Fables
Anne-James Chaton
Fables rassemble 145 tickets de caisse du monde entier, reproduits dans le livre, et autant de courts récits écrits à partir des mots consignés sur ces tickets. Pour l’auteur, chaque jour, les caisses enregistreuses des magasins impriment à leur insu des milliers de fables, des histoires d’amour, des récits de science-fiction, des intrigues policières ou des romans d’aventures. La raison de cela : Anne-James Chaton a décelé sur tous ces reçus la présence de la « règle des trois unités » formulée au XVIIe siècle par Boileau dans son Art poétique, Qu’en un lieu, qu’en un jour, un seul fait accompli / Tienne...
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Fables rassemble 145 tickets de caisse du monde entier, reproduits dans le livre, et autant de courts récits écrits à partir des mots consignés sur ces tickets. Pour l’auteur, chaque jour, les caisses enregistreuses des magasins impriment à leur insu des milliers de fables, des histoires d’amour, des récits de science-fiction, des intrigues policières ou des romans d’aventures. La raison de cela : Anne-James Chaton a décelé sur tous ces reçus la présence de la « règle des trois unités » formulée au XVIIe siècle par Boileau dans son Art poétique, Qu’en un lieu, qu’en un jour, un seul fait accompli / Tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli. Ces trois contraintes se retrouvent sur chaque ticket de caisse : Qu’en un lieu : le magasin, le nom de la rue, de la ville, du restaurant, etc. Qu’en un jour : chaque ticket est daté d’un jour précis. Un seul fait accompli : le reçu consigne un acte, l’achat lui-même, et tant d’autres possibles selon les verbes d’action présents sur le document.
Tous ces morceaux de papier thermique sont ainsi autant de promesses de brèves histoires, pour qui saura les lire. Anne-James Chaton prélève librement sur le ticket une liste de mots, ce lexique succinct servant ensuite à la composition du récit. Le livre nous raconte les péripéties d’Emily, de Stéphane, d’Iva... autant de fables universelles de notre monde, toutes issues d’un ticket de caisse.
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La presse
Une réjouissante addition
Le poète Anne-James Chaton a composé de courtes fables à partir de tickets de caisse.
Des tickets de caisse dans un livre? La chose pourrait paraître saugrenue. Et pourtant. Le poète-performer-artiste Anne-James Chaton a eu cette incroyable révélation qu’un ticket de caisse répondait aux exigences des trois unités énoncées par Nicolas Boileau dans L’Art poétique à propos des tragédies classiques : une date, un lieu, une action (en l’occurrence, un acte d’achat). Dès lors, l’auteur n’a eu de cesse de les collectionner, les montrant même à la faveur d’expositions auxquelles il a participé dans le passé. Ici, il en publie un sur chaque page de gauche au regard de laquelle il compose sur celle de droite une petite histoire, comique ou tragique, à partir de quelques mots prélevés sur le ticket en question. Avec une certaine liberté dans son prélèvement : « Je m’autorise des ponctions libres : une racine de mot, un faux ami, un homonyme, une consonance peuvent faire l’affaire », écrit Anne-James Chaton dans sa présentation mode d’emploi.
Résultat : ce sont 145 « fables » brèves qui émanent d’autant de tickets de caisse, de natures diverses mais dont la tonalité générale est plutôt sombre, avec beaucoup d’humour noir. Les plus amusantes sont celles qui s’éloignent au maximum de leur objet initial. Exemple, à partir d’une facture de photocopies faites dans un magasin Office dépôt, celle qui s’intitule « L’arrestation » : « Le policier qui l’avait amenée au poste consulta le fichier et édita une copie qu’il montra à son collègue. Ce n’était pas brillant. L ’officier de service ordonna l’envoi immédiat de la jeune femme au dépôt. Laure allait en voir de toutes les couleurs » (Nous avons indiqué en gras les mots issus du ticket de caisse).
Outre qu’elle incite à jouer à reconnaître les mots prélevés du ticket, chaque histoire relève d’un exercice d’écriture et d’imagination qui fait irrésistiblement songer à ceux auxquels se livraient Raymond Queneau (qu’on pense notamment à ses Exercices de style) et plus généralement les tenants de l’Oulipo. Insolite et ludique, Fables offre une réjouissante suite de fantaisies langagières. Et désormais, on y regardera peut-être à deux fois quand on dira aux commerçants que non, on n’a pas besoin du ticket de caisse...
Christophe Kantcheff, Politis, avril 2025