Ce roman, le premier d’Emmanuel Carrère a été publié en 1983 chez Flammarion. C’est une histoire qui n’est ni tout à fait vraie, ni tout à fait rêvée. C’est une belle histoire, aussi exaltante que les récits d’aventure ou d’initiations les plus emportés, avec, en plus ce côté inaugural, fou et touffu des premiers textes de génie.
Une nuit, un scénariste de Hollywood imagina en rêve la plus gracieuse et originale des histoires. Du début à la fin, il en suivit la progression dramatique imparable, les péripéties, l’agencement ingénieux et naturel. Dans un demi-sommeil, il griffonna quelques mots...
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Ce roman, le premier d’Emmanuel Carrère a été publié en 1983 chez Flammarion. C’est une histoire qui n’est ni tout à fait vraie, ni tout à fait rêvée. C’est une belle histoire, aussi exaltante que les récits d’aventure ou d’initiations les plus emportés, avec, en plus ce côté inaugural, fou et touffu des premiers textes de génie.
Une nuit, un scénariste de Hollywood imagina en rêve la plus gracieuse et originale des histoires. Du début à la fin, il en suivit la progression dramatique imparable, les péripéties, l’agencement ingénieux et naturel. Dans un demi-sommeil, il griffonna quelques mots qui, peut-être, lui permettraient de reconstituer la merveille, le lendemain. Au matin, il trouva sur son bloc le résumé lapidaire de ce qui lui avait paru si neuf – et qui l’était, n’en doutons pas : Boy meets girl. On pourrait résumer ainsi L’Amie du jaguar : un garçon rencontre une fille. Son sujet choisi, l’auteur a tâché d’organiser cette rencontre et de raconter ce qui en résulte selon la capricieuse nécessité qui, dans son rêve, avait émerveillé le scénariste. Ainsi est-il question, dans ce roman, des rites funéraires en usage dans la colonie française de Surabaya (Indonésie), d’un jeu appelé le loto chantant, des rapports entre les sentiments exprimés dans une lettre et le bureau de poste choisi pour l’expédier, de stations prolongées dans des ascenseurs, de parenthèses, d’un ou plusieurs crimes atroces dissimulés dans un manuel de graphologie, de grimaces, de quatorze karatékas, d’un trafic de zombies entre Biarritz et Surabaya, d’amour surtout et de fabulations. Cette liste, bien entendu, n’est pas exhaustive.
À partir de ces éléments si divers, à partir de ce foisonnement, l’auteur a bâti une construction savante, solide, comme un roman policier où chaque détail, aussi infime soit-il, a son importance, dont les brusques accélérations, les tournants imprévus, les rebondissements inattendus, le suspense témoignent beaucoup plus que de l’aisance prometteuse d’un jeune romancier d’alors 25 ans.
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Un premier roman baroque et burlesque
Premier roman d’Emmanuel Carrère, L’Amie du jaguar est paru chez Flammarion en 1983. L’auteur l’avait adressé d’abord à Paul Otchakovsky-Laurens (qu’il connaissait comme étant l’éditeur chez Hachette de Perec), mais sa réponse se faisant attendre, il l’avait envoyé à d’autres et signé avec Flammarion…
Imaginez que la première moitié d’un livre consiste à ouvrir une batterie de parenthèses qui ne seront refermées que dans sa deuxième partie et vous aurez une idée de la complexité foisonnante de ce premier roman où le génie de Carrère est déjà à l’œuvre, un génie de chien fou. Le récit commence par un rêve. Il se poursuit dix ans plus tard dans une bibliothèque où le narrateur est enfermé sans savoir ce qui l’a mené là. Il se recompose un passé par l’imagination, invente une Marguerite qu’il aurait rencontrée (première hypothèse mais il y en a d’autres) dans un laboratoire de langues, avant de la quitter pour l’Indonésie. Afin de corser la saveur de leur liaison, les deux amants s’écrivent des lettres qui composent un récit à deux voix mettant en scène leur propre personnage… Les niveaux de récit se multiplient et se chevauchent ; le lecteur, affolé, se demande où est le point de départ de ce bouquet de fictions, cherche en vain du réel sur lequel prendre appui. Mais ce n’est qu’à la toute fin qu’il découvrira que ce roman est l’histoire d’un mythomane affalé sur un matelas qui imagine des scénarios pour meubler le vide de son existence. Par l’humour et l’irrévérence débridés qui s’y manifestent, dans les thèmes et dans les plus petits détails, ce premier roman contient toute l’œuvre future de l’auteur d’Un roman russe
Astrid de Larminat, le Figaro littéraire