— Paul Otchakovsky-Laurens

Jeune-Vieille

Paul Fournel

Geneviève a un grand éditeur, Robert Dubois, qui est l’homme le plus important de sa vie. Et elle va le trahir.


Au moment de trahir, Geneviève se souvient. Elle se souvient de tous les moments où son désir d’écrire a grandi avec elle, avec la petite fille turbulente, avec la jeune amoureuse cinéphile, avec l’étudiante maladroite et la femme pressée. Son rêve est accompli : elle écrit. Elle publie des livres. Sa vie a changé mais le monde de l’édition est bouleversé, il a changé lui aussi avec le monde tout court, et avec le désir d’écrire et de publier, avec les ambitions des uns et des autres dans un milieu autant...

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La presse

Jeune Vieille - Roman

À travers une galerie de personnages attachants, la peinture espiègle et nostalgique du monde de l’édition d’avant le règne de l’argent.

Romancier, nouvelliste, poète, Paul Foumel fut aussi éditeur dans les années 1990, mettant en avant le texte court et les écrivains encore inconnus. Aujourd’hui, cet homme plein de curiosité n’est pas du genre à tartiner ses Mémoires, préférant saupoudrer de notes biographiques ses fictions pétillantes. Dans Jeune-Vieille, il tient tous les rôles. Il est Robert Dubois, éditeur germanopratin qui adore parler de littérature dans un restaurant roboratif, entre un verre de brouilly et un filet de boeuf saignant. Il est aussi Gabert, auteur populaire aux rondeurs intéressantes, qui ne se fait guère d’illusions sur la qualité de son oeuvre. Mais Paul Foumel est surtout Geneviève («Jeune-Vieille»), héroïne plus ou moins naïve qui trouve dans l’écriture un bonheur indicible quand elle pose ses doigts sur le clavier et plonge dans les mystères de la création. Geneviève n’est pas toujours timide. Elle adore notamment peloter les garçons dans les salles de cinéma tout en regardant un film d’art et d’essai, et voue à Robert Dubois une totale dévotion. C’est lui qui l’a découverte, publiée, écoutée et entendue. En se glissant ainsi dans la peau de ses personnages, Paul Foumel décrit en connaisseur un monde presque suranné où l’on oublie de parler d’argent. Jusqu’au jour où Geneviève rencontre l’autre versant, celui où l’on commande du gruaud-larose sans le boire et où les présidents ont des costumes à 10 OOO euros et parlent de synergie plutôt que de manuscrit... Dans ce livre qui ausculte un changement d’époque, le romancier ne brocarde pas, il effleure. Il ne s’insurge pas, il glisse un brin de nostalgie au coeur des ambitions fracassantes. Mais derrière son écriture malicieuse et ses phrases gourmandes, il brosse le portrait d’un temps où la concentration est reine et le mot « rentabilité un mantra. Après La Liseuse, en 2012, puis Jason Murphy, l’année suivante, Jeune-Vieille vient ainsi clore un triptyque en forme de déclaration d’amour, un brin satirique et foncièrement oulipienne, pour le monde de l’édition. Celui d’avant les analyses de marché, les fusions-acquisitions, les prédateurs médiatiques et autres usines à gaz.


