— Paul Otchakovsky-Laurens

Les Enfants des autres

Pierric Bailly

Bobby vit avec Julie dans une petite ville de province. Il travaille sur des chantiers. Il aime marcher dans la forêt qu’il connaît bien où une découverte macabre vient d’avoir lieu : le corps d’une femme assassinée. Bobby aime rendre visite à sa grand-mère et aime ses enfants. Ses enfants ? Mais ce sont les enfants de leurs amis Max et Alexa, prétend Julie quand Bobby les cherche partout dans la maison. Et Bobby ne sait plus très bien surtout depuis qu’il a surpris, croit-il, Julie avec Max, son meilleur ami, dans une scène sans équivoque. Ou n’ont-ils jamais eu d’enfants ? D’ailleurs, Bobby est-il bien en couple avec Julie ? Et a-t-il jamais voulu d’enfants...

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La presse

En avoir, ou pas ?


Au début, forcément, on pense à La Moustache, d’Emmanuel Carrère (P.O.L, 1986). Les premières pages nous présentent le narrateur, Bobby, qui, de retour du travail, trouve ensemble Julie, sa femme, avec qui il a trois garçons, et son meilleur ami, Max. Bobby s’énerve, va se défouler en forêt. Et voilà que, le lendemain soir, quand il prend des nouvelles des enfants, Julie ne voit pas de qui il parle. Enfin, si : Gaby, Jimmy et Hugo existent, mais ce sont les fils de Max. Les preuves matérielles semblent abonder : Julie et Bobby n’ont jamais eu d’enfants. Ainsi commence le cinquième roman de Pierric Bailly, entré en littérature avec Polichinelle (P.O.L, 2008), remarquée chronique d’une adolescence jurassienne, et dont le deuxième roman, Michael Jackson (P.O.L, 2011), traitait des transformations continues qui mènent de la jeunesse à l’âge adulte. On pourrait dire que, après cela, Les Enfants des autres est le roman de la trentaine et de ses choix — les enfants, le couple, la maison, la voiture : en avoir, ou pas ? Un roman joueur, malin, dont le tempo slalome entre les shoots de suspense et les brumes du tramadol auquel Bobby se drogue.


Raphaëlle Leyris, Le Monde des livres, janvier 2020



Twin Peaks dans le Jura


Pierric Bailly transfigure une histoire de famille banale en un faux polar sous drogues.


Il s’appelle Robert Ménétrier, un nom désué légué par son grand-père, mort le jour de sa naissance. Pour ses amis, sa famille et sa compagne, Julie, il est Bobby. Son patron, Gérald, qui l’emploie sur des chantiers, le surnomme Bobinette. Dès les premières pages, Les Enfants des autres, cinquième roman de Pierric Bailly, est placé sous le signe de l’instabilité, de l’incertitude. Qui est vraiment le narrateur ? Un trentenaire en couple, mais sans enfant, qui rend régulièrement visite à sa grand-mère nonagénaire, Jeannette, une veuve épanouie qui carbure au Canada Dry. Un jour, alors qu’il a surpris Julie en train de le tromper avec son meilleur ami, Max, qu’il souffre d’une blessure au pouce qui menace de dégénérer et que le journal local annonce la mort d’une jeune femme dont le corps a été retrouvé dans la forêt, Bobby rentre chez lui et prononce cette phrase anodine : « Les garçons, ça va ? » Interloquée, sa compagne l’informe que les trois enfants dont il est question, Gaby, Jimmy et Hugo, ne sont pas les leurs, mais ceux de Max et de sa femme, Alexa.


