nous plaît, c’est qu’elle est crânement assumée par les personnages dans leur monologue théâtral. Mylène a autant d’égoïsme que d’acuité : la rescapée d’une «enfance cyclonique » ne lui échappe pas. Rebecca Lighieri est un radar d’enfants abîmés. Cependant Mylène ne connaît pas l’empathie. Le coup du requin n’était qu’un début. «Le malheur sans nom était déjà en route» , constate Ysé : les Chastaing seront laminés par un «châtiment biblique». Il y a quelques mois, Emmanuelle Bayamack-Tam est intervenue dans un documentaire de France Culture sur les pensées inconvenantes. Les Garçons de l’été nous donne le plaisir des pensées inconvenantes.

Virginie Bloch-Lainé, Libération, 11-12 mars 2017



Chroniques entomologiques


Signatures multiples Jeux des pseudonymes, Emmanuelle Bayamack-Tam aime jouer sous les masques littéraires l’ultime liberté d’être une autre tout en assumant d’être également soi-même. Les pseudonymes lui permettant une césure en ce qui concerne les écritures, les méthodes, les procédés d’intention. C’est donc sous le voile, l’empreinte de Rebecca Lighieri, qu’eue construit son étude puissante de l’homme-animal, dans cette maison, observatoire des comportements, appelée « Leku Ona ». Entrons sur scène.


Du haut de l’observatoire, les éléments sont examinés. L’être humain est souvent un insecte sous la plume de Rebecca Lighieri. Son univers est peuplé de tout un bestiaire symbolique : pulsion sexuelle, sadisme, jalousie, jeu, perversion. C’est également un livre sur le silence, le mutisme. Les mots expriment une force, une rage, une dérision mises en lumière par le biais des différents témoignages-confessions qui ouvrent un accès direct aux introspections angoissées des personnages. Les lumières d’expérimentation sont braquées sur leurs témoins, d’une telle intensité, créant un spectacle d’un réalisme puissant, sans filtre, transparent. La famille Chastaing vit au Pays basque, à Biarritz, là où la puissante monstruosité des vagues est à son paroxysme, par la fascination qu’elles créent, violent mouvement ondulatoire à la surface de la mer. Thadé et Zaché sont deux frères ; cela fait plusieurs années qu’ils surfent, mais il arrive soudainement un terrible accident lors d’un voyage à l’île de la Réunion. Une histoire de requin, de morsure et de jalousie. Frustrations et mensonges. Qu’est-ce que l’homme a de plus instinctif, de plus primitif? Sexualité et violence, douleur et soumission, perversion et sadisme ? C’est une peinture d’êtres fascinants par leur énergie, leur instinct de survie, leur inclination à ne pas se nier, à être soi. Le requin, c’est Thadé, un prédateur avec « un sourire qui ressemble plus à un rehaussement de babines, quelque chose d’animal et d’intimidant ». Quelle incompréhensible absence d’empathie ! Ysé, la petite soeur, ressent toutes les nuits sur sa poitrine le lourd poids de sa famille malade. Vie d’enfant épouvantable. Petite fille désillusionnée, habitée par la présence des vexations et des violences psychologiques subies. Quelle acmé, le point de crise est en explosion. « J’ai embrassé l’aube d’été et j’ai cru que cette sensation-là, cette communion entre moi et les éléments, cette harmonie entre mon corps et mon esprit, ce serait ma vie. » C’est aussi une communion avec les éléments de la nature, une brutalité sensitive, un accord parfait entre le naturel, le primitif, le cru, l’animal. Les élans sexuels ne sont pas contrôles, il y a véritablement l’idée d’une dichotomie entre ceux qui sont dans le contrôle et les autres qui jouissent sans vergogne. Le masque, comme enjeu de la dissimulation. Porter un masque, protéger son secret. Il y a dans le roman de Rebecca Lighieri une propension à créer des personnages masqués, dissimulant leur(s) réalité(s) afin de se protéger, de conserver, préserver, voiler leurs tendances. C’est le jeu des fausses apparences de l’être : ne pas révéler, divulguer, au profit d’une identité convenable. Puis exploser, se révéler aux yeux de tous. Qu’est-ce que la vie humaine ? De quoi la nature humaine est-elle faite ? Son essence ? Nous pénétrons dans l’univers de la sauvagerie domestiquée, l’univers des métamorphoses animales, là où tous les champs sont accessibles et envisageables parce que toutes les frontières sont abolies, en particulier celle qui sépare l’humain de l’animal. Qu’est-ce qu’un monstre ? Thadé est-il un monstre ? Est-ce là ce qui produit en nous un sentiment violent, mais confus, où se mêlent sidération, crainte et fascination ? Pourquoi Rebecca Lighieri dessine-t-elle du sang, du glauque ? La figure de la monstruosité permettrait aux lecteurs de se questionner sur leur humanité, car cette même figure confronte l’homme et son comportement à la société, à ses limites. Mais y a-t-il une normalité, finalement ? Littérature en tant que miroir qui reflète la cruauté et la monstruosité de l’homme. C’est une observation entomologique des dysfonctionnements et des aberrations des mentalités de notre société. Assis dans un espace privilégié de la souffrance, le lecteur observe un laboratoire où des individus en observent d’autres aux prises avec une infinité de douleurs variées. Un no man’s land électrique où les expériences d’héroïsme pour Ysé, d’abandon pour sa mère Mylène, de défaite et de déchéance pour Thadé, deviennent visibles. C’est un territoire d’insécurité et de violence où tout peut arriver par le caractère menaçant de l’après. Les relations entre les êtres sont si emplies d’incertitudes, d’ambiguïtés, de silences, qu’elles suscitent en permanence l’imprévisible, et donc l’angoisse. Monde où les personnages peuvent être sujets à tous les accidents, et à des accidents à peine nommables, à peine quantifiables... « Chacun sera dans la nuit pour toujours ». Cru. Extrême. Quelle fabuleuse catharsis !


