— Paul Otchakovsky-Laurens

Tom est mort

Marie Darrieussecq

Voici dix ans que son fils est mort, il avait quatre ans et demi. Pour la première fois depuis ce jour quelques moments passent sans qu’elle pense à lui. Alors, pour empêcher l’oubli, ou pour l’accomplir, aussi bien, elle essaie d’écrire l’histoire de Tom, l’histoire de la mort de Tom, elle essaie de s’y retrouver. Tom qui est devenu mort, Tom à qui on ne pense plus qu’en sachant qu’il est mort. Elle raconte les premières heures, les premiers jours, et les heures et les jours d’avant pareillement, comme s’il fallait tout se remémorer, elle fouille sans relâche, elle veut décrire le plus précisément et le plus profondément possible, pas tant...

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Traductions

Danemark : Tiderne Skifter | Espagne : El anden | Pays Basque : Alberdania | Italie : Ugo Guanda Editore | Pays-Bas : Meulenhoff | Slovaquie : Slovart | Suède : Norstedts

La presse


Vivre au pays du deuil


(...)La mère de Tom est muette. L’air passe difficilement dans sa gorge, alors la voix..."le silence est descendu dans mes veines et a paralysé les muscles de mes joues.". A ce "langage frappé de nullité " par le deuil, le roman oppose une parole possible-impossible. UNe parole qui serait inuadible, irrecevable, si elle n’avait pas, par la grâce (et la technique) de la littérature, les accents de la vérité. lJ’essaye de tout écrire". . Soudain, la voix de la narratrice devient celle de Darrieussecq. Et l’émotion fait retour, lavée de ses artifices.


Patrick Kéchichian 31 août 2007 Le Monde




Quand un écrivain de talent raconte l’indicible douleur



Le lieu, c’est l’Australie. La famille, ce sont les Winter. Elle, c’est la mère et la narratrice. Elle est originaire de Souillac où elle s’est mariée et où ses parents vivent encore. Elle a 35 ans au moment du drame. Lui, le père, c’est Stuart, un ingénieur canadien vivant d’abord dans les quartiers résidentiels de Sydney où il a accepté un poste, puis dans une maison de bois dans la beauté et la solitude des Blues Mountains, à Canberra, "dernier lieu habité avant l’Antartique", nous précise-t-elle. Les enfants? Ce sont Vince, l’aîné, 7 ans, c’est Tom, 4 ans et demi, Stella 18 mois. Et enfin le texte: ce sont les pages d’un cahier de notes rassemblées sous le titre Tom est mort par une narratrice et pendant les dix ans qui ont suivi la mort de son petit garçon. Un travail entrepris dans l’espoir de mettre un terme à sa ravageante douleur, en lui donnant une forme écrite. Son mari, Stuart, est admis à lire ses notes, ce qu’il fait régulièrement. Mais jamais la narratrice ne le laisse censurer ses écrits, même s’il juge l’entreprise macabre et insupportable.

Les circonstances du drame restent inscrites au fer rouge dans la mémoire des parents de Tom et cela bien que Marie Darrieussecq ne dévoile les circonstances du drame que dans les dernières pages de son livre où l’on découvre sa volonté de n’aborder l’intolérable qu’avec une immense retenue. Cette sobriété est l’une des grandes qualités de ce livre. Voici l’évènement dans sa réalité sèche et tel que Marie Darrieussecq le raconte. Il s’agit de Tom: Je l’avais envoyé à la sieste, il regimbait. J’avais fermé à clé la porte de l’appartement et les fenêtres comme je fais quand je veux dormir et je m’étais allongée, fatiguée, tous ces cartons, trois jeunes enfants, et le décalage horaire, et Stella infernale, et Tom qui dormait mal. J’avais oublié la loggia. Dans la chambre, au réveil, il y avait Vince, il y avait Stella, il manquait Tom. Dans la loggia, la vitre était ouverte. Je me suis penchée et je l’ai vu..

