— Paul Otchakovsky-Laurens

Les Trois Médecins

Martin Winckler

Un médecin, ça n’a pas toujours été médecin. Il a bien fallu qu’il le devienne. Bruno Sachs, le personnage déjà rencontré dans La Vacation (P.O.L, 1989) et La Maladie de Sachs (P.O.L, 1998), n’échappe pas à la règle. S’il est devenu le médecin qu’il est devenu, c’est grâce, malgré ou à cause des longues années de formation qu’il a passées à la faculté de médecine de Tourmens, dans les années soixante-dix.
Raconter ces sept années de faculté, c’était montrer que devenir médecin c’est vivre plusieurs romans à la fois : un roman...

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Traductions

Allemagne : Antje Kunstmann | Grèce : Metaichmio | Russie : Ripol-Classic

La presse



La Formation du docteur Sachs
Illusions perdues sur les bancs de la fac de médecine.



On avait quitté à regret Bruno Sachs dans La Maladie de Sachs, on le retrouve vingt ans plus tôt, durant ses études. Il y construit sa propre éthique, et découvre l’amitié, l’amour, la mort, la politique. L’auteur revendique ses influences : celle des Trois Mousquetaires d’Alexandre Dumas, dont il reprend la trame. Peut-être égalemment celle de La Vie, mode d’emploi de Perec pour la construction. Mais Martin Winckler est un auteur à part entière, touchant et juste. S’il présente son ouvrage comme un roman d’aventures, le livre est aussi un roman initiatique, historique (il traverse les années 70) et d’amour. Une oeuvre superbe et humaine.



M.S. Télé 2 Semaines








C’est un roman d’aventures pour adultes. Une transposition des Trois Mousquetaires de Dumas pour raconter la formation personnelle et médicale, dans les années 70, de Bruno Sachs, le héros, déjà, de La Vacation et de La Maladie de Sachs. Dans ce roman de formation, d’amour et d’amitié, il est aussi question de luttes de société et de pouvoir, via le récit du combat de quatre jeunes mousquetaires de la médecine contre le mandarinat et pour le droit à l’avortement. La lecture de ce livre ample, en forme de défi néo-oulipien, procure le même genre de plaisir que les meilleurs romans de cape et d’épée. Avec, en plus, un vrai propos politique.


Les Inrockuptibles, le 18 août 2004






Winckler-Dumas : même combat



C’est un bonhomme inclassable, Martin Winckler. Médecin, engagé et souvent même enragé, il n’hésite jamais à appuyer là où sa profession a mal. Il est aussi le romancier à succés de "La Maladie de Sachs", écrivain prolixe, fou de comics, fin connaisseur de "Superman", fan de séries télé, traducteur, chroniqueur radio, gros lecteur.
Eh bien, voilà,"Les Trois Médecins", c’est le chaudron bouillonnant de toutes ces passions, à la fois grand roman mélodramatique, sans effets spéciaux mais avec un torrents de sentiments, et document percutant sur le monde médical, du mandarin à l’aide-soignante. Soigner, qu’est-ce que ça veut dire? Pour répondre, Winckler reprend le personnage de "La Maladie de Sachs", le Dr Bruno Sachs, mais vingt ans avant, quand il n’est encore, à l’aube des années 70, qu’un étudiant en première année de médecine, déjà grande gueule, pétri d’empathie pour ceux qui sont du mauvais côté de la barrière, docteur en doutes et en devenir. Et comme Winckler n’a peur de rien, il transforme Sachs en D’Artagnan du stéthoscope (...)
Entrecoupé d’articles, de témoignages de patients, d’explications scientifiques, de listes, d’une variété de styles incroyable, le récit foisonne d’histoires et de personnages secondaires à fendre le coeur, de la femme de ménage, Madame Moreno, à l’appariteur, Monsieur Nestor, qui détient le fin mot de l’histoire. Ce serait un péché d’en dire plus et d’entamer ce pur plaisir de lecture. Winckler ose tout et remporte son pari haut la plume en signant une grande histoire humaine, tout simplement.



