— Paul Otchakovsky-Laurens

Bye Bye Babylone

Lamia Ziadé

Bye Bye Babylone est la version longue (comme l’on dit au cinéma) du premier livre de Lamia Ziadé, paru il y a dix ans, avant ses deux succès chez P.O.L : Ô nuit, ô mes yeux (2015), et Ma très grande mélancolie arabe (2017). Cette nouvelle édition, dans un nouveau format, est en réalité un nouveau livre, avec de nombreux nouveaux dessins inédits (une cinquantaire de nouveaux dessins), un texte entièrement revu et augmenté. Beyrouth 1975-1979 : une petite fille observe, raconte l’avancée imparable d’un conflit qui va ravager la Babylone chatoyante qui l’a vue naître. « Dans ce livre il y a Beyrouth, en feu, en flammes, en...

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Traductions

Arabie Saoudite : Mauzoun | Espagne : Sexto Piso

La presse

Lamia Ziadé, Liban mon Liban.


L’artiste libanaise, plasticienne et dessinatrice, compose une autobiographie originale en romans graphiques, sa vie se confondant avec celle du Proche-Orient depuis les années 1970.


Elle avait particulièrement hâte de rejoindre Beyrouth, en cette toute fin de mois. Lamia Ziadé, qui réside à Paris, retourne comme de nombreux Libanais plusieurs fois par an dans son pays natal pour de longs séjours, mais ce voyage-ci prend une coloration différente, avec la crise politique qui agite le pays depuis le 17 octobre. Moins inquiétante que beaucoup d’autres crises du passé, avec le goût plus léger de la liberté revendiqué par la jeunesse du pays. Malgré tous ses drames et traumatismes, « le Liban, pays des nuances et des paradoxes, arrive à garder cette joie », se réjouit Lamia Ziadé. Née à Beyrouth en 1968, elle y a traversé la guerre, y restant jusqu’à ce que survienne la nécessité de suivre des études d’art graphique à Paris, à 18 ans.
Débutera vite une carrière artistique chez le couturier Jean-Paul Gaultier, pour qui elle dessine des imprimés textiles. Son enfance sera comme sur imprimée par la guerre du Liban, comme peut l’être un motif sur un tissu. C’est cette histoire conte le superbe roman graphique qui vient de paraître, réédition augmentée de son premier livre, paru en 2010. Parallèlement à une carrière de plasticienne, exposant dans des galeries. Lamia Ziadé a publié deux autres volumes consacrés au Proche-Orient, et à cette histoire singulière recomposée par ses crayons colorés : Ô nuit, ô mes yeux, en 2015, entre les cabarets du Caire, les palais de Damas, les rues de Beyrouth et Jérusalem, dans le glamour d’une époque chantée par Oum Kalthoum ou Fayrouz ; et Ma très grande mélancolie arabe, en 2017, qui osait un martyrologe politique engagé à travers les portraits de figures célèbres ou anonymes, victimes et assassins ayant porté ou subi la guerre. « Dans ce livre, il y a des ruines et des martyrs, des vestiges, des temples, des sanctuaires (...), y écrivait-elle. Il y a des condamnés à mort. Il y a des miliciens et des dictateurs, des fedayins et des moudjahidins, une infirmière kamikaze, une miss univers et un prince rouge, des émirs, des sultans, des pachas, des califes, des patriarches et des poètes. Il y a le style, la flamme, la passion, l’idéal, la cause. Il y a Septembre noir et la bataille de Karbala, la corniche de Beyrouth et le discours d’Alexandrie, la tête de Jean-Baptiste et celle de l’imam Hussein. (...) C’était une danse macabre. Il y a un siècle au Proche-Orient. »
Peut-être pense-t-elle qu’elle est dessinatrice, peintre, plasticienne avant d’être écrivaine? Ce sont pourtant des textes très assurés et éclairants, souvent poignants, avec la juste distance d’humour et de regard faussement naïf pour accompagner ses dessins. Frappe le contraste fécond entre l’imaginaire de l’enfance, l’innocence des plaisirs simples et l’irruption violente de la guerre. Ainsi cette page faisant voisiner le papier cadeau du maga sin de jouets et un combattant kalachnikov à la main. Ou le récit du massacre de la Karantina, en 1976, bidonville du nord de Beyrouth où vivaient Kurdes, Palestiniens et Libanais du Sud, qu’elle apercevait sur la route de Kattine pour rejoindre la rituel de la « tournée des sept églises » qu’elle a dessinées. « C’est un folklore que j’adore, raconte Lamia Ziadé, dont un grand-oncle était évêque de Beyrouth. La semaine de Pâques au Liban est un moment magnifique : le lavement des pieds, la messe de la Résurrection... C’est dans ces traditions que se manifeste pour nous la foi. » Dans ce livre foisonnant d’anecdotes, de bonheurs familiaux et de Grande Histoire, le Liban est accessible dans un hier et un aujourd’hui mêlé, « vrai paradis, qui partira en fumée, comme tout le reste », résume-t-elle. En exergue d’un de ses livres, sur les couvertures desquels s’ouvrent de grands et beaux yeux plein de larmes, figurait une citation de l’écrivain libanais Amin Maalouf, que l’auteure semble vouloir faire sienne : « Il n’est ni botaniste, ni agronome, ni paysagiste et rien dans ce jardin ne lui appartient en propre. Mais c’est là qu’il habite avec les personnes qui lui sont chères, et tout ce qui pourrait affecter cette terre le concerne de près. » Lamia Ziadé offre une vision du Liban contrastée, entre l’imaginaire de l’enfance et la violence de la guerre.


Sabine Audrerie, La Croix, 07 novembre 2019


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