Telle fut la mort de Tom, laissant la narratrice dans un état d’hébétude. Elle va sombrer pendant des mois dans une crise de mutisme et cela malgré le soutien de sa mère qui, de loin, cherche à lui rendre courage. Pendant ces appels téléphoniques, la narratrice est dans l’incapacité de prononcer le moindre mot. Et cela malgré un cri poussé dans la vacuité sonore de son appartement, un cri qui semble se répercuter sans fin. Il y a ensuite l’aberration de la vie qui continue, il y a les démarches dont on dit qu’elles occupent l’esprit, il y a les rapports du couple avec sa mutuelle, son barème de prime intolérable, le calcul des droits des parents, mais la mort d’un enfant n’est pas clairement prise en compte et les chocs inévitables se succèdent. Ainsi le jour où les affaires de Tom sont renvoyées à sa mère par l’école. Ou encore ce cadeau, trouvé par hasard et que Tom n’avait pas eu le temps de déballer. Il y a la nécessité de repenser la chambre des enfants avec ses lits superposés... Pourquoi en dire plus? La mère de Tom est morte avec Tom. Et Marie Darrieussecq raconte l’indicible avec bien du talent.


Edmonde Charles-Roux La Provence, 3 Novembre 2007



Bouleversant. (...) Sur ce thème, que l’on a davantage l’habitude de lire sous forme de témoignage plutôt que de roman, Marie Darrieussecq a écrit un livre déchirant. L’écriture est séche comme une douleur sans larmes. Même si ce livre est à déconseiller aux âmes trop sensibles, il n’en reste pas moins un texte d’une authenticité désarmante dont émerge hors d’haleine, meurtru et grandi à la fois.


Violaine Gélly septembre 2007 Psychologies Magazine




"En paix, lui aussi"


Marie Darrieussecq a entrepris d’imaginer ce qui ne devait pas l’être, de faire de la littérature à partir de ce qui, pour certains, devait rester dans la singularité du réel. Tâche que peut et que doit se donner tout écrivain, à ses risques et périls. L’auteur de Tom est mort a pris ce risque. L’a-t-elle pris inconsidérément? Seul importe la réussite ou l’échec littéraire de l’entreprise.

Cela fait dix ans que Tom est mort quand sa mère écrit cette phrase. Dix ans après, elle n’a toujours pas fait son travail de deuil. Surtout, elle n’a pas voulu le faire. Pas forcément refusé, telle une gréviste du deuil. Même si le mot de deuil ne lui déplaît pas, simplement, elle a renoncé à s’insérer dans ce "processus naturel qui (la) dégoûte". Pas "digéré" la mort de Tom. Elle ne sait pas quel temps ça prend pour ne plus souffrir. Dix ans ? Toute une vie? "La moitié du temps passé ensemble", comme les veufs et les veuves? Il n’y a pas de mot pour nommer l’état de la mère, ou d’un père qui a perdu un enfant. Depuis dix ans, elle "ressasse le vide". Ce qui déclenche cet acte, écrire Tom est mort sur un cahier, c’est le sentiment, étrangement logique, d’être à nouveau "au même point en même temps" que son mari Stuart. Être , après dix ans, à nouveau synchrone, peut-être est-ce là le signe que le temps se remet en mouvement, que quelque chose peut être dit. Ce cahier sera peut-être le moyen de prolonger cette possibilité d’unisson.

Encore faut-il pouvoir le faire le faire, pouvoir commencer. Précisément, il s’agit de faire en sorte que le commencement de tout, ne soit pas la mort de Tom. Séparer le commencement de la fin, poser une origine, naissance ou conception, rétablir un temps où tout ne se ramène pas au seul évènement qui existe réellement, c’est le pouvoir de l’écriture, de la narration. Le récit s’inscrit dans un temps où tout s’ouvre, où tout devient possible. Cela n’empêche pas la mère de dire: "Toute ma vie sera consacrée au souvenir de Tom." Mais ce n’est déjà plus la stupeur. "Le jour où chaque souvenir que j’ai de Tom sera teinté de sa mort -ne sera plus isolé de sa mort- alors peut-être je saurai qu’il est mort."