Vanessa Aubert, La Quinzaine littéraire, 16-31 mars 2017



Dépeçage en famille



Entre la mère et ses deux fils, l’entente règne. Jusqu’à ce qu’un requin y mette fin. Un suspense pervers signé Rebecca Lighieri, alias Emmanuelle Bayamack-Tam.



Ils sont grands, ils sont beaux, athlétiques et brillants. Thadée et Zachée, des garçons dans le vent, promis au plus bel avenir, suscitent l’admiration de leur mère. « Mes fils sont ce qui me sauve de l’ordinaire », elle en est persuadée. « Ils sont ce qui fait de moi une exception plutôt que la souris lambda que j’ai été jusqu’à la naissance de Thadée voici vingt ans. » « J’ai enfanté des titans, pense-t-elle avec fierté, quand tant d’autres se contentent de pondre leurs gniards ». Les garçons de l’été pourraient bien n’être que le récit de la colère des dieux, une némésis en bonne et due forme. Une réponse implacable à l’hubris d’une mère, à sa folie, son aveuglement. Rebecca Lighieri n’accorde que trois pages au lecteur pour se pénétrer d’un sentiment de plénitude tout entier placé sous le signe de Rimbaud et de ses Illuminations (1895) : « J’ai embrassé l’aube d’été, se dit Thadée, après une session de surf, et j’ai cru que cette sensation-là, cette communion entre moi et les éléments, cette harmonie entre mon corps et mon esprit, ce serait ma vie. »