Christine Ferniot, Télérama, avril 2021




JEUNE-VIEILLE, PAR PAUL FOURNEL



Robert Dubois, qu’on a croisé dans les deux romans précédents de Paul Fournel, est un éditeur à l’ancienne. La preuve : il soutient que son métier consiste à planter des arbres. Pour qu’ils croissent, embellissent et survivent à ceux qui ont creusé leur berceau de terre, il suffit d’être patient. Or, l’époque est empressée. Robert Dubois feint de l’ignorer. Il prend son temps. Celui de lire et d’annoter les manuscrits, de publier ceux qu’il aime, même s’ils se vendront mal, de croire à la lente maturation d’une oeuvre et de déjeuner longuement avec ses auteurs dans des restaurants qui sentent la cuisine en sauce de nos grands-mères et le pain Poilâne. Sa maison d’édition, elle aussi, paraît révolue. Elle est encore située à Saint-Germain-des-Prés, déserté par le monde du livre, près du carrefour de la Croix-Rouge, dans une cour pavée de la rue du Cherche-Midi, là même où, au numéro 9, dans les années 1980, Paul Fournel était le directeur littéraire des Editions Ramsay et où il avait l’art de planter des arbres. Lorsque ce beau métier s’est industrialisé et que les trusts ont fait main basse sur les petites maisons, l’auteur des « Grosses Rêveuses » est retourné à son établi d’artisan-écrivain, à ses chers jeux de l’Oulipo et au Collège de ’Pataphysique, dont on rappelle qu’il se consacre aux « recherches savantes et inutiles »... Robert Dubois n’est pas loin non plus de prendre la poudre d’escampette. Il a dû vendre sa maison d’édition à un groupe, qui lui a délégué un trentenaire cravaté, aussi arrogant qu’ignorant de la chose littéraire, mais très calé en marketing, synergies, économies d’échelle. Dubois, dont on fait les flûtes, reste accroché à son poste, mais pour combien de temps ? Même ses fidèles le quittent. Ainsi Geneviève, surnommée autre fois « Jeune-Vieille » par un camarade de collège. Oui, Geneviève Roy, la romancière de « Jeune, jolie mais seule », « l’Impatiente », « Gourgandine », qu’il avait découverte en 1986 quand elle avait 20 ans, qu’il a aidée à s’accomplir, qu’il a cornaquée, accompagnée et conduite, en douceur, sur la voie du succès. Eh bien, Geneviève a fini par céder, contre un chèque aux zéros infinis, devant les avances du président jetlagué d’un groupe d’édition, de presse, de télévision et de cinéma. Et comme elle avait toujours rêvé que ses romans deviennent des films, elle a trahi le bon, vertueux et antédiluvien Robert Dubois. Elle a fait « la salope ». Et Paul Fournel, avec un mélange de tendresse et de tristesse, s’est glissé dans sa peau, à la première personne. Elle est d’aujourd’hui, il est déjà du passé. Il ne la condamne pas et lui pardonne ses complaisances. Au fond, il l’aime bien, sa naïve et boulimique Geneviève, à laquelle il a offert d’écrire, avec « Jeune-Vieille », sans doute son meilleur livre et le plus ironique.

Jérôme Garcin, L’OBS, le 17 juin 2021



L’écrivaine

Les lecteurs de Paul Fournel ont fait la connaissance de Robert Dubois dans
La Liseuse (P.O.L, 2012), où cet éditeur aux trente ans de métier se retrouvait lesté d’un engin électronique censé lui faciliter la tâche, cette « liseuse » témoin des mutations agitant son monde. On l’a retrouvé dans Jason Murphy (P.O.L, 2013), en professionnel madré prêt à bien des ruses pour acquérir le roman d’un auteur de la Beat generation. Il revient dans Jeune-Vieille, troisième roman que Paul Fournel consacre à l’édition et aux bouleversements qu’elle vit. Ici, c’est le point de vue de l’écrivain, en l’occurrence d’une écrivaine, qui est mis en lumière : celui de Geneviève, dont le prénom peu raccord avec sa génération lui vaut le surnom de « Jeune-Vieille ». Raconter des histoires a toujours été son talent. En 1986, son premier roman est accepté par Robert Dubois, avec lequel va se nouer au fil des ans une relation faite de déjeuners au restaurant, de travail, de discussions et, surtout, d’un désir textuel partagé. Geneviève publie un livre par an, mais elle rêve d’une plus grande reconnaissance, d’adaptation au cinéma, peut-être... Ces choses qu’un grand groupe pourrait être plus à même de lui apporter, imagine-t-elle. Plutôt que sur le mode de la déploration, Paul Fournel décrit les changements (industriels, mais pas seulement) en cours dans l’édition avec une mélancolie malicieuse, une forme de grâce joueuse, à laquelle participe son choix d’adopter la voix d’un personnage féminin.


Raphaëlle Leyris, Le Monde des Livres, mai 2021



Vade-mecum pour rentrée littéraire

« Tu n’es pas jolie, Jeune-Vieille, déclara un camarade de classe au collège à la petite Geneviève, mais tu seras toujours belle tant que tu raconteras des histoires. » Passionnée de lecture et de cinéma (où la jeune cinéphile découvre aussi le goût du sexe), Geneviève opte pour l’écriture. Banco, son premier manuscrit séduit, et pas n’importe qui : le grand Robert Dubois! Au rythme d’un livre par an, elle assure bientôt la bonne santé de la maison indépendante mais, tout autour, les sirènes chantent: reconnaissance, argent et, plus encore, gens de cinéma, avides d’adapter la prose de cette autrice à succès.

Et alors? Alors lisez cette exquise parabole, qui s’inscrit dans la suite de La Liseuse, car le sage Paul Founel y observe finement la différence entre un vrai éditeur et une machinerie vorace, et tant d’autres choses vécues de l’intérieur sur le métier d’écrire. On songe à Editeur, le film profession de foi que signa Paul Otchakovsky-Laurens, fondateur des éditions P.O.L où ce livre délicieux, fort instructif et un peu coquin, paraît. Un vade-mecum à découvrir en cette rentrée.

Valérie Marin La Meslée, Le Point, 10 septembre 2021

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