Ainsi s’instaure le lieu où prend place le souvenir des quatre ans et demi passés avec Tom, sur les quarante-cinq ans de vie de la mère. Le défi insensé de "laver" chacun des atomes, des micro-éléments du souvenir de la mort de Tom. L’essentiel du livre est composé du va-et-vient entre l’évènement primordial , la mort de l’enfant, et "l’ombre" qu’elle porte sur "chaque objet du monde". La mort elle-même est en creux. Personne n’y a réellement assisté. Il y a la dernière vision de l’enfant, le signe de son absence et donc de sa mort possible, l’annonce de la mort, et tous les moments qui se situent dans cet entre-deux où elle est à la fois inadmissible, refusée, et actes qui, en pratique, s’ancrent dans cette réalité où Tom n’est plus. Puis les souvenirs de Tom, et les souvenirs de la vie sans Tom. Le vide écrasant de son absence, le sentiment que "le seul endroit où revoir Tom, ça s’appelait l’Enfer". L’impossibilité de se dire qu’il grandit, de toucher son corps en mutation. La perte des communications avec les autres enfants, Stella et Vince, comme risque supplémentaire. Tout un itinéraire qui se boucle quand Vince, qui avait sept ans à la mort de Tom, quitte l’Australie et ses parents pour étudier en France, et quand son image se superpose à celle de Tom disant un dernier au revoir. "Tom que j’essaie de laisser en paix lui aussi, à qui j’essaie de donner le droit de sa mort."


Marie Darrieussecq nous donne, avecTom est mort, un roman qui fait plus que bouleverser. Ce texte plonge dans une stupéfaction qui l’oblige à faire face à sa propre vulnérabilité. Imaginer la perte, c’est de toute manière le sort de chaque lecteur. L’obliger à se faire avec cette précision forcénée et cette violence est le lot de la littérature, au plus fort sens du terme.


Alain Nicolas L’Humanité, 25 octobre 2007







Lorsque l’enfant disparaît



Avec Tom est mort, Marie Darrieussecq, injustement accusée de piratage, confronte chacun à l’extrême fragilité de la vie.

Cette année-là, ce couple accompagné de son premier enfant de 3 ans était en train de s’installer dans cette chambre de cette auberge de montagne, en Engadine, lorsque l’homme, glacé, désigna sans un mot à la femme, glacée à son tour, la petite fille qui, passée à travers l’ouverture béante de la barrière de la terrasse, dont manquaient quatre montants, s’était aventurée à pas menus sur la mince corniche extérieure surplombant une dalle de béton, quatre mètres plus bas. Sans un mot, en un temps infiniment long de moins de vingt secondes, la mère trouva alors les gestes qui lui permirent soudain d’agripper l’enfant et de sauver trois vies…


Le vertige des " si "



Notre enfant n’est pas morte cette année-là, mais cette scène, qui nous appartient, nous est revenue soudain en lisant Tom est mort, de Marie Darrieussecq, dont la question lancinante et vertigineuse qui traverse le roman se réduit à deux lettres : si. " Si, en anglais, on dit if, un paysage planté de si comme des ifs de cimetière. Si Tom avait été l’aîné. Si Vince n’avait pas existé. Si on avait nommé Vince Tom, est-ce que Tom aurait été Vince ? Et si, au cours de la dérive des continents, le bloc australien ne s’était pas séparé de l’Antarctique, l’Australie serait peut-être restéee inhabitable, et les villes n’y auraient pas poussé, et nous n’y aurions pas vécu, et Tom, mon fils, mon second fils… Cet espace courbe, les si, ce siphon, cet entonnoir de fou, je m’y enfonce, et je perçois le monde à travers un trou. "
Marie Darrieussecq aurait-elle écrit Tom est mort si elle avait perdu un enfant ? Et le roman, d’avoir été vécu, s’en serait-il trouvé plus fort ? Qui pourrait le dire ?
Ce qui est sûr, en revanche, c’est que la romancière honore la littérature, en donnant corps et voix, décor et dédale temporel à ce qui pourrait n’être qu’un fait divers. Un couple (la narratrice et Stuart), bien dans sa peau pour l’amour physique mais peinant un peu avec ses trois enfants (Vince, Tom et Stella), errant entre les continents à cause du job du père, se retrouve à Sydney où, trois semaines après son installation, le deuxième garçon de 4 ans et demi, laissé seul dans sa chambre par sa mère épuisée, tombe du septième étage. S’il faut attendre le dernier paragraphe du livre pour apprendre les circonstances de l’accident, nous les pressentons dès les premières pages et par le gaz de culpabilité qui flotte dans tout le récit.


