— Paul Otchakovsky-Laurens

Désordre

Leslie Kaplan

Il était une fois, aujourd’hui, dans notre pays : « Il y eut ce printemps-là une série de crimes particuliers. Ceux qui les commettaient étaient des exploités de toutes sortes, employés, salariés, ouvriers agricoles, domestiques, misérables divers, et ceux qui étaient assassinés étaient des patrons, des gens pour qui il n’y a qu’à… étudier, faire un effort, traverser la rue, etc. »

Ce petit livre est issu d’un mouvement de colère et d’indignation. Et d’un constat : le monde marche sur la tête. Il y a un mensonge sur l’origine de la violence. La violence vient d’abord d’en haut, pas...

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Traductions

USA : AK Press

La presse

Fable politique. Les mois de mai sont meurtriers



Il existe une violence de classe, une morgue de ceux qui possèdent le pouvoir, l’argent, les codes culturels. Dans Désordre, une fable politique décapante, Leslie Kaplan invente le « crime de classe ». À l’approche du mois de mai, des meurtres sauvages se multiplient, apparemment sans lien. Un postier plante un ciseau dans les côtes de son supérieur, une bibliothécaire assomme un représentant du ministère de l’Outre-Mer, une ouvrière à la chaîne tue un interprète qu’elle a pris pour le directeur chinois de son entreprise. Soudain, une phrase circule, prononcée par tous : « Ça suffit la connerie. » Incapable de répondre autrement que par la violence, le gouvernement décrète l’état d’urgence. On pense évidemment aux gilets jaunes, aux violences policières, à la remise en question du droit de manifester. Mettant des mots sur des situations de domination quotidiennes, Leslie Kaplan signe un texte joyeusement émancipateur, un passage à l’acte littéraire qui laisse entrevoir qu’un autre monde est possible.



S.J., L’Humanité, 2 mai 2019



Désordre - Discussion avec Leslie Kaplan


« Ça suffit la connerie ! »


Retrouvez cet entretien entre Leslie Kaplan et Nathalie Quintane sur le site de Lundi matin (21 mai 2019)

Le joyeux « Désordre » de Leslie Kaplan


Un mouvement inexpliqué, des assassinats sans mot d’ordre et ce cri : « Ça suffit la connerie ! »... Dans Désordre, court récit jubilatoire, la romancière Leslie Kaplan raconte la fable des révoltes d’aujourd’hui. Où, sans jamais le dire, le rire peut porter la couleur jaune.


Lire l’article de Sophie Dufau sur le site de Médiapart (24 mai 2019)



Toute ressemblance avec des situations existantes...


Une drôle de fable subversive de Leslie Kaplan


Un petit livre, vraiment petit, un vrai livre de poche. Désordre, de Leslie Kaplan, fait suite à Mai 68, le chaos peut être un chantier (P.O.L, 2018), qui n’était pas bien gras non plus, 80 pages pour 9 euros, mais qui fait figure de grand frère, ou de grande soeur, par rapport à celui-ci. Désordre est entouré d’un bandeau bleu qui accroche le regard : « Ça suffit la connerie ! » Les lettres sont en capitales, et d’ailleurs, notons que le livre lui-même se termine sur la peine capitale, la guillotine, nous ne dirons pas quel cou y passe.

Ce bandeau et le titre peuvent paraître en contradiction, il faut avoir lu Désordre (avec attention, avec délectation) pour le comprendre. Le désordre, tel que le décrit Leslie Kaplan avec entrain, n’est pas une connerie. Enfin, si on veut, c’en est. Puisque les personnages, en quelque sorte, ne font que des conneries avec leur outil de travail, qu’ils détournent dans le sens contraire du mode d’emploi. « Une employée charcutière utilisa le couteau contre sa patronne, une apprentie bouchère se servit de son tablier. » Le marteau-piqueur est efficace, ainsi que la seringue des infirmières, ce n’est guère étonnant. Mais même l’éponge du professeur des écoles, quand on l’a bien en main, peut devenir une arme.

Si vous avez en tête ce qu’est un encensoir, vous visualisez sans effort la scène suivante : « Un tout jeune curé d’une petite paroisse près de Menton qui venait juste de terminer le séminaire. Il utilisa l’encensoir de son église, une pièce ancienne, très lourde et rare, sur son évêque et fit la une de tous les médias non seulement régionaux mais nationaux, il faut dire qu’il était extrêmement photogénique. » Et ainsi de suite. Le gérant d’une laiterie est noyé dans le lait, le chef de rayon reçoit un coup de tabouret, il est certain qu’il n’aurait jamais cru cela de la petite vendeuse. Encore faudrait-il qu’il ait eu le temps de la reconnaître avant de mourir. Sans jamais se concerter, sans obéir à aucun mot d’ordre, dans toutes les régions, les gens deviennent des criminels : ils se débarrassent sans vergogne de leur supérieur immédiat.

La France est donc en proie au désordre. Personne n’y comprend rien. Une telle ressemblance avec une situation existante ne saurait être une coïncidence, mais Leslie Kaplan effectue un pas de côté, un pas de danse, comme souvent dans ses romans. Les assassins, qui ont ici sa sympathie d’écrivain - fermeté lumineuse de la phrase, rythme impeccable - ne portent pas le gilet jaune. Ils appartiennent au domaine du conte. Relève, en revanche, de l’ironie - le réel reprend alors ses droits - tout ce qui a trait au commentaire.

Quelle grille appliquer? La presse commence par utiliser l’expression « crimes du XIXe siècle ». Une théorie après l’autre, les articles, les essais fourbissent leur trousseau de clefs. Un universitaire fait appel à la psychanalyse et à l’agressivité du nourrisson quand « par amour, il s’attaque férocement au sein maternel ». Mais ça ne tient pas, l’agressivité déployée n’a rien de régressif, au contraire, ce sont des adultes en pleine possession de leurs moyens qui tuent et revendiquent leur geste sans éprouver le besoin de l’expliquer. Une équipe de chercheurs prétend que les meurtres s’inspireraient inconsciemment de scènes de film ou de série. « L’idée parut très bonne au départ, mais les chercheurs s’appuyaient principalement sur quelques cas de prostituées qui avaient tué leur souteneur et sur des films japonais qui avaient été peu vus du grand public.» Bientôt, le jeu de massacre prend un tour différent. Plus politique, disons, plus responsable. On ne trucide plus seulement celui qui exerce directement sa domination - prenons le terme au sérieux, « la domination était partout » - on s’en va supprimer le PDG, ou l’homme politique, tous ceux dont les décisions, prises au sommet, gâchent la vie des citoyens. Un ouvrier fraiseur pousse sous un autobus le député qui s’est mêlé du calcul des heures supplémentaires. « Le fraiseur ne dit qu’une chose, "Ça suffit la connerie !" », qui va devenir un mantra, d’où le bandeau.

Mai 68, le chaos peut être un chantier racontait l’histoire d’une prise de parole à l’échelle d’un pays, en toute liberté et égalité. Leslie Kaplan montrait de manière poétique, voire romantique, comment « parler vraiment c’est renverser le monde habituel, convenu, mettre le monde à l’envers ». Au début du livre, elle revenait sur les pesants « silences » de l’avant-68. Désordre est une fable. Loin d’être un appel au meurtre, on s’en doute, il s’agit de gaiement secouer le joug.




Claire Devarrieux, Libération, 1er juin 2019

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Mardi 4 juin 2024
Leslie Kaplan à l’Institut français de Berlin

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