« Qui n’a pas rêvé d’être un écrivain américain ? » Ce rêve, Christine Montalbetti a voulu le réaliser. Elle a donc écrit trois romans en imaginant qu’ils étaient l’œuvre de deux romanciers américains, Donovan Gallagher et Tom Lee Mulligan, eux-mêmes inspirés de deux personnages de son roman Journée américaine (2009), dans lequel elle racontait comment Donovan et son ami Tom Lee s’étaient connus étudiants, et étaient devenus romanciers. Trois romans imaginaires donc, écrits comme s’il s’agissait de trois traductions en français, comme si Christine Montalbetti devenait Tom Lee...
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« Qui n’a pas rêvé d’être un écrivain américain ? » Ce rêve, Christine Montalbetti a voulu le réaliser. Elle a donc écrit trois romans en imaginant qu’ils étaient l’œuvre de deux romanciers américains, Donovan Gallagher et Tom Lee Mulligan, eux-mêmes inspirés de deux personnages de son roman Journée américaine (2009), dans lequel elle racontait comment Donovan et son ami Tom Lee s’étaient connus étudiants, et étaient devenus romanciers. Trois romans imaginaires donc, écrits comme s’il s’agissait de trois traductions en français, comme si Christine Montalbetti devenait Tom Lee ou Donovan. « Écrire en prétendant que c’est un autre qui écrit, c’est comme se soulager des affres, des incertitudes, de la peur qui se loge toujours au cœur du geste d’écrire. »
Donovan Gallagher, Ce qui s’est réellement passé à Stonebrige : Roy Steven doit rendre un roman à son agent, mais quelle histoire raconter ? Il s’installe dans la petite ville de Stonebridge, dans l’attente d’un fait-divers. Mais les choses vont se passer un peu différemment de ce qu’il avait imaginé…
Tom Lee Mulligan, Comment écrire un roman, selon Price : Bryan décide sur un coup de tête d’écrire un roman. Il profite de ce qu’il connaît le célèbre écrivain Price pour lui demander des conseils. Mais Price semble jouer un drôle de jeu, avec Carol.
Tom Lee Mulligan, Runaway Bay : À Runaway Bay, il y a un lac, un bar, une épicerie, un garage, un golf, et les pluies d’été du Texas. Jeff y mène sa petite vie tranquille et monotone. Jusqu’au jour où Montana arrive. Puis Sam...
Tom Lee Mulligan et Donovan Gallagher sont des écrivains imaginaires, inspirés des personnages d’un roman de Christine Montalbetti, Journée américaine. Tous les deux sont originaires de l’Oklahoma et ont été condisciples à l’Université de Norman.
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À moi l’Amérique, Christine Montalbetti voulait lire les romans de ses personnages écrivains, elle les a écrits.