Détails vrais comme la vie



Or c’est tout le reste, relevant de l’art du roman, qui compte vraiment et fait exister cette histoire dans la tête et les tripes de chacun, avec une profusion de détails vrais comme la vie, jusqu’aux plus incongrus (les petites horreurs funéraires, la tenue vestimentaire de l’enfant qu’on va brûler, l’accompagnement compassionnel et les " groupes de parole ", entre tant d’autres), en passant par tous les stades de la détresse ( cri, mutisme absolu, folie violente contre soi ou les autres, effondrement, hébétude méthodique, etc.) réinvestis par le récit.
Celui-ci, dix ans après la mort de Tom, est un parcours entre limbes et enfers, haine et tendresse, mélancolie enfin, et ce dernier apaisement d’une mission accomplie par les mots, à travers les creux et les bosses de la mémoire- cet adieu enfin permis, comme un sauf-conduit à l’enfant par delà les eaux sombres : " C’est peut-être ça, la dernière image. Tom qui se retourne et me fait coucou, temps gris clair, par tous les temps… "


Jean-Louis Kuffer 24 Heures, mardi 11 Septembre 2007








Dix ans après la mort de son petit garçon, elle n’a pas retrouvé son souffle. Le mot deuil ne convient pas. Elle se charge elle-même de nommer la terreur qui s’est emparé d’elle, depuis le moment fatal où elle quitta Tom des yeux. Instant qui est une image absente, autour de laquelle tourne le roman : nous ne saurons comment l’enfant est mort qu’après avoir suivi la narratrice jusqu’à la folie. Ce livre parle de la reconquête du langage par une mère muette de chagrin. Devant son mari et ses deux autres enfants, en Australie, elle passe par tous les états : crises d’apnée, hallucinations, " bangs " de souffrance quand elle retrouve un jouet, délire (elle achète cinq magnétophones pour entendre les voix du fantôme de Tom)… Ce livre devrait être effroyable, il est bouleversant. Et si poignant qu’on peine à croire qu’il s’agit d’une fiction.


Daniel Morvan. Ouest France, 26 août 2007.





Darrieussecq mise à nue.



Personnage parfois agaçant dans ses prises de position politiques, Marie Darrieussecq cache une autre femme quand elle écrit : inspirée, secrète, bouillante. Une exigence morale qui tranche dans cette rentrée.


