— Paul Otchakovsky-Laurens

Histoire de la littérature récente, Tome II

Tome II

Olivier Cadiot

Le tome I d’Histoire de la littérature récente tenait tout à la fois de l’essai, de l’enquête, du récit, forme hétérogène dans laquelle se mêlent, sur un mode léger et digressif, anecdotes, petites scènes romanesques et développements plus spéculatifs. Il s’agissait d’explorer l’idée reçue que la littérature disparaîtrait, en prenant, par exemple, au pied de la lettre les propos alarmistes de Philip Roth : Dans trente ans, sinon avant, il y aura autant de lecteurs de vraie littérature qu’il y a aujourd’hui d’amateurs de poésie en latin.

Le tome II explore un autre lieu commun...

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La presse

Les mots, le travail


Impertinent et humble, Olivier Cadiot poursuit sa réflexion sur la littérature, celle qu’il lit et celle qu’il pratique à la façon d’un artisan.


L’an dernier, on avait adoré le premier tome, cette année on est fan du deuxième. Olivier Cadiot a choisi dans ce nouvel opus de cogitations littéraires de s’en prendre à un poncif du moment selon lequel la littérature d’aujourd’hui devrait refléter le réel : « Les gens ont peut-être raison : on était tous irréels, avant, et sans le savoir ». Alors voilà une avalanche de courts chapitres où le poète, dramaturge et romancier parle de la littérature comme d’un art contemporain, contredit les modes pour revenir aux fondamentaux, s’attache au concret de l’écriture, au comment écrire et pourquoi, nous parle de tout, de lui, et même de son arrière-grand-mère. Mais aussi des migrants, pour mettre en garde ceux qui voudraient écrire sur eux : « Ils ne sont pas des motifs. Ne dites pas « je » à leur place. Traverser la mer avec un enfant dans les bras, ce n’est pas une performance. Arrêtez l’art. » Dans cette critique désordonnée mais salutaire, de fulgurantes images poétiques surgissent soudain : « Regardez les brefs poèmes japonais. En deux coups de pinceau, ils ne laissent d’un bateau - disparaissant à l’horizon - que la trace de la rame. »


Ce petit traité de théorie littéraire peut aussi être lu comme une série de précieux conseils aux apprentis écrivains, et petit à petit l’image de l’écriture telle que la conçoit Cadiot voit le jour, écriture compulsive comme une manie, ou une malédiction, en tout cas un travail toujours recommencé, qui se construit dans la rature. « On écrit très peu, on passe son temps à se relire, comme on remange son dîner froid le lendemain, voilà votre destin. » L’auteur de Providence s’attaque à tout mais par petits bouts, attrape les expressions et clichés qui virevoltent dans l’air du temps pour les décortiquer sous nos yeux - ainsi s’amuse-t-il du fait que des spectacles aujourd’hui « se prétendent » vivants - et utilise le langage comme un plasticien le ferait d’un matériau. « Ecrire, si on tient absolument à trouver une définition, c’est serrer les pièces. » D’une drôlerie inimitable, le texte de Cadiot surprend pourtant par l’émotion qui s’en dégage. Car l’écrivain dessine en creux son autoportrait, celui d’un homme en perpétuelle recherche, un travailleur acharné qui pense comme d’autres respirent, et qui a consacré sa vie à chercher ses mots.


Sylvie Tanette, Les Inrockuptibles, 11/17 octobre 2017



Olivier Cadiot vrille le système


L’écrivain donne un second tome à son Histoire de la littérature récente, aussi hilarant qu’émouvant