Olivia de Lamberterie, ELLE, le 30 aout 2004









Sachs symboles



Martin Winckler disposait d’un abondant matériau, à la fois personnel et professionnel : des amitiés, des amours, mais aussi de grandes colères et le souvenirs de belles bagarres. Sans parler du souci romanesque et des témoignages qu’il voulait y incorporer. Il lui fallait donc un "truc" pour donner de la cohérence à l’ensemble. Winckler l’a trouvé chez Dumas, auquel il a emprunté la trame des Trois Mousquetaires. En fervent admirateur de Perec - le nom de Winckler figure dans La Vie, mode d’emploi - il l’a respecté à la lettre, modifiant seulement le cadre et la distribution. Ici, plus de cour royale, mais une faculté avec sa hiérarchie pyramidale. Au sommet, un doyen gentiment indifférent, sa jeune épouse et son amant anglais. Ce couple illégitime se retrouve en butte à la hargne d’un vice-doyen d’autant plus redoutable qu’il est flanqué d’une ambitieuse assistante, Milady au trouble passé, et d’arrogants internes, soldatesques du Cardinal, futurs spécialistes déjà sûrs de leur privilèges. Bruno Sachs est le d’Artagnan de cette affaire ; ses mousquetaires, trois apprentis généralistes.


Réformer les études de médecine


Les deux camps se livrent une lutte sans merci au nom de conceptions radicalement différentes de la médecine. L’une distante, l’autre attentive. L’une au service du soignant, auquel elle apporte pouvoir et fortune. L’autre au service du patient. Une opposition qui resterait caricaturale si Martin Winckler, toujours pédagogue, n’argumentait jusqu’à retourner ces grosses ficelles romanesques à son avantage. Il en fait un moteur de lecture et une source d’émotions, apporte des documents comme autant de preuves. Tout en laissant au jeune Sachs le soin de placer quelques suggestions de son cru, parmi lesquelles revaloriser les généralistes, réformer les études de médecine, en abolir le caractère aristocratique, apprendre aux étudiants à affronter les réalités premières : la mort, la souffrance, les sanies, les cris, la solitude, etc.



Daniel Martin, L’Express, le 23 août 2004








Le médecin mousquetaire



(...) Cette fois, Martin Winckler avait à nouveau un problème de forme. Il voulait raconter les années de formation de son héros, le médecin généraliste Bruno Sachs. La lumière a fait surgir de l’ombre "les Trois Mousquetaires".
(...) Comment expliquer ce retour à Dumas à l’aube de la cinquantaine? "Parce qu’il m’a paru évident que l’architecture de ce roman, ses personnages, ses péripéties collaient tout à fait à ce que je voulais faire." Faire quoi? "Un roman d’aventures, un roman d’amour, un roman de formation, un roman sur l’amitié, un roman politique." Sur le coup, Winckler a ri de ce rapprochement avec Dumas parce que "l’idée paraissait saugrenue". Mais en même temps "elle me faisait plaisir". Il s’est donc jeté à l’eau, gardant un oeil sur le modèle, dont il adapte des pans entiers ; sachant aussi l’oublier quand l’inspiration lui dicte d’autres voies.


(...)Bruno Sachs est évidemment d’Artagnan. Le roi Louis XIII? C’est le doyen de la fac, un certain Louis Fiessinger. Richelieu? Le vice-doyen, Armand LeRiche, lui prête ses traits. "A partir de là, poursuit le romancier, tout tombe juste. Les mousquetaires sont les étudiants qui veulent faire médecine générale, et les gardes du cardinal sont les internes. Pourquoi tout tombe juste? Parce que la structure hiérarchique de la fac de médecine correspond exactement à la structure de la France féodale de Louis XIII!"


(...)Martin Winckler affirme qu’il ne s’agit pas là d’une autobiographie. Le personnage de Bruno lui a été inspiré en partie par celui "d’un grand médecin, un type formidable qui s’est suicidé à l’âge de 30 ans". Bruno est donc "un vecteur" : "J’ai vécu certaines des aventures que je lui prête, et d’autres que j’attribue aux mousquetaires. Je me suis "réparti" un peu dans tous les personnages", affirme le romancier. Construit à l’aide d’une succession de brefs chapitres racontés à la première personne par les acteurs de cette saga, "les Trois Médecins" est un véritable feuilleton moderne, entre récit d’aventures et roman policier. Winckler noircit le tableau? Les scènes de meurtre exceptées, il jure ses grands dieux que plusieurs des péripéties du roman ont été vécues par lui ou lui ont été racontées. Mais au-delà, ce qui est inévitablement perceptible c’est la jubilation de l’écrivain. Chez Winckler, l’écriture est contagieuse. Et avec elle le bonheur retrouvé d’une littérature qui donne à son lecteur ce qu’il attend : un remède à l’ennui.



