Laissées-pour-compte
Robert Bober
Ce nouveau roman de Robert Bober qui se déroule entre 1949 et 1964 commence dans un atelier de couture que nous connaissons bien, celui de Monsieur Albert (Quoi de neuf sur la guerre ?). Il nous raconte l’histoire de trois vestes que les clients vont inexplicablement bouder parmi la collection d’été. Des « Laissées-pour-compte » qui vont d’abord se languir dans l’atelier mais, à cette occasion, découvrir aussi qu’elles sont douées de pensée et, entre elles, de parole. Alors, elles vont, tout en s’interrogeant sur les raisons qui les ont mises dans cette situation, observer et commenter ce qui se passe sous leurs yeux : occasion...
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Ce nouveau roman de Robert Bober qui se déroule entre 1949 et 1964 commence dans un atelier de couture que nous connaissons bien, celui de Monsieur Albert (Quoi de neuf sur la guerre ?). Il nous raconte l’histoire de trois vestes que les clients vont inexplicablement bouder parmi la collection d’été. Des « Laissées-pour-compte » qui vont d’abord se languir dans l’atelier mais, à cette occasion, découvrir aussi qu’elles sont douées de pensée et, entre elles, de parole. Alors, elles vont, tout en s’interrogeant sur les raisons qui les ont mises dans cette situation, observer et commenter ce qui se passe sous leurs yeux : occasion d’approfondir cette vie d’atelier déjà abordée dans Quoi de neuf sur la guerre ? et les personnages qui le peuplent. Puis, malgré tout, chacune partira vers son destin, le théâtre pour l’une (elle aura même l’honneur de vêtir Danielle Darrieux!), la vie d’étudiante pour la deuxième, quant à la troisième, son histoire ne nous sera révélée que dans les dernières pages du livres. Ce dispositif narratif permet à Robert Bober non seulement d’évoquer avec le talent qu’on lui connaît le Paris d’autrefois, les métiers, les hommes et les femmes, mais aussi de parler de l’exclusion, de la pensée, du langage. il lui permet des détours et des développements sur la mémoire et sur l’histoire, sur le théâtre. Il charge son livre d’une humanité pleine de chaleur et de fraternité.
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Russie : Text
La presse
Apatride vingt-cinq ans durant, réchappé de la Shoah, tailleur dans un atelier de confection après la guerre, le réalisateur de télévision Robert Bober, qui fut l’ami de Georges Perec, et demeure le complice de Pierre Dumayet, écrit depuis quelques années. Dans un style dépouillé, léger, mais au fond si grave. Imaginez quelqu’un qui essuie vite une larme de sa joue avant d’ouvrir la porte avec un visage avenant : c’est une page de Robert Bober. Aucune trace de pathos, mais quelle douce présence des morts, es absents, des idéaux révolus, des ébranlements intimes, des chagrins ravalés… Robert Bober est d’une ingénuité d’acier, il se souvient comme l’oiseau chante.
Après Quoi de neuf sur la guerre ? puis Berg et Beck, voici que paraît son roman le plus personnel et le plus accompli, sous ses airs de parabole apaisée : Laissées-pour-compte. Nous sommes en 1949, dans l’atelier de M. Albert et Mme Léa. Place au merveilleux, comme dans un tableau de Chagall : les humains sont observés du haut des cintres, par des habits doués de paroles et de pensées. Trois vestes, non pas faites de chair et de sang, mais de « prince de Galles », de « grain de poudre » et de « velours de laine ». Elles seront nommées d’après des titres de chansons de l’époque : Un monsieur attendait, Y a pas de printemps et Sans vous. Leur exode et leurs tribulations permettent à Rober Bobert de traiter l’air de rien – il défroisse le lecteur sans fer à repasser mais par la grâce de son écriture – de l’identité, de l’exclusion, de la mémoire et de l’oubli. Pourquoi tant d’êtres cantonnent-ils une part l’humanité dans leur angle mort ? « Laissées-pour-compte » s’orthographie, précise le dictionnaire, avec au sans traits d’union. Robert Bober a choisi les traits d’union. Voilà peut-être ce qui le caractérise le mieux…
Antoine Perraud, Télérama, 28 septembre 2005