Roman de genre



La suite du livre sera une succession de dévoilement brillamment orchestrée : il suffit d’un coup du sort -et pas des moindres, puisque Thadée est attaqué par un requin qui lui arrache une jambe- pour que l’apparente unité de cette famille idéale se fissure de toutes parts, et se révèle éminemment dysfonctionnelle. Et pour que l’irruption des Dents de la mer transforme ce roman solaire et sympathique en réécriture de Shining.
Rebecca Lighieri n’en est pas à son coup d’essai dans l’art du récit littéraire à suspense. En 2013, elle signait Husbands, chez le même éditeur, mais sous une couverture noire et rouge sang, signalant d’emblée le roman de genre. Cette veine d’écriture, ici admirablement maîtrisée, reste néanmoins inhabituelle chez celle qui publie depuis 1994 sous le nom d’Emmanuelle Bayamack-Tam.
Lorsqu’on la rencontre, elle accueille sans surprise les questions relatives au choix de ce pseudonyme. « Des livres comme Si tout n’a pas péri avec mon innocence (...), explique-t-elle, sont écrits dans un tout autre état psychique. Ils partent d’un déclic poétique, leur unité est la phrase. Ceux que je signe Rebecca Lighieri sont au contraire très concertés, ils se développent à partir d’une situation narrative précise, j’écris en suivant un plan contraignant, dont l’unité est la scène. Et puis surtout, il y a toujours une mort violente, et une forme de suspense. »



Effets de surprise



La romancière déplorerait presque que l’on trouve dans ses deux types de livres plus de points de convergence que de véritables changements de manière. Dans un entretien accordé à L’Humanité, elle prétendait en avoir fini avec les livres sur la famille. Lorsqu’on lui fait remarquer que Les garçons de l’été démolit bel et bien tous les mensonges, les illusions, les pulsions destructrices et morbides qui circulent dans une cellule familiale apparemment irréprochable, l’écrivaine s’en sort par une jolie pirouette : « Emmanuelle Bayamack-Tam n’écrit plus sur la famille, mais Rebecca Lighieri peut encore le faire ».
Le lecteur découvre donc avec jubilation les effets de surprise que lui réserve ce roman où alternent les récits de chacun des personnages. Le malaise le gagne rapidement lorsqu’il comprend que, au camp où les deux frères surfent, la plupart n’éprouvent qu’indifférence après l’attaque du requin et la blessure de Thadée. Pourquoi ce fils chéri par ses parents, admiré par son frère, tenu tout de même à légère distance par Ysé, sa petite soeur un peu étrange, n’a-t-il aucun ami qui vienne lui rendre visite durant sa longue convalescence ? Et si, au lieu d’avoir enfanté un titan, sa mère avait mis au monde un monstre ?
Les garçons de l’été est un livre sur les pulsions, et sur la façon dont chacun, dans une même famille, s’accommode des siennes. De l’adultère au meurtre, en passant par l’amour et la sublimation dans l’héroïsme. Avec ce roman réglé au millimètre, Rebecca Lighieri s’impose avec grâce comme une écrivaine de la perversité. Styliste rouée et narratrice efficace, elle surfe avec aisance sur les vagues de ses identités multiples.



Florence Bouchy, Le Monde des livres, 27 janvier 2017






Rebecca Lighieri ne s’appelle pas que Rebecca Lighieri. Elle « publie aussi sous le nom d’Emmanuelle Bayamack-Tam », nous informe aimablement son éditeur. A vrai dire, on s’en fiche un peu : le prénom hitchcockien de Rebecca va très bien à la romancière des « Garçons de l’été ». Son livre est un puissant thriller choral, centré sur une famille qui a tout pour être heureuse : un papa, une maman, une maison du côté de Biarritz, une petite fille, deux grands garçons dingues de surf. Sauf que, depuis que ce sport-là a fait son entrée en littérature avec « Réparer les vivants » de Maylis de Kerangal, on sait qu’il attire la tragédie comme l’hybris antique le châtiment divin. Ca ne rate pas : un des garçons se fait bouffer une jambe par un requin, à La Réunion, et tout part en vrille. D’abord plombé par une sorte de raideur stylistique et narrative, le roman s’assouplit, se renforce et se tend pour glisser irresistiblement vers son but, inventer un lyrisme inédit en manipulant le jargon des surfeurs, et dynamiter les mensonges qui sont le ciment de toutes les familles du monde. L’enfer est pavé de passions très humaines, la folie aussi.