Elle a commencé sa carrière littéraire comme un conte de fées. Agrégée des lettres à 27 ans, normalienne, elle envoie son premier manuscrit, Truismes, en 1996, à quatre éditeurs. C’est P.O.L qui publie le récit d’une esthéticienne qui se transforme en truie. Triomphe mondial. Plus de 1 million d’exemplaires vendus. On dit que le succès, si tôt arrivé, stérilise. Pas Darrieussecq. Elle publie, depuis, presque chaque année. Avec des hauts et des bas. Mais, cette année, elle nous offre un livre splendide, magnifique, qui fera événement.
L’auteur traite d’un sujet impossible. Une femme raconte la perte de son fils. Un tel deuil relève de l’indicible et c’est pourtant ce pari que tient l’auteur et on peut dire que c’est la belle surprise de la rentrée, tant le roman est profond, vrai, bien construit, et constamment enfiévré d’images originales.
Le roman se situe en Australie, à Sydney, exactement à Victoria Road. Mais ce Sydney-là, c’est Thèbes sous le soleil. Il y a des surfeurs, de belles villas, des plages superbes, une beauté urbaine avec des couleurs très pures. Et cette lumière de plateau nu déverse une immense beauté sur la tragédie de l’enfant mort. L’histoire ? Une mère, la narratrice, française, cherche un appartement pour s’installer avec ses trois enfants, Tom, Stella, et Vincent. Ils arrivent par avion, épuisés. Le père, Stuart, un scientifique, les rejoindra plus tard. Mais au bout de trois semaines, Tom, 4 ans et 9 mois, meurt dans des circonstances qui ne seront dévoilées que dans les dernières lignes du récit.
Tout au long du texte, la mère parle : nous sommes dans sa tête, dans sa douleur, dans son affolement mental, dans son vertige, dans son abîme. Le monde paisible d’une petite famille d’aujourd’hui pourrit sous nos yeux. L’océan Pacifique, si beau dans les premières pages, devient l’image d’un Eden perdu. Avec un grand sens de la construction, Darrieussecq nous enferme dans le mouvement de plus en plus affolé et vertigineux d’un esprit tordu, béant, effréné, et nous fait sentir les ondes de révolte, d’incompréhension qui s’emparent de cette femme. L’auteur nous avait déjà habitués à des sujets où le dérèglement mental, la solitude, l’effroi, l’absence s’emparent d’une âme, d’une imagination. Spécialiste des distorsions subjectives, Darrieussecq frappe par la précision hallucinante des détails vrais de la vie quotidienne, sa sélection des objets comme dans les analyses de Flaubert. On sait tout des démarches auprès des assurances, des conversations téléphoniques aux proches, à la famille restée en France, des questions des policiers australiens. L’œil de la narratrice n’est pas moins étonnant et rappelle les films en Scope de Godard, ses rouges Ferrari, ses bleus intenses. Ou l’hyperréalisme américain. On voit l’appartement blanc, neuf, cubique, les objets de l’enfant, son slip Petit Bateau à rayures, ses mitaines, le steak-frites que le père prépare pour les deux autres enfants, ou les reflets d’une combinaison de surfeur en Néoprène. Comme toujours, cette oeuvre s’irradie de la présence des bords de mer, des piscines, d’une digue, d’une vague, d’une cabane de surfeurs, comme pour nous rappeler que Darrieussecq a passé son enfance à Bayonne et qu’il y a chez elle pleine mer, plein ciel, à la fois danse des vagues, traîtrise de l’immensité et, comme dit l’autre dans Quai des brumes, quand il y a un nageur, le noyé n’est jamais loin… Enfin, Darrieussecq n’a pas son pareil pour suggérer la nature secrète de l’angoisse, ses fissures, sa manière de scintiller au creux d’un après-midi, ses visions surréalistes ; le roman est aussi original par sa force documentaire et pour dire l’infirmité de la parole, buter et cafouiller dans les mots et les circonstances et nous montrer comment les êtres dérapent et tombent. Dans un décor de bancs d’aéroport, de bornes Internet, de pots de yaourt, de meubles Ikea, on découvre Médée ou Electre. La douleur et le vide font apparaître le monde dans une nouvelle virginité. Monde à vif, fauve, cru, saignant, incontrôlable. Les visages deviennent des masques, quelques chaises vides et tasses au soleil deviennent les signes d’une malédiction et déjà un début de prière janséniste. Le roman se fait méditation aux accents de vérité impressionnants.
C’est tenu et écrit au cordeau. Une ligne très pure qui mène le livre au bord du lyrisme et de l’indicible. Médée a perdu son enfant, Antigone a perdu son frère, un être humain entre dans sa solitude et n’en sortira plus. Bruit de caveau et de dalle refermée : c’est le néant blanc de la douleur qui s’étend.
Le roman nous rappelle, comme le dit le philosophe George Steiner, que le domaine de la raison est fragile, étroit, limité et vite pulvérisé. Nul progrès technique ne l’élargira. Mais Darrieussecq donne plein chant, grande prose à cette réflexion ; elle nous dévoile la fureur bestiale, la folie du sang, la sollicitation de la déraison, ce qui broie et tord, façon Médée ou Phèdre. Elle nous indique que le destin se moque de nous quand il veut, et où il veut.


