— Paul Otchakovsky-Laurens

Le Miroir magique

Jean Frémon

Fables, souvenirs, choses lues, vues, transposées ou inventées, les textes et les histoires rassemblés ici ont pour thème commun le portrait, les portraitistes et les portraiturés. Plotin déjà mettait en garde contre ce vilain usage de laisser derrière soi une image de notre apparence, mais nous n’avons pas cessé pour autant de nous livrer au besoin de repousser la mort par l’image. 

On croise dans ce livre Elisabeth Vigée-Lebrun et les ambassadeurs de l’Inde, Le Bernin occupé au buste du Roi-Soleil, Lucian Freud et la reine d’Angleterre, la déchéance de Maurice Quentin de La Tour, les multiples incarnations de Quasimodo, les rides de Sofonisba Anguissola, le...

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Traductions

Espagne : Elba Editorial | Royaume-Uni : Les Fugitives

La presse

Je suis un réac


Il est des livres qui arrivent à point nommé, et Le Miroir magique (P.O.L) de Jean Frémon, directeur de la galerie Lelong, ne pouvait mieux tomber, avec son chapelet de courts chapitres moins tendus sur un fil rigide qu’ils ne se succèdent au gré d’une arabesque érudite qui relie Lucian Freud, Rembrandt, Louise Bourgeois, Lubin Baugin, mais aussi Flaubert ou Cy Twombly. Conjonction avec l’époque en ces temps où nous nous dérobons sous un bâillon bleu ciel, le genre du portrait, que Frémon explore sous toutes ses facettes comme dans une vue éclatée, cristallise nos angoisses, notre nostalgie d’un monde à visage découvert, nos aspirations à retrouver ce qui s’inscrit de plus individuel à fleur de peau, nos physionomies et nos expressions. Antidote à l’époque : la langue de Frémon, qui prend le temps de s’insinuer, de se lover dans la peinture de Rembrandt ou de David Hockney, cette langue qui fait de la description d’art un art de la description, soustrait la parole à l’épilepsie de l’actualité. Mais ce sont des raisons plus intimes qui ont suscité et entretenu, à mesure de ma lecture, ce sentiment que le livre arrivait à son heure. J’aime - et la présence de Gideon Rubin ou encore Hernan Bas dans les pages de Transfuge en font suffisamment foi - la peinture figurative. Mais, sur le ton paradoxal de la boutade, qui touche avec l’air de ne pas y toucher, un ami me taxait récemment de « réac ». Peindre le monde, dépeindre les formes, paysages ou êtres qui le peuplent, n’est-ce pas un combat d’arrière-garde ? La modernité picturale, qui a troqué le sujet pour la peinture elle-même, et même la peinture pour d’autres supports, la philosophie qui, de longue main, a fait justice de l’existence d’une réalité fixe, intangible, qu’il n’y aurait plus qu’à copier - autant d’arguments pour me ringardiser. Sommes-nous, moi et tous ceux qui trouvons mille jouissances à suivre sur la toile la courbe d’une paupière, le hanché d’une silhouette ou les ondulations d’un paysage, réacs ? Quelques pages du livre de Jean Frémon suffisent à me rassurer - mieux, même, à achever de me persuader qu’il n’y a rien de plus révolutionnaire que la figuration. « Figurer ne va pas sans défigurer », note Frémon : le décalque de l’imitation pointilleuse est une momification. Car « trop de ressemblance tue le mystère, la respiration de l’image », bref, la « présence vivante ». Il faut, au contraire, dynamiter la ressemblance, aller jusqu’à l’abolir, aller même jusqu’à l’absurde, jusqu’à un portrait sans corps ni visage, à l’ instar de Cy Twombly et de son Portrait de Monsieur le docteur Reiner Speck, où plus rien ne demeure de l’enveloppe corporelle du modèle. Ainsi conçue, la figuration ne sent plus le formol, mais le vitriol - celui des avant-gardes qui font table rase de tout, avec cette vertu corrosive propre à la modernité. Et s’il est vrai que le moteur des révolutions est le désir, alors, là aussi, c’est dans la figuration que celui-ci brûle avec incandescence. Ainsi chez Picasso, observe Hockney, dont Frémon relaye l’intuition. Les distorsions qu’imprime le maître aux visages sont les jeux d’Eros. « Ce n’est que lorsque nous voyons un visage de très près qu’apparaissent ces merveilleux dédoublements, superpositions, décalages et transparences, deux nez, trois yeux. Or quels sont les seuls visages que nous voyons de si près ? Ceux des personnes qui sont dans notre lit. Et ce n’est pas seulement la loi de l’optique mais le mouvement des corps qui s’aiment qui multiplie les seins et les fesses et met des bouches partout. » La peinture figurative obéit au plus révolutionnaire des slogans : «jouir sans entrave ».


Damien Aubel, Transfuge, décembre 2020



Le choix de Sabine Gignoux


Voici un conteur idéal à convier à la table des fêtes, un esprit pétillant d’érudition et de sensibilité. Jean Frémon, écrivain et cofondateur de la galerie Lelong qu’il dirige, nous livre ici une cinquantaine d’histoires autour de l’art du portrait, de puis la Chine ancienne jusqu’à la peinture contemporaine de son ami David Hockney. Truffées d’anecdotes, drôles ou inattendues, mais aussi de rapprochements éclairants à travers l’histoire de l’art, elles offrent à leur tour une riche galerie de têtes, où Ton croise Érasme et Luther, Rembrandt et Louise Bourgeois sans oublier un rhinocéros. « Un portrait est une brouille», avait tranché Matisse, lapidaire. Ceux tissés par Jean Frémon le démentent, qui nous régalent avec brio.


Sabine Gigoux, La Croix, 10 décembre 2020



A la gloire des portraitistes

Jean Frémon aime raconter des histoires, des histoires de peintres, des histoires de peintures. On les savoure d’autant plus qu’il le fait avec finesse et style. Dans son dernier opus, le directeur de la Galerie Lelong & Co., dont la bibliographie est aussi longue que les artistes de sa galerie, raconte une cinquantaine d’histoires de portraits plus ou moins connus. Depuis les portraits du Fayoum ou celui, mythique, de Campaspe - la maîtresse d’Alexandre par Apelle - jusqu’aux portraits des chiens de David Hockney avec qui le galeriste entretient une longue relation amicale. Ce proustien érudit, qui préfère nettement Manet et Picasso à Duchamp (« qui s’est sans doute aperçu que sa main n’était pas à la hauteur de ses ambitions »), pratique avec subtilité l’ekphrasis, l’art de décrire un tableau, dans des textes qui sont autant de prétextes à des considérations sur l’art


J.-C.C., Le Journal des Arts, du 14 au 27 mai 2021

Vidéolecture


Jean Frémon, Le Miroir magique, L e Miroir magique juin 2021

Son

Jean Frémon, Le Miroir magique , Jean Frémon avec de Jean de Loisy 5 décembre 2021 France Culture