— Paul Otchakovsky-Laurens

Le Monologue d’Adramélech

Valère Novarina

« Adramélech, à travers son monologue vient raconter sa vie ; la vie de celui à qui on ne donne pas la parole, tandis que les classes dangereuses babillent. Une vie universelle. C’est l’ouvrier, le petit, le sans-grade, qui déblatère jusqu’à plus d’air pour témoigner de sa condition. C’est un bonhomme venu nous dire ses colère, ses peines, ses joies, ses questions, ses doutes et ses inquiétudes. Il est l’ambassadeur d’un monde muet ou muselé, et tout à coup, par trop-plein d’air, il craque et dit tout, d’une traite, pour se taire à la fin, vidé, essoufflé... »


Bastien Thelliez (Les...

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La presse

Quand j’entends la lecture du Journal du drame, je vois le son, quand je lis les noms de personnes de La Loterie Pierrot j’entends qu’ils son(t).
J’écoute le CD : « ANATOMIE, AUTONOMIE, ANA TOMIE, AUTO NOMIE… » et j’entends autonomie du son, anatomie du sens qui a chuté. Chut ! Je prends La loterie Pierrot, je relis, je cherche : Anna Tomie et Otto Nomie ne sont pas présents dans « le vivier de noms », tous les noms cités sont des noms de personnes réelles. Ce que sont les noms de la liste de La Loterie Pierrot remonte à la surface et anatomise le sens par la singularisation d’un état. Chaque personnage est reconnaissable par le verbe qui désigne ses actions. Le verbe est le temps des personnages, le temps de personne. Tous les verbes sont au présent, qui mesure l’action de l’agent ou la passion du patient, chaque personne joue la passion du verbe, tous les corps sont causes les uns par rapport aux autres, par et pour les autres. Ainsi chaque personne est un résultat d’actions et de passions, et chaque verbe n’est paradoxalement celui de personne puisque chaque nom nomme moins une personne d’une manière d’être qui ne désigne jamais ce qu’ils son(t). Le verbe qui désigne l’action n’est utilisé qu’une fois, il est coextensif à l’action, et l’action elle-même, coextensive au langage dont l’anatomie est « mise en scène » par cette onomastique qui mastique le son. Les personnages sont les sons des personnes. AUTONOMIE, (du son) ANATOMIE, anatomastique du sens et auto-mobile du sens : « Tiens, voilà Ducot qui passe avec sa deux chevaux. » (Le Monologue d’Adramélech)

Dans cette nouvelle édition de La Loterie de Pierrot, Valère Novarina accompagne la liste de noms de notes qui encadrent le texte sur le modèle typographique d’une page du Talmud, ces notes sont la considération écrite de paroles rapportées par les personnages de la liste à propos de personnages de la liste. Chaque nom commentant chaque nom, chaque personnage offrant des perspectives possibles à partir desquelles les personnages sont. Autant de combinatoires qui laissent penser que les noms pourraient se lire comme les lettres (ou les nombres) d’une loterie dont les lots seraient une langue « dispensée du fardeau de la communication. » (L’Envers de l’esprit) Des photographies des personnages, celle de Lolotte, de madame Rosset qui pose sa tasse, d’Éphise Tagon, de Gabon ou de Jean la Grèle font de ces hommes et de ces femmes des « acteurs » ou plutôt des actionneurs de transfiguration de la langue. Leurs photographies font voir le son qu’ils sont.

ENTRENT LES HOMMES QUI ENTRENT ET SORTENT.Comme l’acteur, qui  est agi parce qu’il porte son corps devant nous » chaque photographie sort des personnes qui « vont à la marionnette. ² Ce « vivier des noms » neutralise le nom propre, le propre de chacun étant son verbe qui désigne une action qui n’a pas moins d’être que les personnes. La liste tisse et détisse l’action, des micro-scènes se succèdent en faisant éclater une matière sonore qui ordonne un chaos : ILS ENTRENT ET SORTENT, ILS ENTRENT ET SORTENT... DANS LA SOLITUDE. Chaque personnage entre et sort dans le nom de chacun: personne n’est personne. il y a un effet théâtral de cette liste qui s’accorde avec le théâtre novarinien : « c’est la sortie de l’homme ». Dans L’Envers de l’esprit, Valère Novarina requiert de l’acteur « une sorte de pérégrination avec perte, une défaite et une offrande de la figure humaine. » La Loterie Pierrot est cette offrande, une pérégrination dans les noms, chaque verbe déclouant le nom. C’est « l’image de l’homme » qui entre et qui sort par et dans la liste. « Il y a aujourd’hui, écrit Valère Novarina dans L’Envers de l’esprit, une sorte d’idolâtrie perpétuelle de la tête humaine et une constante manie du cadrage de plus en plus rapprochée. » Alors que les hommes sont personnes et sons de personne.


Francis Cohen, Cahier critique de poésie, 2009.

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