— Paul Otchakovsky-Laurens

Paula ou personne

Patrick Lapeyre

« Si notre liaison n’a pas d’avenir, il nous reste au moins le présent, le merveilleux présent. »



Jean Cosmo retrouve par hasard, lors d’un mariage auquel ni l’un ni l’autre ne tenaient vraiment à assister, Paula Couturier, une amie de jeunesse, sœur d’un de ses premiers amours. « C’est l’innocence du hasard, écrit le narrateur, qui donne à une rencontre son caractère fatal et stupéfiant. » Ils attendront leur cinquième rendez-vous pour vivre une passion amoureuse dont la fièvre érotique leur communique un merveilleux sentiment d’exister. Paula est mariée avec un homme malheureux mais...

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La presse

Aimer, faire l’amour, être


Un homme et une femme qui n’ ont rien à voir et un amour à vivre. L’auteur de L’Homme-soeur n’a rien perdu de sa grâce romanesque


Il est depuis Le corps inflammable (P.O.L, 1984) et La splendeur dans l’herbe (P.O.L, 2016) en passant par le sublime La vie est brève et le désir sans fin (P.O.L, 2010, prix Femina), le romancier français de la grâce, de la douceur teintée d’une fine ironie et d’une élégante amertume. Patrick Lapeyre de livre en livre délivre la même chanson triste que la mémoire de ses lecteurs chérit.


Celui-ci, Paula ou personne, son neuvième, ne fait pas exception à ce qui est moins une règle qu’une tendre inclination. Simplement, sans rien perdre de ces qualités-là, il y prend plus que jamais le beau risque du charnel. De quoi s’agit-il ? D’une histoire d’amour, pardi. Improbable comme tout amour se doit de l’être pour mériter ce nom-là. Un mariage, quelque part, où l’on s’ennuie un peu (beaucoup), bien sûr. Jean Cosmo, qui n’a rien de mieux à faire, y rencontre Paula Couturier. Plutôt, il la revoit, puisqu’il s’avère que la jeune femme est la soeur d’un de ses anciens flirts d’adolescent. Lui a la trentaine, célibataire, solitaire, il travaille le plus souvent de nuit au centre de tri postal de Montreuil. C’est un enfer qu’il a appris à domestiquer, entre cheffaillonne agressive, collègues syndicalistes cyniques, une autre collègue manifestement érotomane. Sa vraie vie est ailleurs. Où ? Il n’en a pas la moindre idée. Elle, c’est différent.


Elle vit dans les beaux quartiers parisiens, est mariée à un allemand dont la mélancolie ne semble pas que conjugale, donne des cours dans une institution privée et se fait fort de vivre pleinement sa foi catholique. Pourtant, et sans se l’avouer vraiment d’abord, ces deux-là se plaisent. Mieux, ils vont de rendez-vous en rendez-vous, dont la clandestinité n’est pas l’un des moindres attraits, s’adorer. Bientôt, la fièvre érotique va s’en mêler, les surprenant chaque fois plus fort, ainsi que la découverte du « jardin secret » de Jean, sa passion pour l’œuvre d’Heidegger et son concept-même « d’être ». Car, est-ce ainsi que l’on vit, d’un amour que l’on sait ne pas être durable, comme caché dans une anfractuosité du temps, et de philosophie ? Est-ce ainsi que l’on gagne sa vie pour mieux supporter de la perdre ? Perdre Paula, pour Jean, en serait l’équivalent. C’est elle. C’est tout. Elle ou personne. À ces questions, Patrick Lapeyre répond comme il le fait toujours. En regardant le ciel et les beaux nuages qui filent en douce.


Olivier Mony, Livres Hebdo, 3 juillet 2020



Depuis Le Corps inflammable (1984), Patrick Lapeyre peaufine chacun de ses livres. Et ce n’est pas le succès de L’Homme-sœur, prix du Livre Inter 2004, ni davantage celui de La vie est brève et le désir sans fin, lauréat du Femina 2010, qui lui ont fait accélerer la cadence. On attendait donc avec impatience ce neuvième roman, quatre ans après La Splendeur dans l’herbe. Les retrouvailles sont à la hauteur : Paula ou personne renoue avec l’univers sentimental et délicat de l’écrivain, avec des protagonistes pris dans les rets de Cupidon et d’Eros, avec le hasard en deus ex machina. Ainsi de Jean Cosmo, la trentaine tout juste, qui, lors d’un mariage où il s’est rendu à contrecœur, reconnaît Paula Couturier, la sœur de celle qui fut sa petit amie au collège, et s’en éprend aussitôt.