Jacques-Pierre Amette Le Point, 23 août 2007

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Le fantôme de Tom


Comment survivre à la mort d’un enfant ? Marie Darrieussecq dissèque l’absence et étonne par sa justesse.
Aujourd’hui elle boucle la fin d’un cycle. Dix ans depuis Truismes, paru en 1996. " Ca fait dix ans que Tom est mort. Dix ans maintenant… " insiste Marie Darrieussecq dans les premières lignes de son dixième livre. La romancière croit aux signes comme elle a foi en la fiction " où l’on peut tout dire, y compris le pire ". Mais parler de la mort d’un enfant, la mettre en scène dans un monologue maternel de deux cent cinquante pages est forcément un pari risqué, un choix esthétique et littéraire qui va choquer mais qu’elle relève tête haute. Car Tom est mort est un roman magnifique que l’on lit sans respirer. Pas de kleenex, de faiblesse névrotique ou de poésie larmoyante, chaque ligne est portée par une écriture dépecée, ne s’autorisant aucune fioriture, comme si l’auteur n’avait peur de rien, pouvait s’avancer sans fard et tout affronter y compris le pire. " Mais il y a des traces de cette histoire dans tous mes textes, précise-t-elle. En fait tous mes livres sont construits de la même façon, avec les même fantômes et cette envie d’aller jusqu’au bout. Dès qu’on a un enfant, on fantasme le pire. L’amour est aussi fait de terreur. " Et de fatigue, de soubresauts, de vide, de douleur pure, de cri infini, de gestes incongrus, d’oublis insupportables. Ces passages de la vie à la mort, du corps en mouvements aux rites mortuaires sont décris comme une montée du Golgotha par une Marie-Madeleine sous double dose de Tranxène, traînant également un mari et deux enfants qui méritaient mieux.



La puissance d’un récit tragique qui force la réalité.


Marie Darrieussecq à mit un an à écrire cette œuvre - guerre plus de quelques heures chaque matins -, avant de la cacher douze mois sans pouvoir l’ouvrir. Elle a situé l’histoire en Australie, aux antipodes, pour l’éloigner le plus possible de " sa réalité ", comme si c’était un texte maudit, un récit presque interdit qu’il fallait sortir d’un jet en se relisant à peine. Il n’est pas question d’autofiction même si la romancière laisse entendre que les silences de sa famille cachent des fantômes. De toutes façons, la fiction lui va bien. Après Le bébéen 2002, où les histoires de couches-culottes et de biberons sentaient le bonheur laiteux d’une jeune mère extatique, le lecteur retrouve la puissance d’un récit tragique qui force la réalité, la découpe, la détruit. Marie Darrieussecq fait de la mort un élément matériel, s’attarde sur la chronologie du deuil pour le concrétiser et le rendre plus explosif. Elle dit la morgue le froid d’un visage qui n’a plus rien d’humain, la couleur de la peau, les vêtements choisis, seize kilos qui pèsent une tonne dans son cœur dévasté.
" Tom a une couleur blanche que je ne lui avait jamais vue. " Arrête ça tout de suite Tom ." Les bêtises de Tom. Le dessous de ses yeux est gris-rouge, les paupières fermées sont crayeuses. La tache habituelle du regard, là, où était Tom, a comme coulée sous les yeux, dans ce gris-rouge. Il me regarde par-dessous. Je pense que je rêve. Je n’ai jamais vu cette couleur sur aucun visage humain. La même couleur semble avoir coulé à la base du cou, dans le creux tendre, doux. Je suis étonnée. " Elle suit chaque réaction de sa narratrice, son étonnement, son horreur et son immense fatigue. Elle décrit aussi les autres, désarmés devant un chagrin trop grand : le mari perdu, les enfants qui voudraient vivre hors de l’ombre. Mais le plus surprenant vient de sa vision de ce continent perçu comme un ennemi. " Je connais l’Australie. Un pays qui vit une tension écologique très forte. Les habitants connaissent cette angoisse rentrée, cette lutte contre le désert qui s’étend de plus en plus. " Dans ces villes modernes où vivent Tom et sa famille, un drame éternel, immuable va avoir lieux. Une mort injuste et illogique dans ce monde qui prévoit tout sauf l’imprévisible de la nature. Marie Darrieussecq a transposé une histoire mythique dans ces lieux aseptisés, lui donnant une allure de conte pour adultes. Mais elle ne s’est pas contentée de plaquer des situations, elle a transformé sa fiction en théâtre antique, préférant la vérité de la littérature à la réalité de l’expérience. Dans Le bébé l’auteur n’était qu’un sentiment, une situation ; ici, comme dansTruismes, Marie Darrieussecq écrit un livre noir, un roman terrifiant nourri de cette culpabilité insurmontable qui menace chacun de nous à tout instant.


