— Paul Otchakovsky-Laurens

Toni tout court

Premier roman

Shane Haddad

« Aujourd’hui, Toni a vingt ans. Elle se regarde dans la glace. J’ai vingt ans. Elle n’a pas l’impression d’avoir vingt ans. C’est son anniversaire et c’est jour de match. »

 

C’est l’histoire de Toni. Elle se lève un matin, s’habille, déjeune, ferme la porte et s’en va pour la journée. La journée de son anniversaire et d’un match de foot. Le match de son équipe, la sienne, celle qu’elle aime, qu’elle suit, celle à laquelle elle pense à chaque moment de son errance quotidienne. Ce soir, c’est match et toute la journée est une attente. Toute la journée est une projection de son entrée dans...

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La presse

Foule sentimentale


Avec "Toni tout court" Shane Haddad signe une entrée en littérature brillante, baignée de mystère et de mélancolie.


« Pourquoi un jour comme celui-ci arrive aujourd’hui ? »


Toni se réveille le matin de ses 20 ans avec un quelque chose entre le coeur et la gorge, qui lui donne un air chagrin. Le soir, elle doit assister à un match de foot et, au fil des heures, elle va emporter avec elle cette sensation innommable à l’université, dans la rue, au pied d’un arbre, récoltant sur son chemin des cadeaux d’anniversaire improbables : un gant, une photo, un livre oublié. Toni aimerait être regardée, mais les regards autour d’elle sont vides. Est-ce qu’il se passe quelque chose dans le corps les jours d’anniversaire ? Toni expérimente tour à tour la nausée, une ecchymose, une coupure. Alors elle se répète son prénom en boucle, qui scande le texte comme une petite musique mélancolique pour se donner du courage et tenter de s’incarner, de la même façon que la douleur est un moyen d’exister. Afin de rendre compte du flux de pensées de Toni, Shane Haddad alterne l’emploi de la première etde la troisième personne, y mêlant les voix de ceux que Toni croise sur son chemin, ou émergées de ses souvenirs. Un procédé qui rend haletante l’apparente banalité de cette journée e tqui, tout en cernantToni au plus près, la rend pourtant insaisissable. Mais cette polyphonie ajoute une autre dimension au récit. En réalité, Toni n’est jamais seule : les gens attablés aux terrasses des cafés, ou qui s’attardent sur un banc, sont autant de solitudes qui accompagnent la sienne. Il y a de la place pour une foule dans le grand vide de Toni, et pour laisser quelque chose advenir. Ce quelque chose, c’est dans la tribune du stade qu’il adviendra : ce lieu à l’énergie insondable que l’on découvre comme on découvre la vie.« C’est ici que mes 20 ans sont. Dans ces chants, dans ces graves, dans la conviction de tous vos yeux amoureux. »


Avril Ventura, Elle, Janvier 2021



Aujourd’hui, « c’est jour de match », et c’est l’anniversaire de Toni, 20 ans. Elle décrit cette journée en détail, du matin au soir, de son café refroidi à sa saucisse-frites dans les tribunes du stade de foot. Elle évoque, dès les premières pages, « quelque chose entre le cœur et la gorge qui [lui] donne un air chagrin ». Elle raconte son passage à la vingtaine comme un non-événement, incomparable avec l’importance du match de ce soir. Pourtant, elle aimerait bien que des applaudissements lui soient adressés à elle. Et il y a ces mots entendus la veille qui ne cessent de lui revenir en tête : « sale pute », « je ne t’aime pas ». Il semblerait que Toni se foute de tout — elle décrit ces événements avec une apparente insensibilité, sans commentaires, sans pleurs ni enthousiasme —, mais ce n’est pas le cas. Ses obsessions ne la lâchent pas — « mes cheveux mes cheveux » — le harcèlement maternel non plus — « comme tu es sale, et tes cheveux tes cheveux ». Ses angoisses quotidiennes, loin de se dissimuler dans la maturité d’une adolescente désormais vingtenaire, apparaissent comme les chevilles fragiles d’une existence à construire.
Shane Haddad, 24 ans et fraîchement diplômée du master de création littéraire du Havre, adopte une écriture forte et singulière qui mêle discours direct et indirect, à la première et à la troisième personnes, et qui avance à tâtons, faisant se succéder de courtes phrases par association d’idées. Elle parvient habilement à jouer de la confusion entre l’intériorité de la narratrice et son environnement, et à semer un doute permanent entre la figure de Toni et celle de l’auteure. Rien d’étonnant que la maison P.O.L se soit saisie de ce premier roman au style ambitieux qui défie radicalement les codes de l’écriture romanesque.