Célibataire vivant à Montreuil; employé au tri postal de nuit vers la Plaine Saint-Denis, Jean mesure le fossé qui les sépare : la fluette et « rafraîchissante » Paula, 28 ans, désormais mariée à un riche Allemand, habite dans les beaux quartiers de Paris, donne des cours dans une institution privée, revendique sa foi catholique. Mais guère heureuse en ménage, elle finit par céder au charme du « prolétaire ». Si leur liaison adultère révèle à Paula l’intensité de son plaisir sexuel, une véritable histoire d’amour s’écrit entre eux — féru de philosophie, Jean sait alterner intenses ébats et profonds débats. Hélas ! sa « douce » ne s’en laissera pas définitivement conter... Malgré une trame éprouvée, Patrick Lapeyre compose un motif contemporain singulier, captivant — enrichi par des seconds rôles formidables œ, où la passion le dispute à la raison, la gravité à l’humour. Même si l’on referme son roman la larme à l’œil.


Delphine Peras, L’Express, Août 2020



L’Être et les amants


Patrick Lapeyre mêle la comédie amoureuse et l’enquête philosophique


Les amoureux sont seuls au monde. Quand ils se retrouvent dans le petit deux-pièces de l’avenue Bosquet, Cosmo et Paula se racontent qu’ils sont enfermés en haut d’une tour, comme si l’extérieur avait été annulé. Ils se sont rencontrés à un mariage perturbé par l’orage, où ni l’un ni l’autre n’avait prévu d’aller. Dandy épris de philosophie, célibataire, Jean Cosmo est employé de nuit dans un centre de tri postal et habite un studio à Montreuil. Sœur cadette d’un amour de jeunesse, Paula Wilmann est catholique pratiquante, ensigne l’allemand dans une institution privée et vit avec son mari dans les beaux quartiers. Ils se sont plu, se sont frôlés, ont marché dans les rues de Paris avant d’entamer une liaison clandestine dont Paula a fixé les règles : ils se rencontreront le mercredi après-midi et s’interdiront d’employer les moyens de communication modernes. « Si notre liaison n’a pas d’avenir, il nous reste au moins le présent, le merveilleux présent... » admet Cosmo, qui, depuis le lycée, grâce à un prof de philo ancien talonneur de rugby, nourrit une passion pour l’œuvre de Martin Heidegger. C’est ce que découvrira Paula, au cours d’une escapade à bord d’une vieille Volvo, où Cosmo amorcera une discussion sur la problématique de l’Être.


Le plaisir des corps va de pair avec celui des mots


Enquête philosophique échevelée et comédie délicatement érotique, Paula ou personne est l’histoire d’une passion entre deux amants qui parlent autant qu’ils font l’amour. Chez Patrick Lapeyre, la chair, comme la pensée, est gaie. Le plaisir des corps va de pair avec celui des mots. Les dialogues sont vifs, subtils, surprenants. Le récit, qui alterne des scènes entre les amants et des moments du quotidien de Cosmo, met en évidence la frontière étanche qui sépare les deux mondes. Celui de Paula, à qui son mari ennuyeux assure une vie confortable, et celui de Cosmo, qui se débat entre un salaire de misère, une cheffe acariâtre, une collègue qui le poursuit de ses assiduités et sa sœur, mal mariée à un joueur de poker volage.
« Par moment, je me suis dit que notre conversation ressemble à une partie de tennis sans balle et sans raquette », dit Paula. La conversation, comme la passion, aura une fin. Que reste-t-il après l’amour ? Une légère mélancolie, le vide, l’absence, la disparition.


Sophie Joubert, l’Humanité, 27 août 2020



Ce délicat désir d’aimer


Vie et mort d’une liaison amoureuse dont l’érotisme entre en résonance avec la philosophie de Heidegger.


S’il fallait résumer en peu de mots les romans de Patrick Lapeyre, sans doute en évoquerions-nous deux : le désir et la délicatesse, qui traversent son œuvre et courent jusqu’à ses beaux titres. Ainsi, après La vie est brève et le désir sans fin – inspiré de vers du poète japonais Issa ; après La Splendeur dans l’herbe – emprunté au chef-d’œuvre d’Elia Kazan –, voici Paula ou personne. Et dans la radicalité de ces quelques mots se dessine déjà la passion qui consumera les jeunes amants de ce beau roman sentimental.


Comment parler d’amour quand celui-ci est assis sur un mensonge ?