Christine Ferniot. Lire, septembre 2007





(...)Aussi poignant que pondéré, Tom est mort laisse une empreinte indélébile à son lecteur.’...)


Sabine Audrerie 30 août 2007 La Croix







Le chagrin d’avoir perdu son petit Tom


Marie Darrieussecq publie le très beau " Tom est mort ".




ll n’existe pas de nom dans la langue française " comme ’veuve’ ou ’orpheline’ ", remarque Marie Darrieussecq, pour une mère qui a perdue un, ou des enfants. Alors l’auteur de Tom est mort, l’un des romans les plus marquants, d’un point de vu littéraire, de cette rentrée, opte pour le terme de " mère endeuillée ".
Et cette mère en deuil, amputée à jamais d’une partie d’elle-même par une tragédie, qui se livre, entrouvrant la porte à la femme en détresse qu’elle a été, consignant sa souffrance pour ne pas l’oublier. D’une écriture simple, dépouillée, vive même, elle égrène comme ils lui viennent ses souvenirs et ses réflexions, son chagrin et sa colère, sa douleur et sa culpabilité, ses rêves les moins réalisables et ses espoirs les plus fous. Des pages qui interrogent la souffrance. Tristes évidemment. Tristes et belles. Tellement belles qu’on y pleure pas mais qu’on entre en empathie avec cette française en exil en Australie où elle a suivie son mari qui y travaille. Une " mater dolorosa " dépeinte à petits traits précis.
Dix ans après les faits, par une journée de plage où elle a, croit-elle, " atteint ce point de repos :le vague à l’âme des gens heureux ", la narratrice entame un cahier. Elle y consigne en des paragraphes courts, en des phrases sobres, tout ce qui est en rapport avec Tom, ou plutôt avec la mort de Tom, quatre ans et demi, trois semaines après leur arrivée en Australie. Sa résistance aux étapes du deuil, telles que décrites dans les manuels, sa découverte que " les enfants morts, c’est incommensurable ", son besoin d’être reconnue dans son drame. Elle y parle de Tom, souvent, tout le temps. Revient sans cesse sur son chagrin d’avoir perdu son petit bonhomme. " Avant leur mort, on ignore que les enfants sont mortels ", écrit Darrieussecq. L’écrivain est admirablement glissée dans la peau d’une mère en deuil. Elle analyse sa douleur, la triture jusqu’à plus soif, avec dignité, suit sa chute.
De paragraphe en paragraphe, on reconstitue l’existence brisée de cette famille installée au bout du monde. On y découvre Tom, bien entendu, et les quatre ans et demi de sa vie, mais surtout, on le suit dans son absence. L’annonce de sa mort, l’hôpital, " les annonciations ", les démarches, la cérémonie, l’école, ses affaires qui reviennent à la maison.
Tant de chagrins au cours de dix ans écoulés. Quatre personnes unies par le deuil. La mère et son cahier. Les deux autres enfants du couple, Vince, sept ans au moment de l’accident, et Stella, gros bébé de dix-huit mois. Stuart, le mari, qui relit parfois les pages écrites.
est un roman bouleversant, tellement fort et juste qu’on ne peut qu’admirer encore davantage le travail de la romancière qui a fait naître de telles pages de son imagination. La réalité dépasse parfois la fiction, mais dans le cas du nouveau et onzième roman de Marie Darrieussecq, la fiction se hausse sans peine au niveau de la réalité et d’un récit venu des tripes.


