— Paul Otchakovsky-Laurens

Je suis

Valère Novarina

« Je suis » : les mots les plus usés qui soient. Cette pièce reprend, avec ses trois acteurs, ses trois actrices, plus trois musiciennes et trois machines bruyantes, tout ce qui s’écrit dans Pendant la matière et notamment que la poésie, le théâtre sont là pour rompre notre ensorcellement, pour lutter contre notre capture par les images, en ne représentant plus rien, en nous ouvrant sur la parole qui nous saisit et reste incompréhensible, en nous montrant « ce qui est certain parce que c’est impossible » : la résurrection. C’est la suite de Pendant la matière mais en rapides, en flots de mots, en syncopes, en...

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Traductions

Italie : Costa & Nolan

La presse

La rage des mots


Valère Novarina : "j’adore et je déteste le théatre en même temps..."


Pas évident d’appeler sa dernière pièce de théâtre Je suis; et de s’y référer tout à la fois à la Bible, à Descartes, à Jarry... Mais est-ce bien encore une pièce de théâtre que cette méditation philosophico-clownesque, où Valère Novarina, grand accoucheur de mots, nous entraine sauvagement à l’intérieur de la parole et de ses labyrinthes les plus mystérieux ?


"J’adore et je déteste le théâtre en même temps, je me sens surtout incapable d’en faire; voilà pourquoi, à 47 ans, je m’y accroche toujours si désespérément... Parfois je me dis : mais c’est impossible de torturer les acteurs avec des textes comme les miens, si difficiles à prononcer, à mémoriser !".


Est-ce que je chercherai pas à les tuer ou à me tuer moi-même à travers eux ? Je crois que j’attends de la scène un arrachement. Le théâtre n’est ni futile, ni frivole : au contraire, il ébranle, il ouvre, il découvre, il engage à une expérience spirituelle.


Prenez l’acteur. Le "grand" acteur n’est jamais celui qui se montre, mais celui qui accepte de se retirer de lui-même pour mieux faire chanter la poésie : qui choisit de s’absenter, de se nier, pour être plus présent."


Novarina, auteur mystique ? Et si, derrière ses mots gourmands, ses phrases gargantuesques, ses personnages prophètes, s’était toujours cachée une profond interrogation sur l’Etre ? Les amoureux du verbe sonnant et trébuchant, les spectateurs mélomanes, avaient pu se laisser abuser, c’est vrai, par sa langue caracolante, jubilante. Mais la parole rageuse de cet auteur-ogre n’a jamais cessé en fait d’explorer l’espace et le temps, le rien et le tout, et de quêter sans fin la "présence".


Il dit qu’il écrit tel un médium, Qu’il "est" écrit. Et que le texte en lui procède peu à peu par prolifération, germination, cautérisation. Quand il dirige ses propres pièces, il dit encore que les bons metteurs en scène sont ceux qui ne croient pas à la mise en scène, comme les meilleurs médecins sont ceux qui ne croient pas à la médecine... Et quels acteurs alors ? Qu’ils subissent ! Qu’ils se laissent travailler par le texte ! "C’est toujours la neige qui skie, raconte cet auteur savoyard, jamais le skieur."


Regard bleu d’eau et blondeur transparente, Valère Novarina nous plonge dans des questions toujours recommencées, aussi entêtantes, auss iétranges que ses tableaux abstraits aux couleurs sombres, aux formes insaisissables. Car le poète est devenu peintre. A force de sculpter le verbe, il s’est pris soudain à dessiner.


"Je ne crois pas aux idées qui ne peuvent s’incarner. Pour moi, il ne doit pas y avoir de différence entre le sensible et la pensée. Or le théâtre est le dernier endroit où ils s’allient encore, où l’incarnation est possible. Le théâtre est une petite bougie qui attend et ne veut pas s’éteindre, qu’il faut absolument protéger."


Par Fabienne Pascaud, dans Télérama n°2176, le 25 septembre 1991.

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