Simon a six ans. C’est lui qui parle, c’est lui qui raconte ce qu’il voit, ce qu’il entend, ce qu’il comprend, ce qu’il ne comprend pas. Et aussi ce qu’il comprend sans le savoir, entre les gestes et les mots.
Les mots ? ceux qu’il emploie sont simples, mais ils n’ont rien d’enfantin, Jocelyne Desverchère n’a pas essayé d’imiter le langage d’un enfant de six ans. Cependant, la pureté de sa langue, et la syntaxe si particulière de l’auteur, si sensible, immédiate, brève, restituent l’impression d’une innocence propre à l’enfance.
Simon s’entend bien avec sa mère, ils sont complices, ils s’amusent, il y a...
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Simon a six ans. C’est lui qui parle, c’est lui qui raconte ce qu’il voit, ce qu’il entend, ce qu’il comprend, ce qu’il ne comprend pas. Et aussi ce qu’il comprend sans le savoir, entre les gestes et les mots.
Les mots ? ceux qu’il emploie sont simples, mais ils n’ont rien d’enfantin, Jocelyne Desverchère n’a pas essayé d’imiter le langage d’un enfant de six ans. Cependant, la pureté de sa langue, et la syntaxe si particulière de l’auteur, si sensible, immédiate, brève, restituent l’impression d’une innocence propre à l’enfance.
Simon s’entend bien avec sa mère, ils sont complices, ils s’amusent, il y a beaucoup d’amour et de tendresse. Ses parents semblent s’entendre plutôt bien, c’est une famille. Mais le père a une liaison, que la mère découvre. Elle se suicide.
Alors son père s’en va travailler très loin et il confie pour un temps Simon a des amis paysans, proches, Fernand et Fifine. Simon va passer de belles semaines avec eux, à la ferme, grâce à leur tendresse bourrue. Il va comprendre la nature, les animaux, la vie simple. Mais les parents de sa mère, ses grands-parents, veulent le reprendre. Il va s’enfuir et, dans sa fuite, se noyer.
C’est une histoire très triste et pourtant lumineuse, à cause sans doute de cette manière inimitable qu’a Jocelyne Desverchère de raconter, très influencée par l’écriture scénaristique, faite de ruptures et de syncopes dans la narration, tantôt elliptique, tantôt s’attachant à des détails apparemment anodins, révélateurs en fait, jamais gratuits.
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6 ans, objet
Un enfant décrit son quotidien. Dès le début, quelque chose cloche dans son niveau de maturité : « J’ai 6 ans et ce sentiment d’être responsable m’exalte. » L’auteure a choisi non pas, comme il est de coutume, d’imaginer ce que pense un enfant, mais de mettre dans sa bouche ce que les adultes pensent de lui, comme s’il était leur objet. Ce faisant, elle met au jour un des fantasmes de l’époque : notre désir de régression et d’infantilisation (dont la face médiatique est l’obsession pédophilique). Né dans un couple apparemment dysfonctionnel, l’enfant connaîtra un malheur terrible, qu’il ne ressent pas comme tel et qu’il surmontera en apprenant à embaumer un oiseau tombé du nid. C’est donc un récit de « réparation », qui reprend les codes du mélo mais en les positivant : toutes les épreuves sont des soins, ce qui est cohérent avec la question de l’infantilisation. On peut aussi prendre le deuxième récit de Jocelyne Desverchère comme une démonstration mathématique à la beauté douce et glaciale : « Est-ce que l’eau de cette mer sur la dernière photo reçue est aussi claire que la rivière qui longe la forêt ? »
Eric Loret, Le Monde des Livres, 23 février 2018