Bernard Géniès, Le Nouvel Observateur, le 26 août 2004








Sachs, Vingt ans avant



Bruno Sachs est de retour ! Ce personnage que Martin Winckler s’est inventé pour dire son expérience de médecin généraliste et assouvir sa passion de littérature est apparu en 1988 dans La Vacation, il a triomphé dans La Maladie de Sachs (Prix du Livre Inter 1998) et dans le film qu’en a tiré Michel Deville. Il a encore fait de brefs passages au rayon des polars (Touche pas à mes deux seins et Mort in vitro). On l’a vu pratiquer l’IVG en centre hospitalier et la médecine générale à la campagne. Ferrailler avec les escrocs de la science et du bistouri. On le sait modeste, attentif, mais très ferme sur ses positions : le malade est l’unique préoccupation du médecin qui lui doit écoute, soins, vérité. On ignorait tout de sa formation. La voici racontée dans Les Trois Médecins. Un roman que Martin Winckler a écrit sur le modèle des Trois Mousquetaires de Dumas, après avoirl’avoir transposé dans les années soixante-dix du siècle dernier. Il a donné à Bruno Sachs le rôle de d’Artagnan, et fait de trois futurs généralistes ses acolytes. Ils auront à se battre contre l’institution représentée par un vice-doyen d’autant plus redoutable qu’il est flanqué d’une ambitieuse assistante et d’internes arrogants, de futurs spécialistes déjà sûrs de leurs privilèges. A cette partie stictement romanesque, Winckler ajoute des documents, des témoignages pour toujours défendre les mêmes idées : la médecine doit être plus au service du patient que du soignant. Une mutation qui implique selon lui la revalorisation des généralistes et la réforme des études. Que leur caractère aristocratique soit aboli, que l’enseignement soit reconsidéré de manière à ce que les étudiants apprennent à affronter les réalités premières : la mort, la souffrance, la solitude, etc... " Je voulais écrire depuis longtemps ce livre sur les études de médecine, en dénoncer l’archaïsme, dire ce qu’il y a de scandaleux dans la façon de traiter les étudiants et les patients, ce qu’il y a d’inadmissible à vouloir dévaloriser les généralistes au profit des spécialistes. Je voulais aussi montrer que ce monde est peuplé de gens bien pour qui la médecine est importante". (...)




Daniel Martin, La Montagne, le 29 août 2004









Winckler, d’Artagnan en blouse blanche



Depuis qu’il a choisi de défendre la médecine à visage humain, Martin Winckler ne cesse de guerroyer contre des moulins à vents. Et il ne désarme pas. Ne veut-il pas, à présent, faire de ses années d’internat en médecine, un grand roman de cape et d’épée. Il fallait oser.
Mais l’auteur de La Maladie de Sachs, qui conserve une vacation hebdomadaire à l’hôpital du Mans, a plus d’un tour dans sa trousse. Pour raconter avec ferveur et panache la formation de Bruno Sachs, l’écrivain a choisi les armes d’Alexandre Dumas. Et comme son livre emprunte les sentiers au moins aussi cahoteux que ceux des Trois Mousquetaires, on craint tout d’abord que cette relecture puisse tourner au procédé. Très vite, on est rassuré. La transposition prend, aussi bien qu’une greffe.


Tout commence dans la bonne ville de Tourmens, en 1973, bourgade imaginaire au nom symbolique, déjà présente dans La Vacation. Après un séjour en Australie, Bruno, le fils du docteur Abraham Sachs, revient en France pour s’inscrire à la faculté de médecine. Grand, maigre, dégingandé, un bonnet de marin vissé sur la tête, arborant des "cheveux longs attachés derrière la nuque" en catogan, le jeune homme est aussi maladroit qu’il est enthousiaste.
Fils à papa, il débarque comme un chien fou dans l’arrogant jeu de quille des étudiants de deuxième année. Un trio de mousquetaires en blouse blanche sévit déjà dans l’enceinte de la "fac", et plus précisément, au Grand Café. Bien sûr, Sachs (qui est d’Artagnan bien sûr), ne pourra faire autrement que de bousculer la queue de billard de l’aîné Christophe Gray (Athos), renverser du Coca-Cola sur la nouvelle veste en suir du nonchalant Basile Bloom (Porthos), et contrarier un drague de séducteur d’André Solal (Aramis). Un mémorable duel au baby-foot réglera la question. Ainsi naît une amitié. De celle dont on rêve.


