— Paul Otchakovsky-Laurens

L’ Excuse

Julie Wolkenstein

Lise est une femme que l’on découvre assez rapidement âgée, mais, comment le dire, verte encore et qui ne se refuse en tout cas aucun des plaisirs de la vie, qu’il s’agisse de l’alcool ou des hommes. On dira que pour elle l’automne ne fait que commencer… Elle vient d’hériter une magnifique maison sur l’île très chic de Martha’s Vineyard, en face de Boston, et le roman commence alors qu’elle ouvre cette maison. Elle se souvient…

Elle se souvient de la première fois où elle y a mis les pieds, il y a bien longtemps. Elle était une jeune universitaire française, elle venait de perdre son père. Sa tante l’avait prise sous son aile. Elle...

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La presse

Jeux d’ombres


C’est à un véritable jeu de rôle que nous convie la romancière française. Un récit brillant qui fait écho au Portrait de femme de Henry James.


Dans l’un de ses plus célèbres romans, Portrait de femme, l’écrivain américain Henry James affirmait que « la vie offre peu de moments plus agréables, dans certaines circonstances, que l’heure consacrée à la cérémonie du thé ». La romancière française Julie Wolkenstein écrit quant à elle dans son nouveau roman : « Peu de moments dans la vie approchent autant la perfection que l’heure de l’apéritif surtout lorsqu’il est servi […] face à la mer et juste un peu trop tôt. » Simple clin d’œil ? Bien plus. Car Julie Wolkenstein a imaginé récrire à sa façon le chef-d’œuvre de James. Attention, il ne s’agit pas pour elle de signer un de ces remakes semblables à ceux du cinéma, de reprendre les ingrédients d’un scénario pour les adapter à une culture locale. La fiction de James est ici simple miroir dont la romancière détourne les images, prétexte à un jeu dont le titre (L’Excuse) est emprunté à une carte emblématique du tarot.


L’intrigue ? Une jeune Française, guidée par une tante – ou du moins qui se prétend telle –, débarque dans une richissime famille américaine. Son histoire nous est contée à deux voix. Celle de la narratrice, Lise, et celle du journal que son amant, Nick, atteint d’une maladie incurable, lui a légué. Ce dialogue entre passé et présent, à l’image d’une représentation théâtrale, va permettre d’alterner les séquences entre la scène – le lieu du réel – et les coulisses– ce dédale de secrets ou les mystères sont révélés. Quels mystères, quels secrets ? Femme amoureuse, Lise croit – tout comme Isabel, l’héroïne du roman de James – maîtriser parfaitement son destin. Le testament littéraire de Nick va lui démontrer qu’il n’en a rien été parce que nombre des rencontres et des situations qu’elle a vécues sont loin d’avoir été le fruit du hasard. Loin d’être fastidieux, ce brillant exercice de mécanique littéraire – on démonte une intrigue pour en construire une autre, différente – jongle avec humour et intelligence sur tous les arcanes de la fiction. La professeur Julie Wolkenstein (elle enseigne la littérature comparée à l’Université de Caen) nous donne à lire, elle aussi, un « portrait de femme ». Un personnage du récit de James déclare que « l’essentiel est d’aimer quelque chose ». Julie Wolkenstein semble lui répondre en laissant entendre que l’essentiel est ailleurs. L’essentiel, la première et la dernière phrase de son récit le prouvent, est d’aimer quelqu’un.


Bernard Géniès, Le Nouvel Observateur



Fidèle à ses vieux démons, Julie Wolkenstein se pique d’intertextes et tricote le genre romanesque dans ce thriller littéraire entièrement dédié à l’œuvre de Henry James. En retraçant la tragédie du désir inassouvi et l’itinéraire teinté de corruption d’une Française en Amérique, elle ne se contente pas de transposer l’intrigue de Portrait de femme, mais imagine une situation perverse où l’héroïne comprend trop tard que son histoire reproduit à la lettre celle d’un personnage de fiction. Dans la somptueuse maison dont elle vient d’hériter, cette Isabel Archer qui s’ignore se plonge dans de vieux papiers, un télégramme, un article inachevé, ou encore ce texte intitulé Déjà-vu qui avance que sa propre vie « répète exactement un canevas imaginaire conçu un siècle pus tôt ». Fascinée, elle se laisse happer par un jeu de piste aux allures de tarot, une bataille sans merci pour maîtriser son destin. Ce parcours initiatique à l’envers interroge les névroses de la lecture, la création de tout personnage romanesque et la fonction quasi divinatoire de la littérature. Car la réécriture du canon s’opère ici par un savant système de correspondances où le livre se fait plus que jamais modèle d’intelligibilité de la vie.


