— Paul Otchakovsky-Laurens

Irréparable

Olivier Cadiot

Une femme parle. Un homme se tait.


« Qu’est-ce qui s’est passé ? Pourquoi il se tait ? D’un coup, terminé, muet ; c’est bizarre. C’est pour toujours ? »


Une femme parle de la rupture, de la casse et de la perte. On ne peut plus parler que de ça.


Peut-on devenir une autre personne ? Quelqu’un qui ne souffre pas. Écouter en nous cette voix qui raconte : « ne souffre pas en même temps que moi. »


Peut-on réparer ?


En une soixantaine de courts paragraphes élégiaques, drôles et désespérés, Olivier Cadiot est à l’écoute de cette histoire sinistre,...

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La presse


Fragile comme l’amour


Irréparable, d’Olivier Cadiot, ou le plaisir toujours renouvelé du montage-démontage littéraire


C’est un ouvrage de peu de pages et de petit format, qui peut tenir dans la poche comme un vade-mecum quotidien contre l’ennui, la perte, le vide : Irréparable, le nouveau livre d’Olivier Cadiot, ne se réclame d’aucun genre précis mais les traverse tous, puisque le texte relève à la fois de la poésie et du théâtre, du récit et presque d’un bréviaire qui rassemblerait, comme un bouquet de paragraphes, des moments divers de sagesse élégiaque.


Comme toujours chez Cadiot, on y retrouve le goût des masques et la joie du jeu : jeu avec la voix et les genres, ici, car c’est une femme qui dit « je », ainsi que nous l’apprend, dès la page 11, la formule « Je n’en suis pas une ». En l’occurrence, cette femme n’est pas une alpiniste, nous dit-elle : mais quelle est alors son identité ? Peut-être son incarnation sur scène, à laquelle le texte (dédié au dramaturge suisse Christoph Marthaler) est promis à l’automne, permettra-t-elle de mieux en cerner le profil.


Le tragique des ruptures


Pour l’heure, nous savons seulement que celle-ci est confrontée à l’« irréparable » intrigant du titre, lequel doit être pris au pied de la lettre : quelque chose est cassé, qui pourrait bien être un couple. L’amour? Sans doute, se dit-on, tant le sujet fait boomerang, si l’on ose dire, chez l’auteur de Retour définitif et durable de l’être aimé (P.O.L, 2002). Une femme parle, donc, et un homme se tait. Elle dit le tragique des ruptures, avec la cocasserie d’une littérature qui cherche ses mots, et n’oublie pas son humour pour suggérer ce qui ne marche plus. Tout cela reste un peu mystérieux et pourtant formidablement concret, quand il s’agit d’exprimer l’ineffable des sentiments, le doute du corps et de l’âme, l’hésitation trouble des mondes intérieurs : sans cesse revient l’image du « garage », dont on ne se sait si elle est seulement métaphorique ou correspond à la réalité d’un décor, au contrechamp d’une maison isolée, entourée d’arbres et d’oiseaux, tout près d’une rivière. Les deux, bien sûr, puisque les esquisses de description sont toujours, chez Cadiot, l’ombre ou le revers des pensées : Le garage, écrit-il, je pense beaucoup trop au garage. Je cherche le calme. Je voudrais faire transférer mon cerveau et qu’il soit littéralement nettoyé dans ses moindres méandres . Et plus loin : On ne peut pas tenir un garage dans ces conditions. Avec l’idée que l’on ne peut rien réparer. C’est même l’extrême inverse de ce que l’on attend de nous.


Inflexions beckettiennes


L’attente, voilà en effet ce qui fonde le texte, traversé d’allusions à Shakespeare et frissonnant d’inflexions discrètement beckettiennes. Qu’attendons-nous ? Une issue, la sortie du noir, un matin où peut être l’idée de l’irréparable aura disparu, même si rien ne sera remonté du mécanisme définitivement fichu... L’écriture suffit à cette transformation-là, comme une notice d’utilisation paradoxale, semble insinuer Cadiot, dont la plupart des livres relèvent de la machinerie féerique ou du traité de mécanique poétique (qu’on songe par
exemple à son premier ouvrage publié, L’Art poétic’, en 1988).


D’une façon singulière et assez géniale, cet art tient en tout cas du bricolage, avec sa dimension expérimentale parfois déroutante et son plaisir toujours renouvelé du montage-démontage. Irréparable n’échappe pas à un tel principe, dans la tentative vaine mais jubilante de réparer l’évidence perdue de ce qui n’avait pas besoin de mots, peut-être, et dont la littérature s’emploie magnifiquement à effacer le regret.


Fabrice Gabriel, Le Monde des Livres, avril 2023



Irréparable


C’est un garage où tout se déglingue et où rien ne se répare jamais, malgré la bonne volonté. Mais voilà : la bonne volonté ne suffit pas, pas même dans d’autres activités qui pourraient se révéler exaltantes et qui sombrent ensemble dans une sorte de trou noir. La lumière disparaît, l’inutile envahit tout en un flot d’images qui s’annulent les unes les autres en créant un espace inédit où gagne le découragement : « Rien ne marche ici. »


Pierre Maury, Le Soir, mars 2023



Soliloque du manque


Entre cocasserie désabusée et élégie éplorée, le nouveau texte d’Olivier Cadiot met en scène une femme qui, face à l’homme sans mot, chante l’amour enfui.


Comme le dit si bien Cordelia : Mon cœur est trop loin de ma bouche. Moi, c’est le contraire : mon cœur est trop près – il est trop parlant. Ça discute dedans sans cesse. je suis envahie par des pensées nulles : minuscules, soucis, rappels à l’ordre, injonctions, factures, etc. Au lieu de traiter des vastes problèmes du monde, je me suis limitée au souci des objets qui m’entourent. La voix parle, ne peut s’empêcher de parler. Des mots, elle n’en a pas assez pour faire diversion, pour faire tampon entre l’intuition de la fin et le constat de sa réalité. Des mots toujours pour ne pas dire le manque, la béance du silence de l’autre qui se tait.


Irréparable d’Olivier Cadiot est la chronique d’une rupture annoncée, voire consommée : une femme face à l’homme mutique chante l’amour enfui. L’élégie est morcellée en une soixantaine de paragraphes brefs. Dans sa tête, parmi « ce micmac entre soi et les autres », il y a un oiseau qui fait des trilles. Le pathos est désamorcé par la logorrhée névrotique de l’énonciatrice. C’est à la fois désespéré et d’une cocasserie désabusée. La pythie assène sa vérité : Quand on perd des gens qui ont été si proches finalement, nous nous manquons à nous-mêmes. C’est ce qu’on dit. C’est suffisamment malin pour indiquer une tactique possible de sortie.


Ce minimum opus va être mis en scène à l’automne. Car l’écriture de Cadiot est théâtrale, dramatique, elle est surtout poïétique, « propre à fabriquer

Sean Rose, Livres Hebdo, mars 2023

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