Marie Fouquet, L’Express, Janvier 2021



Stade terminal


Un premier roman court et intense sur la journée d’une jeune fille attendant d’aller assister à un match de foot le soir. La naissance d’une plume déjà bien affirmée, et qui va droit au but.


Bon anniversaire ! Oui, aujourd’hui, Toni a 20 ans. Nous sommes vendredi ; c’est jour de match, pense-t-elle en se réveillant, avant même de prendre son café. Mais la nausée l’assaille quelque peu - serait-ce à cause de cet inconnu qui, lors de la soirée de la veille, l’avait traitée de « sale pute » ? Quels que soient les affronts, les obstacles, il faut se battre, dans la vie. Comme lorsqu’un bus vous passe devant le nez, ou que le guidon d’un vélo vous blesse le bras. Lorsqu’elle arrive à l’université, Toni se moque bien de ce que raconte le prof, et de ses analyses sur la passion chez Clément Marot. Elle pense bien davantage à ses satanés cheveux, à la douleur dans son corps, à son père, sa mère aussi. À la chanson Sweet Jane des Cowboy Junkies. Mais surtout à l’ambiance du stade, à cette fête en tribune qui, au fond, sera sa fête à elle aussi. Le match ne pour rait-il pas aussi être vu, par cette jeune fille, comme le symbole de l’affirmation de son corps et de sa féminité ?


Foot toujours


L’auteure de cet admirable premier roman, Toni tout court, se nomme Haddad. Comme Hubert, l’écrivain, mais aussi - tiens donc - comme Patrice, président du Red Star, le célèbre club de Saint-Ouen. Soit l’équipe préférée de cette romancière à prénom mixte : Shane. C’est d’ailleurs au stade Bauer que celle-ci a découvert « ce qu’était une tribune » - à savoir « tous ces jeunes joueurs et jeunes joueuses qui persévèrent », ces supporters « qui transportent l’histoire d’un club ». Si le foot n’a pas une place sportive dans son quotidien, il l’amène néanmoins à réfléchir « sur les femmes, le spectacle les désirs d’un public, les désirs d’un seul spectateur, les rêves d’un joueur, la réalité diabolique du staff ». Et, donc, à écrire. Enfant, Shane Haddad confection nait d’ailleurs des petits livres « avec deux coups d’agrafe », à partir d’une histoire qu’on lui avait lue. « Je me souviens que j’étais obsédée à l’idée de savoir comment s’écrivait le verbe "acheter", je ne trouvais pas les trois dernières lettres. Ce que je veux dire, c’est que l’écriture, il me semble, a toujours été présente, a toujours été devant moi ! »

Plusieurs éditeurs sur le coup


Hasard, logique ou acte manqué, elle s’est alors retrouvée au master de création littéraire d’une ville historique du ballon. Le Havre, où elle a peaufiné son premier roman. Si c’est l’écrivain (et grand sportif) Sylvain Pattieu qui lui avait suggéré
l’idée d’écrire sur le football, c’est un autre homme de lettres, par ailleurs ex-hoc keyeur professionnel, qui fut son parrain
au Prix du jeune écrivain en 2020 - Shane Haddad finira quatrième, mais on connaît pire médaille en chocolat, d’autant que plusieurs éditeurs voulaient Toni... à tout prix ! En lisant son texte de divagation et d’errance, difficile de ne pas sentir
une voix originale et déjà bien affirmée, à l’image de cette narration en phrases sèches, tenue dans un flux oscillant entre
première, deuxième et troisième personne « Mon écriture, je la voulais espacée et avare quelque part. Sans fil conducteur, sans personnage », analyse-t-elle. Citant dans ses modèles des personnalités aussi variées que Violette Leduc, Hemingway, Sagan ou l’auteure de « romance » Meg Cabot, cette supportrice du Red Star semble avoir livré beaucoup d’elle-même dans ce roman aux airs d’autoportrait. « J’ai tellement travaillé, tellement lu, relu,
corrigé, tronqué, étayé, épaissi, il y a eu tant de mots devant mes yeux que je crois bien ne plus considérer grand-chose. »
Et pourquoi ce nom, Toni ? « Pour être sincère, c’est parce qu’elle est arrivée comme ça. Il y a des mystères qu’il vaut mieux préserver... » La magie du sport, définitivement.

