— Paul Otchakovsky-Laurens

Beaux et maudits

Nouvelle traduction de Julie Wolkenstein

Francis Scott Fitzgerald

Beaux et maudits (The Beautiful and Damned) est le deuxième des quatre romans de Fitzgerald (1896-1940), et sans doute le plus mal connu. Paru en 1921, il y a exactement un siècle, il raconte la déchéance d’un jeune couple, Anthony et Gloria, de la veille de la Grande Guerre au début de la Prohibition. Avec une noirceur radicale, Fitzgerald (qui n’a pas encore vingt-cinq ans) y massacre systématiquement : les hommes et les femmes, les riches et les pauvres, l’amour, l’amitié, l’intelligence, le romantisme, l’écriture, l’espérance, les ambitions, des plus modestes aux plus nobles, la société américaine, la démocratie,...

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La presse

Le sens de la fête


La nouvelle traduction de The Beautiful and Damned -soit Beaux et Maudits - nous fait redécouvrir ce texte, souvent mal-aimé, qui annonce pourtant les chefs-d’oeuvre à venir de l’auteur de Gatsby.


Lorsque paraît The Beautiful and Damned - traduit Les Heureux et les Damnés, Beaux et damnés et, aujourd’hui, Beaux et maudits - en 1922, Francis Scott Fitzgerald est un écrivain à la mode. L’Envers du paradis a fait scandale deux ans auparavant et le premier tirage en a été épuisé en trois jours. Succès rapide, flamboyant, très en accord avec la personnalité du romancier américain emblématique des Années folles, de l’ère du jazz, avec ses irrépressibles désirs de liberté, mais aussi ses discordances et son mal de vivre. Si Beaux et maudits ne confirme pas cet engouement auprès du public, le grand écrivain est pourtant là tout entier, stimulant, accrocheur, savant sous son allure désinvolte.


L’envers de l’épouvante


Anthony et Gloria peuvent rappeler Scott et Zelda. Si Anthony est le représentant d’un certain rafhnement issu d’Henry James, il l’est aussi du dandysme de Des Esseintes. Narcissique, émouvant et blessé, orphelin inguérissable, il collectionne les belles éditions, comme le personnage de Huysmans. À côté des premiers tirages de Swinburne, Meredith ou Hardy, il possède une lettre autographe de Keats, jaunie et illisible, ridicule comme une relique. Il accumule aussi pyjamas en soie, robes de chambre brodées, cravates trop voyantes pour être portées en public. Gloria, quant à elle, ne désire rien d’autre que rester jeune et belle, avoir de l’argent et être aimée. Obsédés par l’argent, marginaux inaptes au travail, les deux amants n’envisagent pas d’autre avenir que la fête, l’irresponsabilité, l’ivresse, cet envers de l’épouvante. Pour cela, tous deux dépendent de la fortune d’Adam Patch, le grand-père d’Anthony. Mais ce dernier, devenu un monomaniaque révolté par l’impiété, obsédé de régénération morale, ennemi acharné du vice, de la littérature et des salles de spectacles, les déshérite. Impeccablement servi par l’élégante traduction de Julie Wolkenstein, ce livre n’est pas seulement une étape sur le chemin qui mène aux futurs chefs-d’oeuvre, Gatsby ou Tendre est la nuit. Beaux et maudits est un roman passionnant, mêlé d’autobiographie, et qui préside à la naissance d’une littérature à proprement parler américaine.


Serge Sanchez, Lire Magazine, mai 2021




MODERN LOVE


Après « Gatsby » et « Tendre est la nuit », la romancière Julie Wolkenstein offre une nouvelle traduction de « Beaux et Maudits », roman de Francis Scott Fitzgerald, paru en 1921. Une oeuvre légère et sombre, tissant le portrait d’une jeunesse riche et désoeuvrée.


Vous les adorerez, malgré leur absence de qualités. Dans le New York huppé des années 1910, les enfants gâtés de « Beaux et maudits » s’amusent. Egoïstes, oisifs, cultivant leur « magnifique manière de se foutre de tout », Anthony Patch et Gloria Gilbert sont nés pour s’aimer. Diplômé de Harvard, le jeune homme essaie d’écrire un roman sur la Rome antique en attendant le beau jour où il héritera de la fortune de son grand-père. De son côté, Gloria, débutante de Kansas City à la beauté stupéfiante, ne s’intéresse qu’à elle-même, repoussant ses prétendants, tel un cygne glacial de Park Avenue. Dès leur premier baiser, leur histoire est scellée. « Quand j’ai lu ce livre pour la première fois, à 16 ans, j’avais l’impression qu’on me parlait de moi, de ce que je commençais à découvrir du sentiment amoureux, des doutes, des angoisses. En le traduisant pendant le confinement, j’ai aussi retrouvé les voyages et la fête, toutes les joies auxquelles nous n’avions plus droit », se souvient Julie Wolkenstein. Les fiançailles radieuses des jeunes gens sont un tourbillon ininterrompu de cocktails, de frivolités et mondanités. Mais, comme dans tous les romans de Fitzgerald, un voile sombre recouvre l’insouciance. Leur insupportable légèreté dissimule la peur qu’ils éprouvent face à l’avenir, l’incapacité à réaliser leurs rêves. À peine mariés, les voilà vieux, et nostalgiques d’une jeunesse superbe qui s’enfuit. L’arrivée de la guerre augmente ce sentiment d’inachèvement, celui d’être passés à côté du moment où ils auraient pu faire quelque chose. « Fitzgerald a 24 ans quand il écrit ce texte. Il manifeste un désenchantement précoce, car il est très jeune, plein de succès, mais déjà obsédé par le fait que tout va s’écrouler. » Ainsi, « le long processus de destruction de la vie » atteint même les plus vernis.

Flavie Philipon, Elle, 18 juin 2021



Vidéolecture


Francis Scott Fitzgerald, Beaux et maudits, Julie Wolkenstein, traductrice de "Beaux et maudits"