Amérique, ce n’est pas -ou pas seulement- les Etats-Unis en tant que réalité géographique. L’Amérique, c’est cet espace de projection que chacun façonne comme il l’entend, avec ses propres clichés, un patchwork de films, de gros livres, de vieilles chansons. L’Amérique, c’est de près ou de loin ce qu’on en rêve. Plusieurs romans écrits par des non Américains nous le rappellent plus ou moins finement depuis janvier: l’Amérique entre nous d’Aude Seigne (Zoé), VAffaireAlaska Sanders de Joël Dicker (Rosie&Wolfe), Motel Valparaiso de Philippe Castelneau (Asphalte)... Avec Romans américains, Christine Montalbetti fait plus que s’inscrire dans le cortège, elle coiffe tout le monde au poteau. Sa méthode est simple et radicale : plutôt que de caresser la chimère, la chevaucher en devenant elle-même un auteur américain - en fait, deux auteurs. Et puisqu’un roman américain ce n’était pas assez, en voilà trois. «La grande Prairie». Mais reprenons les explications, l’autrice dit tout en préface. Au départ, il y avait un «fantasme» semble-t-il partagé par d’autres : celui, «pour aller vite», «d’être un écrivain américain», de préférence celui des grands espaces, catégorie pêche à la mouche, avec «ranch face aux montagnes» ou «petite maison blottie sous un bouquet d’arbres dans la grande Prairie». Et donc : «c’est ce que j’ai fait, j’ai joué à l’écrivain américain, et j’ai écrit sous les identités de Donovan Gallagher et de Tom Lee Mulligan.» Pour comprendre, Donovan Gallagher et Tom Lee Mulligan sont des personnages d’écrivains rencontrés dans un précédent roman de Christine Montalbetti, Journée américaine (P.O.L, 2009), «un genre de road story» dans lequel le premier partait de l’Oklahoma pour rendre visite au second dans le Colorado. Les deux hommes s’étaient connus sur les bancs de l’université et tous deux étaient devenus romanciers. «Or, déplore Montalbetti, ce qui est injuste avec les personnages de romans qui ont eux-mêmes écrit des romans, c’est que ces romans- là, ceux qu’ils ont écrits, on ne peut pas les lire.» Frustration réparée avec le présent volume où se trouvent rassemblés «Ce qui s’est réellement passé à Stonebridge» de Donovan Gallagher, «Comment écrire un roman, selon Price» de Tom Lee Mulligan et «Runaway Bay» du même Mulligan (Montalbetti, l’humeur badine, se donnant ensuite le rôle de la traductrice de l’anglais vers le français, allons-y à fond). Les romans de Christine Montalbetti font souvent voyager, que ce soit au Japon (LoveHotel, 2013), dans l’espace intersidéral (la Vie estfaite de ces toutes petites choses, 2016) ou en Normandie (Trouville Casino, 2018). Quelques années après Journée américaine, en2014, Plus rien que les vagues et le vent nous avait ramené dans l’Amérique des motels (avec des protagonistes nommés Colter, Harry Dean ou Shannon) ; la teneur y était atmosphérique, les phrases longues et sinueuses. Dans Romans américains, c’est l’inverse : du page turner assumé, sujet verbe complément, des rebondissements et rien de trop compliqué. Allongez- vous, propose l’autrice, «survotre lit», «sur l’éponge d’une serviette de plage, sur la pelouse d’un parc, ou est-ce que je sais [...], et voilà». Au fond répond la forme : tout inédit qu’il est, Romans américains se présente en format poche, l’allure pas de côté vis-à-vis d’une production blanche et gaufrée plus évidemment littéraire. II s’agit d’annoncer la couleur et de jouer franc jeu, comme le font les enfants: avec légèreté mais grande rigueur.
Tour de vélo.
Concrètement, on lit trois courts romans à la suite. Le premier raconte l’histoire d’un écrivain qui s’installe dans une petite ville de la côte est se passer, sauf que rien ne se passe (on pense à l’excellent la Mort entre ses mains, «vrai» roman américain d’Otessa
Moshfegh sorti en janvier chez Fayard). Dans le deuxième, un homme décide d’écrire une fiction en suivant les douze conseils d’un ami écrivain (est-ce vrai ment un ami?). Dans le dernier (le meilleur), un certain Brian tombe amoureux d’une fille fraîchement débarquée ; elle s’appelle Montana, comme l’Etat du nord-ouest où elle n’a jamais mis les pieds. Chacun des trois textes emploie la forme personnelle, parle d’écriture et suit un narrateur qui, pour une raison ou une autre, tourne en rond. Deux des trois ont été rédigés pendant la pandémie. Les traverser à cette lumière apporte une dimension supplémentaire à l’ensemble. À la lecture, on relève un tour de vélo, une promenade, les «grands ciels d’Amérique», en imaginant l’autrice confirmée, sillonnant cheveux au vent dans sa tête, aussi splendidement libre que Nanni Moretti sur sa Vespa dans les rues de Rome. Chacun avait alors son paysage d’élection.
THOMAS STÉLANDRE, Libération, mai 2022