Un questionnement sur le couple, la paternité, le piège du quotidien


Dans les paysages du Jura, entre les promenades dans les bois et les virées dans les supermarchés discount, Bobby s’enfonce dans un épais brouillard médicamenteux d’où émergent des cris d’animaux et une tête de sanglier. Son récit est-il un cauchemar, un film qui, comme Mulholland Drive, de David Lynch, multiplie les fausses pistes et élargit à l’infini le champ des possibles ? Est-il allongé dans une clairière, rêvant qu’il a assassiné sa compagne, ou flotte-t-il toute une nuit dans une baignoire, alors que sa famille est dans la pièce voisine.
Avec ce faux polar qui commence et s’achève sur une scène d’adultère et l’image d’une femme boxant un sac de frappe, formant une boucle parfaite, Pierric Bailly questionne le couple, la paternité, le piège du quotidien et les injonctions au bonheur. « Je suis un enfant. Je fume comme un gosse. Je picole comme un gosse », pense Bobby. « Le boulot, la maison, le couple, les enfants, au-delà de ces bornes, toute existence m’est impossible », répond son ami Max en écho. Sont-ils un seul et même personnage, les deux visages d’un même homme qui aurait emprunté des itinéraires divergents ? C’est l’une des hypothèses suscitées par ce roman qui fait de la banalité de nos vies une passionnante machine à produire de la fiction.


Sophie Joubert, l’Humanité, janvier 2020



Pierric Bailly, auteur d’origine jurassienne, entraîne une nouvelle fois le lecteur au fil de la pensée du personnage principal de son roman, dans Les Enfants des autres qui vient de paraître chez P.O.L. L’écrivain annonce un « roman familial à suspense dans le Jura ». Le lecteur est soumis aux tourments de Bobby face à un questionnement auquel aucun adulte n’échappe : vouloir des enfants ou ne pas en vouloir. Les Enfants des autres fait partie de ces romans que le lecteur ne lâche pas, si bien incité par l’auteur à comprendre où il l’emmène. Bobby et son entourage évoluent dans un secteur géographique que les Jurassiens reconnaîtront : de Chevrotaine à Lons en passant par Clairvaux, Poligny ou Doucier… Avec un grand réalisme. Bobby, c’est peut-être cet homme de presque 40 ans que je viens de croiser à ma pharmacie habituelle ?


Voix du Jura, janvier 2020



LES ENFANTS DES AUTRES


Au commencement, l’homme a des enfants, source inavouable d’énervement, au point qu’il ne se sent pas vraiment parent : « Gabriel me saute dessus et m’enlace au niveau des cuisses et me serre contre lui, et j’ai l’impression qu’il y a erreur sur la personne. » Visez les « et… et… et… » : la coupe est pleine. L’incompréhensible vient au secours du héros quand il découvre un jour que sa vie a changé de cours. Et même qu’elle n’a pas existé du tout, puisque ses enfants sont désormais (à moins qu’ils ne l’aient toujours été ?) ceux de son meilleur ami. Un peu comme dans La Moustache, d’Emmanuel Carrère, lorsque le héros se rase les bacchantes qu’il arborait depuis une éternité et que son entourage lui affirme qu’il a toujours été glabre. On pourrait appeler « ressort de la marmotte », en hommage au film Un jour sans fin, ce procédé narratif qui consiste à liguer l’humanité tout entière contre un personnage, comme si de rien n’était. À partir de ce dispositif ludique, Pierric Bailly construit un roman de divertissement qui tranche avec le précédent, consacré à la mort inexpliquée de son père dans une forêt du Jura (L’Homme des bois, 2017).
Ce changement d’univers ressemble à un fort besoin de légèreté expérimentable, et l’exercice est réussi. Derrière l’enfilade précipitée de séquences illustrant la perte de repères généralisée, l’auteur interroge le conformisme, l’injonction à la paternité et le droit aux vies parallèles dans nos cerveaux saturés d’informations. Son sens de l’humour se porte sur les trésors d’autoprotection que son personnage déploie pour faire face à l’adversité. Son sens du décor (nature, architecture, accessoires de la vie quotidienne) donne au livre une forte présence visuelle. Le ton est familier, à tu et à toi avec la poisse, pour mieux l’éliminer.


Marine Landrot, Télérama, Février 2020




Agenda

Vendredi 29 mars
Pierric Bailly à Librairie Folies d'encre de Montreuil

Librairie Folies d'encre
9 avenue de la Résistance
93100 MONTREUIL

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Du jeudi 4 avril au dimanche 7 avril
Pierric Bailly au Printemps du livre de Grenoble

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Du jeudi 13 juin au dimanche 16 juin
Pierric Bailly au festival Le murmure du monde

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"La Foudre" de Pierric Bailly désigné Meilleur roman de l'année 2023 par le Magazine Lire - Lire Magazine

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