Le deuxième livre de Franck Mignot est un roman autobiographique : « Par amour, ma mère avait quitté mon père. » Le récit d’un adultère qui conduit au divorce et à un déménagement, raconté par l’enfant du couple qui reste vivre avec sa mère. Son regard a la cruauté de l’innocence. Il décrit les allées-et-venues de l’amant, Christian Ricoeur, la rage impuissante et veule de son père, les illusions de sa mère mais aussi son courage « d’avoir choisi la liberté ». D’autant que l’enfant bénéficie soudain, également, d’une liberté accrue. Frasques,...
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Le deuxième livre de Franck Mignot est un roman autobiographique : « Par amour, ma mère avait quitté mon père. » Le récit d’un adultère qui conduit au divorce et à un déménagement, raconté par l’enfant du couple qui reste vivre avec sa mère. Son regard a la cruauté de l’innocence. Il décrit les allées-et-venues de l’amant, Christian Ricoeur, la rage impuissante et veule de son père, les illusions de sa mère mais aussi son courage « d’avoir choisi la liberté ». D’autant que l’enfant bénéficie soudain, également, d’une liberté accrue. Frasques, rencontres glauques, apprentissage cru de la sexualité. Les Viandards est un roman de l’enfance, de ses transgressions, de ses contradictions. Mais c’est aussi l’histoire d’une femme « condamnée à mettre deux fois de suite le pied dans la même ornière », d’un homme à un autre. Le narrateur raconte leur petit milieu avec injustice, et avec la force de ce que l’enfant ne comprend pas sur l’instant. S’attardant à des détails sordides, sans concéder la moindre ponctuation de bonheur. Les personnages vivent comme s’il n’y avait pas d’avenir, et comme si l’enfant n’aurait pas un jour à comprendre ce qu’il a vécu. L’amour est un feu de paille, le plaisir et la passion se paient au prix fort d’une sécurité minable.
Sous le regard implacable d’un gamin, on découvre un monde de « viandards », d’hommes usés trop vite, chasseurs, buveurs, lâches, écrasés par une existence banale. C’est la vie brute de gens simples, employés, ouvriers, chômeurs, jeunes paumés, qui se raconte dans le quotidien d’une France moyenne, un Jura profond à l’horizon bouché. Les personnages de ce livre en deviennent d’autant plus poignants. L’écriture brutale de l’auteur cache avec pudeur leur douleur ou leur désespoir. Il ne reste plus que la résonance minimaliste de petits séismes sociaux, amoureux, amicaux, et des « virages ratés ». Des mensonges, de la honte, des séparations, de la dépendance. Beaucoup de glissements fortuits, et forgés dans l’infortune d’un destin inlassablement figé. De ces vies blessées, l’écriture de Franck Mignot dit juste ce qu’il faut. Même si le regard simple et nu jeté sur ces vies n’exclut en rien l’empathie. Enfants et adultes, saisis dans cette écriture à l’os, nous livrent en réalité les gouffres de leur humanité.
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Les Viandards, son deuxième roman cru et sans concession
Jurassien installé à Brest, psychologue à Morlaix et à Landerneau, Franck Mignot publie son deuxième roman Les Viandards, aux Éditions P.O.L. Voyage sans concession à travers les chemins tortueux de l’adolescence et de la sexualité.
En 2023, il avait prévenu au cours d’une signature à la librairie Dialogues, à l’occasion de la sortie de son premier ouvrage faussement intitulé Mollesse : « Mon deuxième roman enverra encore plus fort ! ». Les Viandards, chronique autobiographique de son enfance, ne fait pas dans la demi-mesure. Servi dans un style toujours aussi direct et incisif, le récit de cette adolescence passée dans un patelin du Jura nous plonge dans un univers aussi cru que déstabilisant.