Lucie Cauwe Le Soir - vendredi 7 sept 2007





Marie Darrieussecq. La mort d’un fils et ses conséquences. La disparition



Le court premier paragraphe, beau comme du Duras, dit tout. " Tom est mort. J’écris cette phrase. " Suit la longue narration par une mère jamais apaisée des années qui ont suivi la mort de son fils, Tom, 4 ans et demi. Dix ans après, installée dans les " blue mountains " et à l’aube d’une nouvelle vie, elle se souvient du drame qui advint à Sydney, où elle venait de s’installer avec son époux. Comment Tom est-il mort ? On ne l’apprendra qu’à la dernière ligne du livre, et peu importe. Ce qui compte, c’est cette douleur jamais éteinte, cette présence toujours vivante, cette dérive presque jusqu’à la folie.
Il y a chez Marie Darrieussecq une inspiration qui, pour n’être pas la plus spectaculaire, n’en est pas moins achevée: celle qui consiste à investir un personnage et ses douleurs, à tenter de retranscrire, sans les lourdes connotations qui s’attachent au mot, ses motivations " psychologiques ". De cette veine était déjà né le très beau Naissance des fantômes, qui tentait de mettre au jour les sentiments d’une femme dont le mari avait disparu. Tom est mort tourne autour d’une autre disparition, et le fait avec la même finesse. La mère, les frères et les sœurs, l’entourage qui oublie, tout est passé au crible d’une écriture qui se refuse en permanence à l’apitoiement, à l’effet de style, à la boursouflure mélodramatique. C’est sec, dégraissé, profondément émouvant, sans que jamais cette émotion paraisse sollicitée. Tom est mort sert son sujet sans jamais se servir de lui. (…)


Hubert Prolongeau, Journal du Dimanche



Le phare de Ré


(...) La puissance de ce récit tragique est indéniable: chaque mère se reconnait dans les agissements de "l’héroine mythique" de Marie Darrieussecq et se sent menacée par l’imprévisible de la nature, de la vie. "L’amour est aussi fait de terreur", nous confie l’auteur. D’une rare maîtrise stylistique, sans théatralisation ni larmes, Marie Darrieussecq nous offre un roman qui illustre admirablement la remarque de Thomas Bernhard: "les liens du sang peuvent devenir subitement irréparables."


Rose-AImée Jouan novembre 2007



Notes Bibliographiques


(...) livre bouleversant.



Télérama

(...)Un livre fort et grave. Avec ce monologue d’une mère endeuillée, la romancière signe un livre d’une grande dignité sur le chagrin, l’absence, l’indicible.



Le Canard enchainé


(...)un livre dont on ne sort pas indemne.



Femme actuelle


Eprouvant mais bouleversant.



Métro


(...)Tom est mort est un livre bouleversant. En décrivant l’insoutenable, Marie Darrieussecq touche son lecteur en plein coeur. Le traumatisme comme la douleur sont palpables à chaque ligne. Aborder un sujet aussi sensible était particulièrement difficile, mais l’écriture est intelligente et le style maîtrisé. Un chef d’oeuvre plein de tristesse....et d’espoir.


Aurélie Sarrot


Pélerin Magazine


(...)Tom est mort raconte le combat acharné d’une mère qui a perdu son enfant pour retrouver l’envie de vivre. Ce récit bouleversant de Marie Darrieussecq, en lice pour le Goncourt, ira droit au coeur de tous ceux qui ont vécu cette épreuve.



Le vif/l’Express


Limpide et violent, ce roman de Marie Darrieussecq aborde magnifiquement la mort d’un enfant.(...)



La Gazette


(...)C’est cette recherche littéraire et sensible-celle de la vérité du personnage principal notamment-qui fait de Tom est mort un livre tendu, juste, grave et universel. Sa mise en scène impressionne tant elle est maitrisée sous une apparente simplicité.



Esprit femme


(...) Un livre d’une sensibilité rare, bouleversante.




Agenda

Lundi 22 avril
Marie Darrieussecq au Festival Effractions au Centre Pompidou

Centre Pompidou
Place Georges-Pompidou,
75004 Paris

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24 mai 19h
Marie Darrieussecq à Sète, librairie l'Echappée belle

Librairie l'échappée belle

7 rue Gambetta

34200 Sète

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Du vendredi 24 au dimanche 26 mai 2024
Neige Sinno, Marie Darrieussecq, Arthur Dreyfus, Ryoko Sekiguchi, Marielle Hubert au Festival Oh Les beaux Jours à Marseille

Le festival Oh les beaux jours ! est produit par l’association
Des livres comme des idées.

3, cours Joseph Thierry
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