Augustin Trapenard, Le Magazine littéraire, septembre 2008



Dear Henry


Avec L’Excuse, Julie Wolkenstein revisite brillamment Portrait de femme de Henry James. Une subtile jonglerie littéraire.


Grâce soit rendue à l’Université ! Il y a quelques années de cela, Julie Wolkenstein y préparait une thèse sur Henry James, matière à une publication, chez Honoré Champion, en 2000. Elle y traitait, bien sûr, de son œuvre phare, Portrait de femme. Lue, relue, savourée, la peinture virtuose de l’écrivain américain sert aujourd’hui de matrice à son cinquième roman. Un exercice de haut vol, d’une finesse toute fitzgéraldienne.

Véritable thriller littéraire, L’Excuse se déroule du côté de Martha’s Vineyard, sur cette côte Est qui fleure bon l’aristocratie d’argent et le whisky de qualité. La narratrice, Lise, riche Française, professeur de littérature à Berkeley, vient d’hériter la superbe maison de sa tante adoptive, Françoise. Tout avait commencé lorsqu’à 23 ans elle avait débarqué de Paris, quasi orpheline. Tout : les amours, les parties de tarot, son refus de convoler avec Charles, le « yuppie new-yorkais », son mariage raté avec Gilles, le « parasite vaniteux », sa passion tardive pour son brillant cousin Nick, atteint d’une maladie incurable. Qui lui a laissé, en guise de cadeau d’adieu, une série d’écrits et d’objets, puzzle ingénieux reconstituant le destin de Lise.

Pièce fondamentale de ce puzzle, Portrait de femme, bien sûr, que Nick analyse, décortique, démontrant combien l’histoire de sa cousine ressemble à celle d’Isabel Archer, l’héroïne de James. Lise confronte à son tour le destin de la belle Américaine du XIXe siècle à son propre parcours et les assertions de Nick à ses souvenirs, se rebiffe, se résout, effarée (« Ma vie obéit à un plan »), avant de s’adonner à un jeu de pistes final qui permettra de saluer la victoire des personnages sur la fiction. Grisant !


Marianne Payot, L’Express, 16 septembre 2008


Play it again, James !


Difficile de réussir un roman à la fois érudit et ludique. Ce pari, Julie Wolkenstein le remporte haut la main avec L’Excuse, un clin d’œil à Henry James.


L’île de Martha’s Vineyard au large de Boston, dans les années 2000. Une femme revient là où elle a vécu tant d’étés heureux. L’endroit est idyllique, la vue sur l’océan imprenable, la maison charmante. Mais aujourd’hui, ceux qu’elle aimait sont morts. Face à sa solitude, Lise va devoir affronter cet héritage : une demeure qui, désormais, lui appartient, les objets que Nick a semés derrière lui pour la guider dans leur passé, mais aussi le manuscrit qu’il lui a laissé. Ce texte lui est adressé et raconte leur histoire. Car Nick a une théorie : Lise et lui ont rejoué un scénario imaginé un siècle plus tôt par Henry James dans Portrait de femme. Le pari était audacieux, voire hasardeux, le résultat est bluffant.

Finalement, peu importe que l’on connaisse ou pas le roman de James, Julie Wolkenstein nous livre assez d’éléments pour que nous puissions profiter pleinement de ces destins parallèles qui se lancent des clins d’œil par-delà les siècles. Lorsque, encore toute jeune fille, Lise débarque aux États-Unis, chez la première épouse de son père, elle trouve immédiatement une nouvelle famille. Cette femme d’abord, qu’elle appelle tante Françoise. Puis son fils, Nick, que l’on sait dès le départ condamné par une maladie génétique. Ici, l’argent et le champagne coulent à flots et les journées se déroulent entre promenades en bateau et apéritifs se prolongeant tard dans la nuit. Le destin de Lise sera dorénavant lié à ce pays et à ces gens. Sa vie, nous la découvrons à travers ce qu’elle nous en raconte (le récit est à la première personne) et le manuscrit que Nick lui a légué, dans lequel il met en perspective le roman de James et leurs propres existences. « Pour le reste, écrit Nick, je dirais que les circonstances ne présentaient sa perfection ostentatoire : nous ne buvions pas du thé mais de l’alcool […], et l’océan se substituait à la britannique pelouse déployée devant Gardencourt, le château de l’oncle Touchett. » Ces coïncidences sont-elles authentiques, ou Nick, dans son délire, a-t-il décidé plus simplement d’infléchir la réalité pour qu’elle ressemble à la fiction ? Au fil de ses livres, Julie Wolkenstein rend des hommages plus ou moins appuyés à ces auteurs que l’on aime, comme Virginia Woolf, Edith Wharton et, bien sûr, Henry James. Cette connivence littéraire est très enrichissante.

