— Paul Otchakovsky-Laurens

Une passion pour le Y

Mary Dorsan

« J’ai une passion pour le Y.
- Une passion pour le Y ?
- Oui, pour le Y.
- Pourquoi pour le Y ?
- Parce que c’est la plus belle lettre de l’alphabet, elle est debout et lève ses bras vers le ciel.


Ils sont assis dans une cour intérieure. L’homme aux cheveux noirs, aux yeux noirs et la femme à la peau claire, aux yeux verts. »


Ainsi commence le nouveau texte de Mary Dorsan. Il l’a suivie en quelque sorte puisque nous ne sommes plus ici dans un appartement thérapeutique avec des adolescents pour le moins perturbés mais dans l’hôpital psychiatrique de jour où elle travaille à présent. Elle y est pour, comme elle écrit...

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La presse

La voyelle sans accent


« Le Y est la seule voyelle de l’alphabet français qui ne prend aucun accent. » Celui qui parle, l’homme aux yeux noirs, en a un, indéfinissable. Et celle à qui on vient de faire cette révélation, la femme à la peau pâle et aux yeux verts, en a un aussi, léger. Et dans son prénom figure cette lettre qui ressemble à un homme debout ouvrant les bras pour prier, ou pour ouvrir une lourde porte. Peu à peu, on apprendra qu’elle est infirmière en milieu psychiatrique, et que lui dit venir du Yémen, avoir pris la Yougoslavie pour sujet d’études, et aimer une certaine Yaëlle. Y a elle, évidemment. Mary Dorsan propose, pour son deuxième roman, une folie «lettriste » où les signes, comme les humains, mènent une vie propre, se font violents ou protecteurs, selon leur forme ou leur sens. La fiction plonge aussi dans le coeur d’un métier dur, pénible, assuré par des femmes qui savent se battre, y compris pour défendre des revendications. Un mixte étrange et très réussi.


Alain Nicolas, L’Humanité, 17/5/2018


Lettre contre le néant



Est-ce une vraie frontière, ou plutôt une zone grise, qui sépare la folie de la sainteté ? Infirmière en psychiatrie, Mary
Dorsan avait secoué son monde il y a deux ans en publiant Le present infini s’arrête. Sur plus de 700 pages, elle racontait un an de travail auprès d’un groupe d’adolescents, dans un appartement thérapeutique. Les sorties à la piscine, la merde sur les murs, les meubles arrachés, les moments de verité. Une expérience de lecture sidérante et I’impression trouble de rencontrer une mystique moderne, en quête d’un combat à la hauteur de sa propre intensité.
On la retrouve cette fois en hôpital de jour, dans une atmosphère plus calme, un livre plus court mais tout aussi saisissant. On se croirait chez Beckett : il y a une cour vide, quelques cigarettes et un homme en noir qui se prend pour la lettre « Y » Ca a l’air idiot comme ça mais il a ses raisons. Y comme un homme les bras levés au ciel, Y comme Yahvé, sans blague, Y comme Yaëlle aussi, la femme qu’il aime. En écrivant leurs conversations, Mary Dorsan sauve de l’oubli ces perles. Mais le vrai vertige arrive lorsqu’elle s’interroge sur ses motivations, sa propre folie « Est-ce une jouissance d’écouter I’homme en noir ? » Mais la folie a bon dos : ce que Mary Dorsan fait entendre c’est aussi une saine colère contre l’économie de moyens qui règne à I’hôpital, cette logique gestionnaire du temps, de I’argent, des gestes, alors qu’elle voudrait tout donner, trop peut-être. Sainte Mary Dorsan.


Par Marguerite Baux, Elle, 16 mars 2018


Vidéolecture


Mary Dorsan, Une passion pour le Y, Une passion pour le Y février 2018