— Paul Otchakovsky-Laurens

Les Exozomes

Charles Pennequin

Qu’est-ce que c’est qu’un exozome ? Disons que c’est un homme, c’est l’homme, c’est l’humanité telle que la voit Charles Pennequin : grandiose et dérisoire, triviale et sublime, gueulante et prostrée, stupide et géniale. C’est l’homme en soi et hors de soi, l’autre et soi-même à la fois…
Ce livre tout autant fait pour être déclamé que pour être lu silencieusement est une suite de textes liés plus ou moins les uns aux autres : ils racontent des histoires, ou plutôt des commentaires d’histoire, ils vitupèrent le genre humain dans une sarabande verbale endiablée et colorée, pleine de colère et...

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La presse

Charles Pennequin entend des voix



Le poète lillois, connu pour ses performances, publie son sixième livre aux éditions P.O.L. Il est aussi présent dans des revues, sur le Net, dans les salles de concert et les écoles d’art.



On s’attendait à rencontrer un ogre. Dans la vie, la voix de Charles Pennequin est plutôt posée, à l’opposé de ses performances hurlées au mégaphone dans l’espace public et les lieux "où la poésie ne va pas". "Troue ta bouche", exhorte un badge épinglé au revers de sa veste. La poésie selon Pennequin est partout, hors cadre, remuante. Elle est visuelle et sonore, criée sur tous les toits, enregistrée au Dictaphone, écrite sur les murs réels ou virtuels, improvisée dans les toilettes d’un TGV. Sur son crâne lisse, il montre une cicatrice en Y, un accident survenu lors d’un duo avec le danseur Dominique Jégou : "J’ai fini la lecture en sang avec des compresses sur la tête", raconte-t-il, sans en rajouter.
Son dernier livre s’intitule Les Exozomes, les hommes d’ailleurs, ceux qui pourraient peupler les exoplanètes qu’étudient les scientifiques rencontrés lors d’une résidence au Cnes (Centre national des études spatiales). Sur la page de garde, en guise de dédicace, il appose un tampon à son effigie, couronnée de la phrase "Charles Pennequin chez les Martiens". Dans Les Exozomes, le Martien débarque sur Terre, "appelle sa maman" et va détruire notre planète. Peut-être sommes-nous dans le cauchemar du narrateur, un homme qui se réveille après une fête et ne se souvient de rien, avant "qu’une bulle de souvenir daigne éclater au frontispice de (sa) cervelle". Autour de lui grouillent des personnages nommés "le Crabe", "le Capitaine fendu", "la femme foulosophe" et quelques cloportes épris d’écologie. C’est drôle, énervé, politique, écrit d’un bloc sans majuscules, verticalement avec des espaces sur la page ou sous forme de dialogue burlesque entre un couple et un vendeur de sex-shop.


Faire poésie de tout bois


"La poésie est une épingle à nourrice sur la bedaine de l’humanité", écrit Charles Pennequin, à la manière d’un slogan punk. "Enfant, je pensais que tout le monde écrivait en secret", dit cet ancien gendarme, né dans une famille modeste du nord de la France. Le père travaille à Usinor-Denain, écrit un peu, lui offre un dictionnaire dans lequel il découvre Artaud : "Je ne comprenais pas ce qu’il me disait, notre relation s’est faite en décalage. Quand il est mort, j’ai écrit mon premier texte personnel, le Père ce matin."
Plus tard, il rencontre Christian Prigent, qui lui ouvre "tout un pan de la poésie contemporaine", côtoie les auteurs de sa génération : Christophe Tarkos, Stéphane Bérard, Nathalie Quintane. Bernard Heidsieck, pionnier de la poésie sonore, lui fait comprendre l’importance de la voix. En 2005, il quitte la gendarmerie après avoir beaucoup écouté ses collègues : "La parole de l’autre m’a toujours travaillé, il fallait que ça sorte par l’écriture. Si j’étais dans une pièce avec douze personnes, je recopiais tout ce qui se disait, ça devenait infernal", se souvient-il. Aujourd’hui, il fait poésie de tout bois, l’histoire d’un vieux militaire rencontré à Cherbourg, la télévision, la philosophie et la psychanalyse. S’il cite Péguy et sa "manière de rouler dans la phrase qui n’oublie pas la contradiction", il rejette le beau langage "validé par les intellectuels", un marqueur social qui exclut. Les mots sont aussi le lieu de la lutte des classes.
Quand on l’interroge sur le trou, motif récurrent de ses livres, il parle de connaissance de soi et résume sa pensée par une phrase d’Artaud : "On s’atteint à de rares moments." Au fond du trou, mais bien vivant.


Sophie Joubert, L’Humanité, 3 mars 2016

Et aussi

Charles Pennequin Prix du Zorba 2012

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Charles Pennequin, Les Exozomes, écrire Les Exozomes mars 2016

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