Baptiste Liger, Lire Février 2021



Actualité


Toni tout court, ce sont vingt-quatre heures dans la vie d’une jeune femme nommée Toni. Le matin de son anniversaire, de ses 20 ans, elle se réveille « avec quelque chose entre le cœur et la gorge qui lui donne un air chagrin »... Toni tout court est aussi le premier livre publié de Shane Haddad, qui avec ce roman d’apprentissage ultra contemporain fait une entrée remarquée sur la scène littéraire. Un ouvrage qu’elle a écrit dans le cadre du master Création littéraire du Havre, où elle a étudié ces deux dernières années.


Ascendants


Entre un père « passionné de foot, de livres de photos et de livres d’art » et une mère dévoreuse de magazines de mode, c’est toute seule et dans le secret de sa chambre qu’enfant Shane Haddad commence à écrire des histoires. Quelques années plus tard, le journal intime devient le support privilégié de son goût pour les mots. Très tôt, elle a décidé que l’écriture sera son horizon, alors elle trace avec détermination son itinéraire scolaire dans ce but: bac littéraire, hypokhâgne, khâgne, licence de lettres option théâtre... « J’aime aussi les études académiques », confie Shane Haddad, dont le style se révèle pourtant, dans Toni tout court, comme branché en direct sur une pulsation pleinement d’aujourd’hui.


Signe particulier


Son roman, à l’origine « un projet d’écriture sur le foot et le stade Bauer de Saint-Ouen », est devenu au fil de l’écriture le portrait intime d’une jeune femme, « d’un corps qui apprend â se connaître, à s’accepter, à affronter les autres ». À travers les pensées et les émotions de son héroïne, ses relations avec son entourage, Shane Haddad aborde discrètement mais résolument le thème des discriminations que les femmes continuent de subir au quotidien et d’intérioriser. Même si : « Je n’écris pas contre cela, car l’écriture ne peut pas être contre, elle ne peut être qu’un mouvement positif », tient-elle à préciser.


Nathalie Crom, Télérama, Janvier 2021



L’expérience de la solitude


C’est le jour de ses 20 ans, mais c’est aux yeux de Toni celui surtout d’un match de foot important pour l’équipe qu’elle
soutient, avec une possible montée de division. Toni tout court, qui s’ouvre lorsque la jeune femme se réveille «avec quelque chose entre le coeur et la gorge qui lui donne un air chagrin », et l’accompagne jusqu’au soir, est une histoire de montée, le récit d’une sorte de chemin de croix à travers la ville qu’elle arpente et qui la dégoûte. Toni prend le bus, va à la fac, déjeune seule au restaurant... La journée s’étire en attendant d’aller au stade. Son malaise physique persistant et les phrases très courtes de Shane Haddad créent une puissante tension, qui accroche d’emblée le lecteur à ce premier roman de l’autrice, âgée de 24 ans. Un roman dont la scansion lui donne des allures de poème, qui oscille entre la première et la troisième personne pour se glisser dans la conscience de son héroïne en train d’entrer dans l’âge adulte. Des phrases la hantent ; certaines viennent de l’adolescence, et ont été prononcées par sa mère, d’autres (« mes cheveux mes cheveux ») ajoutent au mystère de Toni. Celle-ci fait une expérience singulière et sensible de la solitude, tous capteurs dehors, au fil de ce roman qui se demande à qui l’on appartient : à son passé, à son genre, à sa famille, à sa génération, à son équipe? Ou à soi, tout simplement - et c’est ce qui est le plus difficile à apprendre.

Raphaëlle Leyris, Le Monde, février 2021

Vidéolecture


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Shane Haddad, Toni tout court , Shane Haddad La Grande Table France Culture 11 février 2021