— Paul Otchakovsky-Laurens

Ta grossesse

Suzanne Duval

Ce récit raconte un avortement à la deuxième personne du singulier. L’écriture est concentrée sur l’héroïne, sa physiologie, ses émotions, ses interrogations. Le récit dure neuf mois, rythmé par les quatre saisons, pour que la narratrice, sans forcément comprendre les tenants et les aboutissants de sa décision de ne pas en avoir, finisse par prendre conscience de son choix et ne soit plus hantée par lui.
C’est le roman du trouble, des contradictions, de l’entre-deux, jusque dans l’espace géographique, entre Paris et Strasbourg notamment. Car, bien que la décision de ne pas avoir un enfant soit délibérée de la part de...

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La presse

Ta grossesse, le roman que l’on attendait sur l’IVG

Une trentenaire bien d’aujourd’hui tombe enceinte… Dans son deuxième roman, Suzanne Duval fait le récit direct et concret des sentiments qui accompagnent un avortement.

Comme le titre l’annonce, tout le roman sera mené à la deuxième personne – mais il aurait pu s’intituler « Ton avortement » plutôt que « Ta grossesse ». Suzanne Duval, 34 ans, qu’on avait découverte il y a deux ans avec un énigmatique et très réussi premier roman, L’Agente, ne manque pas d’ironie dès le titre. Car il y a bien un manque dans le roman, dont la narratrice, qui s’adresse sans cesse à elle-même comme si l’événement de l’avortement l’avait scindée en deux, et c’est le manque de ce qui allait advenir, cette grossesse, enfin, cet enfant.

S’il y a exactement vingt ans Annie Ernaux publiait L’Evénement, le récit puissant de son avortement en 1964, un chemin de croix semé de rejets, de jugements, d’embûches et de douleurs, engendrées par ceux qu’elle va devoir consulter, Suzanne Duval montre qu’aujourd’hui, si cela n’est plus le cas pour une jeune femme, la douleur psychique reste intacte.

La narratrice de Duval est indépendante, elle vit à Paris mais travaille comme avocate à Strasbourg, couche tous les vendredis soir avec son voisin d’en face, un quadra bobo et barbu. Tout pourrait continuer ainsi, comme un système bien huilé et tellement contemporain, sauf que sa grossesse de deux semaines va tout changer : espoir, flirt avec l’idée d’avoir l’enfant, comédie de vrai couple avec le fuck buddy aussi paumé qu’elle – il fuira quelques jours après s’être fait croire qu’il voulait l’enfant –, difficulté à se confier à son entourage, avortement médicalisé dans la solitude (et sans que la gynéco ne lui ait prescrit d’antidouleur), perte de litres de sang, ce qui est peu décrit, aussi directement, en littérature. La narratrice n’est jamais saisie de l’extérieur, mais se parlant de l’intérieur, car irrémédiablement enfermée en elle-même.

Pendant ce temps, sa sœur tombe enceinte – et on se demande si la grossesse du titre n’est pas la sienne finalement, beau jeu de double dames assez troublant. Ensuite, viendra un nouvel homme, amoureux celui-ci, dont elle sera elle aussi amoureuse, et gentil, puis étrangement, des crises d’angoisse qui la mènent à devoir consulter un cortège de médecins… sur lesquels elle ne porte aucun jugement, mais qui semblent tous mettre encore en valeur sa solitude.
Car c’est bien cela qu’expose l’écriture de Duval, à travers l’avortement, mais surtout à travers son procédé narratif, cette constante adresse à soi-même : sa narratrice n’est jamais saisie de l’extérieur, mais se parlant de l’intérieur, car irrémédiablement enfermée en elle-même, elle est implacablement seule.

Ce que lui confirmera une psychologue : les autres ne peuvent pas être à sa place. Cette place, elle y est seule. C’est la force universelle de ce texte. Les deux dernières pages seront, hélas, moins fortes, quand elle donne la parole à un invité surprise : l’embryon avorté. On sombre dans un pathos qui avait été jusque-là évité.


Nelly Kaprièlian, Les Inrockuptibles, 28 avril 2020



Un test, deux tests, aucun doute possible. Elle est enceinte. Est-ce un espoir ou une catastrophe ? Ni l’un ni l’autre, ou les deux, ou tantôt l’un, tantôt l’autre. En tout cas, c’est son affaire. C’est « ton » affaire, puisque le roman – le deuxième de Suzanne Duval – est écrit à la deuxième personne. Et le père ? Ils ne se connaissent pas vraiment. « Il habite au rez-de-chaussée de l’immeuble voisin du tien, à Paris. Tu l’as rencontré au café. » Le vendredi soir, ils couchent ensemble. Le lundi, elle prend le train pour Strasbourg, où il y a l’annexe du cabinet de sa mère : elles sont avocates. Pour quelle décision plaider ? Sur le trajet, des rencontres réconfortantes, ou décevantes, ou les deux.

Claire Devarrieux, Libération, 11 avril 2020



Vite et bien


Le titre a l’air simplet, bien que puissant. Mais voilà un petit roman aussi subtil que nuancé autour des hésitations d’une jeune femme enceinte, sur le thème « vais-je le garder ? » Mélange de finesse, de précision, et de ce flou dans les sentiments qui fait si souvent la vie. Lecture aussi émouvante que savoureuse.

Gilles Chenaille, Marie-Claire, mai 2020

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