Après La Vacation et La Maladie de Sachs, Winckler retrouve son double romanesque ; il insuffle à son roman d’apprentissage le galop d’une cavalcade médicale. En cinq cents pages conduites à brides abattues, troussées comme un feuilleton populaire dans la tradition qui va de Ponson du Terrail à Jeanne Bourin, l’écrivain orchestre sans faiblir les escarmouches de quatre jeunes bretteurs de la médecine, en guerre contre les mandarins d’une institution repliée sur ses privilèges, et très sûre de son savoir. Quant au coeur...
Fervent disciple de Georges Perec, à qui il a emprunté son pseudonyme, Martin Winckler (qui s’appelle en réalité Marc Zaffran) a cru bon d’étoffer la structure narrative de son roman en y incorporant une polyphonie de voix, chère à l’auteur de La Vie mode d’emploi. Se discerne, ainsi, au fil des pages,la partition d’un choeur qui, par touches légères, psalmodie le quotidien des malades et des apprentis-soignants. Témoignages anonymes, aveux douloureux, moments de grâce, accompagnent le grand flux de l’histoire, au risque de l’embrouiller.


En enracinant son histoire hospitalière dans les années 70, Winckler aborde également les luttes qui agitaient alors la société française, de la montée du féminisme, à la libéralisation de l’avortement. En passant par l’ambition d’une médecine généraliste scrupuleuse, où il y eût de l’humain, et qui fût dégagée de tout intérêt de caste. Dans ces conditions, il est inévitable dep enser à une autre saga composée à peu près à la même période, et animée des mêmes bons sentiments ; ceux des Hommes en blanc, d’André Soubiran, où un jeune étudiant toulousain monté à Paris racontait, au jour le jour, la découverte du monde en blouse. Reste que M. Winckler nous éloigne des récits intimistes de la rentrée littéraire où l’image est à chercher dans la tapis de la narration ! On ne discutera pas à son roman l’ampleur et l’inspiration du conteur qui tient son public en haleine. Qui sait, pour ce méde"cin à plume, sinon à boutons de mandarins, le serment d’Hippocrate eut peut-être cette variante : "Un pour tous et tous pour elle, la médecine"? Et le coeur en prime.




Olivier Delcroix, Le Figaro littéraire, le 9 septembre 2004






Des études racontées comme l’épopée des Trois Mousquetaires. Le pari était ambitieux, le résultat mérite une révérence.



Avant La Vacation puis La Maladie de Sachs, qui aurait parié un kopek sur l’intérêt que pourraient susciter les histoires de médecins de Martin Winckler? Qui savait qu’en tout praticien se cachent quatre personnes : "le soignant, le chercheur, l’enseignant(...), le conteur"? On ne sait pas ce que vaut Martin Winckler dans les trois premiers rôles, mais dans le quatrième, il excelle. Les Trois Médecins mérite une belle révérence, comme celle qui devait se pratiquer à la cour de Louis III.
Ca tombe bien, puisque c’est un peu de ça qu’il s’agit dans ce troisième volet des aventures de Bruno Sachs, au centre déjà de La Vacation et de La Maladie..., d’une transposition des Trois Mousquetaires de Dumas dans les années 70 pour raconter sa formation personnelle et médicale. A la place de la cour royale, une faculté de médecine de province. Sous l’oeil d’un doyen monarque faible et vaguement indifférent se déchirent deux conceptions du métier : d’un côté, il y a le vice-doyen Richelieu flanqué d’une vénéneuse Milady et d’une armée d’internes.Chez ces gens-là, on croit que la médecine n’est là que pour rendre riche et puissant ceux qui l’exercent. Et on voit d’un très mauvais oeil la Loi Veil sur l’avortement qui se profile. Heureusement, de l’autre côté luttent quatre jeunes mousquetaires, futurs généralistes par principe, menés par un D’Artagnan-Bruno très remonté contre leur pratiques archaïques, leur vision du serment d’Hippocrate, leur attachement au mandarinat.


Pas aventureuses les études de médecine? Il s’en passe des choses, en sept ans (minimum) : des concours ardus, bien sûr, mais aussi des coups bas en tout genre et même des meurtres, sur fond d’années 70 remuantes, et de débats de société essentiels. Pour donner sa cohérence au tout, faire passer son message de militant pour une humanisation de la médecine, Winckler use de deux ruses narratives très efficaces. La première, ce défi néo-oulipien de se couler dans la trame des Trois Mousquetaires ; il y a dans cette adaptation des rebondissements dumasiens autant de jeu que de foi en une littérature, de l’émerveillement et du plaisir. Winckler a l’air de penser que les adultes sont autant demandeurs d’histoires d’amour, d’amitié et d’aventures racontées à fond de train qu’un enfant grippé. A juste titre, et c’est ce qui fait, en partie, le charme de ces 528 pages bondissantes. A l’intérieur de ce parti pris, l’auteur use d’une structure polyphonique, déjà présente dans La Maladie... Avec ce procédé kaléidoscopique, chacun des personnages a la parole pour quelques pages et s’exprime à la première personne. Ces monologues, agencés comme une véritable dramaturgie, permettent de raconter les petites histoires et l’histoire de combats politiques à hauteur d’hommes. Exactement comme devrait s’exercer la médecine.
Mais, alors que cette construction évitait à La Maladie de tomber dans la complaisance et l’hagiographie du médecin humaniste, elle ne suffit pas cette fois-ci à contourner cet écueil. C’est le seul défaut du roman. Encore que... si D’Artagnan n’était pas entièrement du côté du beau, du bien, du juste, est-ce qu’on l’aimerait autant?