Et ce qui est formidable dans ce roman, qui prend parfois des allures de chasse au trésor, c’est qu’il donne immédiatement envie d’en lire d’autres. Une fois L’Excuse refermé, on éprouve un besoin irrépressible de se précipiter sur le fameux Portrait de femme et, pourquoi pas, tous les autres romans de James. Puis James nous renverra à Wharton qui, elle-même, etc. Une chaîne littéraire s’est formée dont Julie Wolkenstein constitue l’un des maillons essentiels.


Pascale Frey, Elle, 15 septembre 2008.


Nous sommes dans les premières décennies du XXIesiècle, vers l’année 2020, lorsque Lise revient dans la maison de l’île, au large de Cape Cod. L’endroit, naguère si vivant, est désormais désert. Lise est une dame âgée à présent, seule survivante d’un groupe humain que soudaient naguère des liens familiaux, sentimentaux, amicaux. Le temps, l’âge, la maladie ont englouti la petite communauté, qui ne survit que dans la mémoire de Lise. C’était quarante ans plus tôt, elle était une jeune femme alors, et dans la maison de l’île, elle côtoyait entre autres Nick. Le jeune homme, amoureux mais malade, et se tenant de ce fait en retrait, la regardait vivre. Le tissu narratif de L’Excuse – cinquième roman brillant, parfois grave, mais radieux, de la très fine Julie Wolkenstein – croise deux récits : le monologue de Lise qui, dans la maison vide, se souvient du temps perdu ; les pages d’un manuscrit posthume de Nick, dans lequel il consigna sa vision particulière de l’histoire de Lise, s’appuyant sur la conviction de l’existence d’une « parenté magique », d’un mystérieux lien d’ordre prophétique, entre le destin de cette jeune fille de la fin du XXe siècle et celui d’Isabel Archer, l’héroïne de Portrait de femme, de Henry James. Densément nourri du grand roman de James, L’Excuse n’en est ni une parodie ni une plate transposition contemporaine. L’original jamesien, Julie Wolkenstein l’utilise comme un palimpseste, sur lequel elle déploie son propre roman – éminemment romanesque ! –, orchestrant entre les deux livres un jeu très riche de signes, d’échos, de reflets.


Nathalie Crom, Télérama n° 3066, 18 octobre 2008


C’est arrivé demain


Le cinquième roman de Julie Wolkenstein, fort réussi et troublant, fait revenir Henry James dans l’Amérique du XXIe siècle, multipliant miroirs et clins d’œil


L’espace de fascination que Julie Wolkenstein dessine dans L’Excuse a la forme d’un labyrinthe dans lequel on s’enfonce avec délice, guidé ou intrigué par un jeu de miroirs, de trompe-l’œil, de leurres, de signes.

Au seuil de ce labyrinthe, la véranda d’une riche villa sur une petite île du Massachusetts, Martha’s Vineyard. Lise Beaufort, une Française qui a pris sa retraite après avoir enseigné à Berkeley, y arrive au soir d’un été que personne d’entre nous n’a encore vécu, dans les années 2020 ou peut-être 2030. Les conditions climatiques ont changé – on parle de territoires engloutis sous les eaux comme dans le précédent roman de Julie Wolkenstein, Happy End –, le papier est presque complètement remplacé par le virtuel, les cassettes audio ne sont qu’un lointain souvenir, les imprimantes d’aujourd’hui se rouillent lentement.

Mais il reste la mémoire, la littérature, les passions, la musique qui les a accompagnées tout au long d’un autre été, dans les années 1980, lorsque Lise était alors venue pour la première fois dans la villa. Ses études terminées en France, elle discutait de ses découvertes linguistiques d’étudiante avec son cousin Nick, et Ralph, un ami, américain lui aussi, jouait au tarot, fumait de l’herbe, écoutait les Stranglers et buvait – cocktail cher à Hemingway – des Long Island Iced Tea. Ils sont morts, comme leurs parents, et elle, la survivante, hérite de la maison de Nick.

