— Paul Otchakovsky-Laurens

Augustin Mal n’est pas un assassin

Julie Douard

Dans cette féroce fable contemporaine, Augustin Mal est un homme qui se rêve ordinaire, mais tout nous révèle qu’il n’est pas dans la norme. Il collectionne les slips et les déconvenues, se raconte qu’il va bien et qu’il est amoureux, force un peu le destin quand une femme lui dit non et se réjouit de rester toujours propre. Il confond politesse et familiarité, et s’attire nombre d’ennuis car les gens n’apprécient guère qu’on les colle ou les caresse. Augustin peine à comprendre les règles tacites qui ordonnent les rapports humains en mettant chacun à bonne distance de l’autre. Il épie les hommes pour voler un peu de leur virilité en...

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La presse

Le consentement


Sa bonne éducation lui permet d’être un homme tranquille. Il ne s’énerve jamais et il sait toujours quoi répondre à qui l’importune. « Je ne crois pas qu’un seul mauvais sentiment m’habite hormis quelques rêves liés au sexe. » Car, hélas, Augustin Mal est écartelé entre le sexe, son « membre », qu’il aime bien (il l’attrape souvent à travers le pantalon… dont il a décousu la poche !), et le sexe, les relations sexuelles pour de vrai, un désert. Bref, « depuis des années, mon désir implose ».
Mais voici que surgit Gigi qui participe à un groupe de parole auquel Augustin s’est inscrit, même s’il ne saisit pas la raison d’être du truc, si ce n’est qu’il réunit des « malades », à part lui évidemment. Gigi dit tant d’horreurs sur son mari que, c’est sûr, il y a là la possibilité d’une aventure. Mais, d’abord, elle doit avaler le cocktail de médocs concotés par notre « héros » pour la transformer en proie facile. Le consentement façon Augustin. Lecteurs, consentez à ce pur bijou, terrible.


J.L., L’Alsace, Mars 2020



Du constat qui lui sert de titre, ce livre propose une démonstration aussi imparable que grinçante. Augustin Mal, donc, n’est pas un assassin ; la preuve, ce n’est pas lui qui a zigouillé le caniche du voisin, et ce n’est pas la mort qu’il fera subir à Gigi, la femme convoitée. Augustin ne va pas si mal donc même s’il se souhaiterait plus mâle. Augustin serait presque bien sous tous rapports. Écoutons-le plastronner à l’aube de son monologue : « Moi, j’aime la familiarité. Surtout la mienne car elle est sans vulgarité. Cela tient peut-être au fait que je suis très propre. » Il ressemble à ce voisin un peu collant à qui la distanciation sociale ne dit rien, à ce toqué toujours prompt à identifier les tares des autres, à quelque élucubrateur du dimanche ; bref, il ne doute de rien. Le lecteur, lui, se demande assez vite s’il faut prendre les maux qu’il devine au sérieux : une fixette étrange sur les dents, un imaginaire porté sur l’animal (du caniche à la truie en passant par l’incongru dauphin), des « ombres de ressentiment » envers la gent féminine.
Le quatrième roman de Julie Douard se lit d’une traite, du rire à l’effroi. Comme dans ses précédents récits, cette professeure de philosophie manipule euphémismes et assertions bien articulées pour décrire une réalité rien moins que sordide. L’éloge de la promiscuité à la piscine (ô les piscines !) nous fait rire en plein métro, tandis qu’une scène de lecture de roman Harlequin atteint le summum du glauque. Julie Douard met en scène avec une efficacité certaine l’engrenage du déni et les distorsions possibles du réel chez une conscience livrée à elle-même. Le portrait qu’elle dresse est celui d’un homme inadapté mais touchant, perdu mais terrifiant, qui pourrait être n’importe qui mais fait n’importe quoi, un homme qui ne se reconnaîtrait pas du tout dans les accusations imprimées qui fleurissent sur nos murs, et pourtant.


Chloé Brendlé, Le Matricule des Anges, Juin 2020



Un inconnu aussi ordinaire qu’inquiétant


Le bonhomme n’a rien de bien extraordinaire dans sa carapace de petit employé sans ambition, ni envergure. Mais ce serait trop simple. L’autrice, Julie Douard, le rend très vite inquiétant. Ou pervers. Ou les deux à la fois. Il n’a pas d’amis, et pourtant, comme il le dit, il est « tèrs propre ». Il collectionne les slips, comme celui qu’il a trouvé dans le couloir du bureau. Il essaie d’être amoureux d’une femme, mais frôle le meurtre. Sauvé par le titre qui affirme qu’il n’a tué personne. Mis en scène par Olivier Lopez, François Bureloup est ce personnage énigmatique et finalement inquiétant serré dans son pull grisâtre et ses idées dangereuses. Avec une bonhomie troublante il se raconte, et si l’on rit beaucoup, c’est souvent devant l’énormité présentée comme ordinaire.


G. R., L’Humanité, Juillet 2022

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