Curieux équipage que ce couple-là, socialement peu assorti, presque dépareillé. Jean Cosmo, « un mètre quatre-vingt-trois d’embarras » et de sensibilité, vit à Montreuil et assure sa subsistance en triant le courrier « au-delà de La Plaine Saint-Denis, dans la banlieue du 93 ». Le trentenaire mène « une vie laborieuse, ingrate, dans un milieu étranger à tout ce qu’il aime ». Car ce qui l’anime se situe tout à fait ailleurs. Se perdant dans « l’Être et l’Étant » heidegerrien – sans que le lecteur s’y perde pour autant –, le « postier philosophe » arpente ardemment la pensée du maître allemand, en quête d’une raisonnable interprétation de son existence morose.

Et puis, à la faveur du mariage de lointaines connaissances, voici venir Paula Couturier – « sans le hasard, sans cette espèce de vent nocturne enroulé autour de nous, il n’y a pas de rencontre. » Le désir, l’amour peut-être, est immédiat, et partagé. Paula est professeure dans une institution privée, fervente catholique qui enseigne le catéchisme et « dégage quelque chose de lumineux, sans en être du tout consciente ». Elle est ravissante, presque intimidante, cette « jeune fille de bonne famille » à côté de laquelle Patrick Lapeyre se tient, fouillant les pensées de Jean tandis que la jeune femme demeurera auréolée des secrets de son âme. Mais Paula est mariée : comment parler d’amour quand celui-ci est assis sur un mensonge ? Et comment considérer l’avenir quand une histoire commence à rebours, fondée ici sur le souvenir commun d’Alice, la sœur de Paula qui fut aussi le premier amour de Jean ?

Patrick Lapeyre donne littéralement corps à son roman en même temps qu’il élève le récit, suspendu dans un temps poétique dont il a le talent. Il saisit, comme à son habitude, les instants, les postures et les lieux. Dans un triptyque de la passion amoureuse, il raconte l’attente des premiers rendez-vous, les robes légères aux sages décolletés, « les terrasses ombragées par la canopée des arbres » et « les soirs de printemps bleuâtres ». Il dit aussi la jouissance de l’autre et le manque dévorant qui lui est associé, « l’ampleur de la beauté » de Paula nue, dévoilant crûment l’intimité du couple, scrutant les gestes et les mots de ses embrasements. Et puis la mort du couple, et la disparition – à quoi bon vivre désormais : « C’est déjà terminé. »

Les héros de La Splendeur dans l’herbe étiraient le moment de consommer leur amour de sorte que, jamais entamé, le désir demeure. A contrario, la tension érotiquo-philosophique dans laquelle Jean maintient son couple adultère est un ancrage charnel conçu comme un vœu pieux d’éternité. « Qu’on vieillisse ensemble, tendrement, éternellement », souhaite-t-il encore au moment de partir. Il existe une petite musique Lapeyre, à laquelle Paula ou personne ne déroge pas, au son de mots fragiles ou brûlants, de clair-obscur et de plein soleil, qui sont comme des pansements sur les plaies de l’amour, objet chéri de nos délicieux malheurs.


Fabienne Lemahieu, La Croix, 3 septembre 2020



La double vie de Paula


La première fois que Jean vit Paula, ce n’était pas la première fois. Il l’avait connue quinze ans plus tôt, quand ils étaient adolescents. Dans l’intervalle, Paula s’était mariée. Mais que pèse un mariage, quand « une série de hasards tissés ensemble » provoque « une sortie de collision prédestinée » entre deux personnes qui se croient faites pour s’entendre et tout partager ? L’auteur de « La vie est brève et le désir sans fin », prix Femina 2010, raconte ici, dans un mélange très Nouvelle Vague de sentiments, d’érotisme, d’humour, et même de considérations un peu bavardes sur Heidegger, Apollinaire et Tarkovski, toutes les étapes d’une grande histoire d’amour impossible : les débuts solaires, dans « la confiance et l’acquiescement joyeux à tout ce qui pouvait arriver » ; la suite, dans une clandestinité fusionnelle qui se déglingue imperceptiblement sous les effets de la culpabilité, de petites négligences, et de « divers soupçons » qui finissent par « effleurer l’esprit » d’un des protagonistes. Qu’en reste-t-il, quand on se retrouve seul avec sa souffrance ? Un beau roman à énigmes, rétrospectivement miné par la cruelle impossibilité de savoir ce qui, dans tout ça, était une illusion.


Grégoire Leménager, L’Obs, novembre 2020



"Jugé sur l’amour", un article de Norbert Czarny à propos de Paula ou personne, à retrouver sur la page de En attendant Nadeau.

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Patrick Lapeyre, Paula ou personne , Patrick Lapeyre invité de Patricia Martin France Inter