Raphaëlle Leyris, Les Inrockuptibles, le 8 septembre 2004








Soins pour tous, tous pour soin!



Pastichant "Les trois mousquetaires", Martin Winckler pulvérise le système hospitalier français des années 70. Au laser!
Il est l’un des rares éccriavins capables de vous stopper une bronchite ou de vous arranger, si vous insistez, une petite vasectomie dans les règles de l’art. A 49 ans, Marc Zaffran, alias Martin Winckler ou encore Bruno Sachs, son alter ego romanesque, reste en effet médecin. Ou plutôt "soignant", comme ne cesse de le revendiquer les héros de son dernier roman, "Les trois médecins". Comme les trois mousquetaires, et c’est peu de le dire!
Car ce nouveau pavé, qui revient sur la jeunesse estudiantine du héros de "La Maladie de Sachs", écoulée à plus de 400 000 exemplaires voilà six ans, est d’abord un pastiche du chef d’oeuvre de Dumas. "De blouse et de scalpel", comme on dirait " de cape et d’épée", en plein coeur d’une fac de médecine provinciale où il s’en passe de bonnes. Dans le rôle du roi, un doyen débonnaire manipulé par un Richelieu-mandarin d’hosto et anti-IVG. Pour un cardinal, il faut dire que ça se tient. Sa garde prétorienne? Une escouade d’internes du CHU, reconnaissables à leur façon de relever le col de leur blouse. D’Artagnan, forcément, c’est Bruno Sachs, qui a troqué la jument de papa pour un Renault antédiluvienne qui tape dans l’oeil d’un Athos en blue-jean. Et de Constance Bonnacieux, irrésistiblement incorrecte en avorteuse clandestine. Milady, on vous laisse la découvrir : sachez simplement que, sur fond de libération sexuelle, sa flétrissure est bien plus érotique que chez le mulâtre de Port-Marly.


Années 70 et fac de médecine obligent, on fait ici beaucoup l’amour. Et le coup de poing aussi. Winckler n’est pas un tendre et, entre souvenirs de carabin (bizutages, pêche au cadavre dans des piscines au formol et drague sauvage dans les amphis), entrelardés d’extraits de manuels, de coupures de presse et de témoignages en direct du "billard", c’est tout le système hospitalier français que ce fan de superhéros pulvérise façon rayon laser à travers ses mousquetaires à croix rouge : "La féodalité des études de médecine, l’archaïsme de l’enseignement magistral, la hiérarchie criminelle de l’hôpital, la compétition inepte qu’on crée entre étudiants et qui se poursuit entre soignants, la lutte sanguinaire pour le pouvoir, le mépris réciproque, la morgue, la vanité..." Finalement, D’Artagnan, ce n’est pas Bruno Sachs, c’est lui.



Christophe Ono-dit-Biot, Le Point, le 9 septembre 2004






Le roman boule de neige



Sujet apparent (et réel, si, qunad même!) du roman: la médecine et ses environs. Comment se fait la formation des "docteurs"? C’est le moment ou jamais de parler de "roman de formation" - et même de formation professionnelle! Pas de doute: le chemin est excellent pour découvrir une société, une époque. On passe du récit linéaire au récit exploratoire, fourmillant, mangeur de temps et pourrisseur de souvenirs. On est pris. Pas question d’abandonner la lecture: le pari du romancier est gagné. Il me semble qu’un Perec aurait pu user de ce procédé et en tirer ces beaux effets maigres et un peu froids qui caractérisent le talent de Martin Winckler [...]


La réalité - fervents du roman naturalistes, ralliez-vous au panache de Winckler! - colle à la réalité comme font les flocons de neige, ppour former bientôt une "gonfle", ou une grosse boule qui va s’arrondir et durcir de page en page. Technique très simple, limpide, lisible, et en même temps comment ne pas voir que tout cela est réfléchi, minutieux?



François Nourissier, Le Figaro Magazine le samedi 27 novembre