Olivier Cadiot est le seul écrivain français kinesthésique. Télékinésique aussi, tant qu’on y est. Il chope son lecteur à distance, prise de judo mental, hop, on est retourné comme un gros scarabée. Avec lui, l’écriture (et du coup la lecture) est une histoire de corps, un sport « contradictoire » : « A ras de terre et propulsé dans le ciel en même temps. Avec les articulations ouvertes dans des sens opposés. Pour que l’air rentre dedans. C’est parfait. On respire, on respire - et on articule. Repos. » Ceux qui écrivent des essais ou des thèses à son sujet parlent de « facteur vitesse » (Michel Gauthier aux Presses du réel, 2004), de « possibilité du choc » ou d’ »invention et résistance » (Alain Farah chez Classiques Garnier, 2013). Quelque part donc entre arts plastiques et danse contemporaine. Depuis L’Art poétic’ (1988, POL, comme toute son oeuvre), dont le titre trafiquait Boileau en vrai-faux gadget publicitaire, Olivier Cadiot a traversé et pulverisé tous les genres littéraires. D’abord héraut moderne, petit-fils des romantiques allemands, enfant de la poésie objectiviste américaine et champion de cut-up, il pose avec Pierre Alferi, dans les deux volumes de la Revue de littérature générale, en 1995 et 1996, les balises théoriques de la décennie à venir. Juste avant, il a commencé sa migration vers la fiction avec Futur, ancien, fugitif (1993) : jusqu’à Un mage en été (2010), il racontera les aventures d’un Robinson perpétuellement en stage de formation à l’existence, bricolant la langue pour essayer de faire un monde avec son île, en butte à des crétins qui veulent sa peau (intellectuelle, au moins). Ces textes sont portés à la scène par Ludovic Lagarde, l’acteur Laurent Poitrenaux devenant l’incarnation de ce Robinson-Cadiot, comme Léaud avait été le double de Truffaut.


« ‘Réaliser’ un livre »


Depuis Providence (2015), la question de l’écriture est au centre de l’oeuvre : à l’heure où l’« easyreading » triomphe, comment résister au déclinisme (car, contrairement à ce qu’on ressent, rien ne va jamais plus mal qu’avant) et continuer à écrire ? Histoire de la littérature récente, Tome I (2016) et Tome II (aujourd’hui) sont les textes les plus hilarants et les plus émouvants que l’auteur ait donnés, en forme de manuel pour s’empêcher d’écrire (en particulier des autofictions, Tome I : « Si vous continuez à penser qu’il n’y a pas de souffrance plus forte que la vôtre, comprenez que c’est un signe de maladie mentale ») puis (Tome II) de méthode pour « réaliser un livre » - comme on dit qu’on réalise un film. Face au productivisme de la littérature en temps néolibéral, Olivier Cadiot prône l’accélérationnisme, le dépassement par le tourbillon. Il s’agit de faire vriller le système : « Détruisez les livres que vous êtes en train d’écrire en rentrant dedans, comme on fait des trous dans la coque d’un bateau. » Ou encore : « Ces illusions vraiment perdues, c’est peut-être le moment idéal pour commencer à écrire, la tête vide, sans images, sans souvenirs, sans cartes et sans histoires. » Ce sont de vraies « lettres à un jeune poète », mais aussi un bel autoportrait en travailleur, où l’on voit l’écrivain arpenter le lac gelé de Brême, lire Paul Valéry ou Jim Thompson, observer ses enfants ou recevoir des cartes postales d’un frère mort. Et de même que sa poésie s’était faite fiction et sa fiction théâtre, ces essais savent aussi, fiers « périscopes en carton pour voir passer le roi de Siam », s’ériger en poèmes d’une sorte nouvelle.


Eric Loret, Le Monde, 6 octobre 2017



Olivier Cadiot ou le master incontesté de la création littéraire: Histoire de la littérature récente Tome II


Retrouvez cet article sur le site de Diacritik.com

Johan Faerber, Diacritik, octobre 2017



Désir, dérision: littérature


Retrouvez cet article sur le site de en-attendant-nadeau.fr

Cécile Dutheil, En attendant Nadeau, octobre 2017


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Olivier Cadiot, Histoire de la littérature récente, Tome II, Olivier Cadiot septembre 2017