Grégoire Leménager, L’Obs, 19/25 janvier2017



Des dents de la mer



Masquée pour la forme derrière son pseudonyme de « Rebecca Lighieri », Emmanuelle Byamack-Tam libère son côté obscur et fonce dans le roman noir. Après avoir attaqué un certain milieu libertin du sud de la France dans « Husbands », elle aborde la côte Atlantique et ses surfeurs musclés. Mais tout commence, dès les premières pages, par un horrible bain de sang sur l’île de la Réunion. « Les garçons de l’été », ce sont Thadée et Zachée, deux grands gaillards de vingt ans, frères et rivaux dans la vie comme sur leur planche au-dessus de l’océan. Le premier, Thadée, vient de voir sa jambe arrachée par un requin-bouledogue. Fin de l’histoire ? Non, bien au contraire. Lorsque la victime et son frère reviennent en métropole, l’accident révèle les mensonges honteux d’une famille a priori équilibrée. Le père pharmacien, la mère parfaite maîtresse de maison, les deux fils brillants étudiants et la petite dernière artiste en herbe... chacun voit son rôle et sa santé mentale voler en éclats. L’inquiétude grandit, le vrai drame n’a pas encore eu lieu. Comme dans un film de Claude Chabrol, la bourgeoisie de province est mise à mal avec une hargne réjouissante. Le glauque et l’innommable surgissent pour réécrire l’épisode biblique d’Abel et Caïn. Rebecca Lighieri, auteure sombre, surfe sur un genre cruel et savoureux.



Helena Villovitch, ELLE, 20 janvier 2017



Complexe, subtil, violent, émouvant : le nouveau livre de Rebecca Lighieri est fascinant. Comme ceux qu’elle signe de son nom, Emmanuelle Bayamack-Tam.
Rebecca Lighieri vous happe. Commencer à lire Les Garçons de l’été est fatal. On n’a plus qu’une envie : cesser fissa de bosser, ne plus parler à qui que ce soit, et retrouver le livre. Si une insomnie surgit, quel bonheur d’avancer dans la lecture.

Elle nous plonge dans le monde du surf, avec ses vagues démentes, son langage ésotérique fait d’anglicismes, d’adrénaline et de testostérone. C’est la noblesse de la fiction de transporter ses lecteurs dans des univers méconnus.
Un accident se produit, très au début de la narration, qui bouscule la jolie famille, et commence à en révéler les failles. Il est question de La Réunion, et d’une attaque de requin. L’auteure construit son récit à plusieurs voix, chaque protagoniste racontant sa version. La multiplicité des points de vue enrichit le propos.



Dans le tragique



La situation se complexifie (ne comptez pas sur moi pour raconter l’histoire). Il y a des pages crues qui voisinent avec des déclarations pleines de beauté et de lyrisme. Un couple, qui paraissait bancal, se révèle grandiose dans le tragique. On est dans le roman noir, dans le roman d’amour, dans le thriller.
Le tout servi par une écriture magistrale, très maîtrisée, scandaleusement à l’aise dans tous les registres, particulièrement celui du langage oral contemporain.
Rebecca Lighieri a déjà publié, chez Pol, Husbands, un roman qui fouille les perversités sexuelles. Mais Rebecca Lighieri est en réalité le pseudo représentant la face noire d’une romancière bien connue, Emmanuelle Bayamack-Tam, auteure d’une dizaine de titres chez le même éditeur. Elle a notamment remporté le prix Ouest-France Étonnants Voyageurs en 2013 pour l’enthousiasmant Si tout n’a pas péri avec mon innocence.



Anne KIESEL, Ouest France, 5 février 2017


Agenda

Samedi 4 mai
Emmanuelle Bayamack-Tam à la librairie Le Jardin des lettres

Le Jardin des lettres
22 Avenue de Bordeaux
33510 Andernos-les-Bains
 
05 56 26 99 48
info@lejardindeslettres.fr
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Rebecca Lighieri, Les Garçons de l’été, Les Garçons de l'été Rebecca Lighieri décembre 2016

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