Le récit offre d’abord un jeu de reflets entre les deux côtés de l’Atlantique, entre « les Deux Mondes » : la jeune Française qui a connu la tension des examens et des concours et les Américains qui ont vécu leur années d’université entre les campus festifs de Harvard et Yale, leurs appartements de Park Avenue et leurs petits avions particuliers.

Mais d’autres enjeux, plus importants, apparaissent vite, à la faveur d’un roman que jadis Lise n’avait pas lu mais que Nick lui avait fait découvrir : Portrait of a Lady, de Henry James, ne va cesser de suivre, de doubler, ou plutôt de précéder le récit. La narration retrace chez Lise une lente appropriation, une sorte d’imprégnation, voire une hantise : elle revisite la maison, lit un texte, Déjà vu, que lui a laissé Nick, et avec cet écrit posthume, rappelant Les Papiers d’Aspern, l’ombre de James s’étend sur la fiction.

La vie précède-t-elle l’écriture ? Ou n’est-ce pas le contraire ? Le soir où il a vu pour la première fois Lise, orpheline, arrivant de France, Nick a été frappé par une vague impression de « déjà-vu » que confirmeront d’autres séquences un peu plus tard. Pour lui, tout se passera désormais comme si, à son insu, elle rejouait un drame inventé cent ans plus tôt par le grand Américain. Portrait de femme offre en effet, tel un miroir, l’image inversée de ce que va vivre, des décennies durant, le petit groupe.

Peu à peu, en lisant les pages que Nick avait rédigées à son intention, Lise lit aussi sa propre vie, la déchiffre, à la façon d’un puzzle, d’un jeu de piste – le titre L’Excuse fait référence aux tarots –, ou d’un manuscrit palimpseste, comme déjà écrite au XIXe siècle et orientée, délimitée, par la volonté de Nick, dans ses amitiés, ses amours, sa carrière universitaire.

L’Amérique et l’Europe du temps de James ou de leur jeunesse ont disparu, seule demeure la littérature. Mais Nick constate que l’existence vécue et même la fiction dépassent toujours les cadres du roman. De la mort du bébé de Lise, « tache aveugle » dans le récit, il avoue ne pas avoir pu parler. Aux dernières pages de Portrait of a Lady, le cousin mort de l’héroïne Isabel lui apparaissait. Le héros de Julie Wolkenstein, qui avoue à Lise à la fin de son message qu’il l’a toujours aimée, pense que son texte tiendra lieu de fantôme, le seul auquel il puisse croire.


Sabine Audrerie, La Croix


Le jeu de piste de Nick


Julie Wolkenstein fait brillamment s’interpénétrer roman ancien et fiction actuelle dans L’Excuse, un terme emprunté au jeu de tarot.


À la fin de L’Excuse, on dépose le livre, heureux et repu de cette lecture à la construction brillante, enchanteresse et pleine de surprises. Pendant 350 pages, Julie Wolkenstein tient son lecteur en haleine. Elle le promène habilement dans les méandres de son imagination sans jamais le laisser s’égarer malgré une structure romanesque complexe. Personnages du présent et du passé s’y donnent la réplique sans toujours le savoir, ou en tentant d’infléchir leurs destins. Tout est construit sur l’idée que Portrait de femme, un roman ancien de Henry James, donne sa trame narrative à la fiction contemporaine où évoluent les personnages de Lise, Nick, Charles, Juliette, et d’autres, doubles modernes des héros d’hier. C’en est troublant. Mais Julie Wolkenstein ne s’arrête pas là. Elle complète son travail fictionnel d’un ultime texte confrontant les deux précédents. Cela a l’air un peu compliqué mais c’est éblouissant et totalement réussi. […]

L’ombre d’Henry James plane toujours, avec la question : peut-on intervenir sur un destin ?

La fin du roman est particulièrement réussie quand, au terme de son enquête victorieuse, Lise reçoit un nouveau texte de Nick, sorte de testament amoureux, où il commente ses faits et gestes de maintenant. Comme s’il la voyait faire. Alors que joueur de tarot comme elle, il « a mis l’excuse », l’obligeant à prendre une initiative.


Lucie Cauwe, Le Soir, 30 octobre 2008

Et aussi

Julie Wolkenstein Prix des Deux Magots

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