Dire tout de l’intime
Le Jurassien installé en Finistère depuis 2008 ne ménage pas son lecteur. « Tout est vrai dans ce récit, jusqu’aux personnages dont les prénoms ont simplement été modifiés », confirme-t-il autour de cet ouvrage qui traite frontalement d’un adultère familial (un autre après Mollesse) qui conduit à un divorce et à un déménagement, de la découverte de la sexualité des adultes jusqu’à l’éveil à la chair des plus jeunes. Psychologue exerçant dans un institut médico-éducatif de Saint-Martin-des-Champs, près de Morlaix, ainsi que dans un centre médico-psycho-pédagogique, à Landerneau, Franck Mignot s’est évidemment posé la question des limites et de ce que l’on peut révéler au plus profond de l’intime. Mais n’est-ce pas le propre du romancier que d’aller tutoyer les frontières et les lignes de crête que le commun des mortels s’interdit pour de trop nombreuses raisons ? Franck Mignot laisse parler ses souvenirs et ses sensations d’enfant puis d’adolescent qu’il déroule avec précision. Images et franc-parler parfois déroutants. On peut lui objecter que son livre n’est sans doute pas à mettre en toutes les mains. II répond qu’« il n’a aucune peur et qu’il n’y a surtout pas de honte à raconter comment les plus jeunes vivent et expriment leur sexualité ». Son métier de psychologue l’amène régulièrement à recueillir une parole libérée.
Viandards à plus d’un titre
Son roman traite du regard des jeunes sur la vie intime de leurs parents, des premières attirances et expérimentations sexuelles, de la découverte des corps, parfois dénuées de sentiment amoureux attendu... Romantiques ou fleurs bleues, passez votre chemin ! Les Viandards livrent une tranche sans concession, dans un univers rural des années 90 où se succèdent des adolescents en quête de sensations et des adultes chasseurs au sens propre et « viandards » à plus d’un titre. Son récit frise habilement les limites et le drame. Sans jamais déborder du quotidien et du banal, aussi crasse soit-il. L’auteur maintient la tension d’un univers traversé de fuIgurances universelles. Le romancier n’a pas l’intention d’arrêter de nous bousculer. Son éditeur P.O.L ne s’y est pas trompé et le suit pour son troisième roman.
Stéphane Jézéquel, Le Télégramme, mars 2025
Cet auteur originaire de Poligny a écrit son deuxième roman : une histoire autour des non-dits familiaux
Après un premier roman en 2021, Franck Mignot a publié Les Viandards début février. À travers cette fiction inspirée de sa vie, cet auteur originaire de Poligny a voulu mettre en avant les conséquences des non-dits au sein d’une famille.
Depuis une quinzaine d’années, ce Jurassien d’origine ne cesse d’écrire. Après Mollesse en 2023, Franck Mignot revient avec un second roman « presque autobiographie », Les Viandards, publié le jeudi 6 février 2025 aux éditions P.O.L. Aujourd’hui, cet homme de 38 ans est psychologue à Brest, en Bretagne, mais n’a jamais oublié sa terre natale, le Jura, où sa famille réside encore.
II suit d’abord les traces de son père
Né à Dole, ce professionnel de la plume a grandi dans le village de Bersaillin, à proximité de Poligny. Malgré sa passion pour les lettres, Franck Mignot a d’abord suivi les traces de son père. « Quand on était jeune, on ne s’ennuyait pas à la maison, on travaillait avec lui. J’étais donc parti pour faire comme lui, plâtrier-peintre, et j’ai fait une formation dans le bâtiment. Je n’osais pas aller en faculté de lettres », raconte-t-il à Voix du Jura.
Après quelques années d’études à Dijon, Lyon et Besançon, l’écrivain s’est ensuite engagé dans la Marine nationale, à Brest. II n’en est jamais parti. Sa passion, quant à elle, a pris le dessus : Franck Mignot est revenu sur le banc de l’école pour des études de psychologie et de lettres.
Un travail de longue haleine
C’est en 2010 qu’il a commencé à écrire ses premiers manuscrits. Les Viandards, qui vient d’être publié, a été terminé en 2014. « Je me suis dit : "Ok, lui, je I’envoie". II n’a pas été pris, alors je l’ai corrigé, j’en ai écrit d’autres, encore et encore », retrace-t-il. Après plusieurs années de travail, Franck Mignot a réussi, en 2021, à attirer l’attention d’un éditeur parisien : « II en a retenu trois : Mollesse, Les Viandards, et un troisième qui n’est pas encore publié. C’est un travail de longue haleine car la première version a été reprise de maintes et maintes fois afin de lui donner une deuxième chance. »
Les non-dits, fil conducteur
Les Viandards explore avant tout les communications secrètes au sein d’une famille, les non-dits qui façonnent, et parfois dévastent les relations. Le récit tourne autour d’une union brisée, marquée par un divorce qui découle d’un adultère. Le narrateur, le fils de cette union, raconte les illusions de sa mère, les visites régulières de son amant, et la colère quasi silencieuse de son père. « II y a un phénomène que je mets en avant : c’est le fait de se comporter avec un enfant comme s’il n’était pas censé comprendre ce qu’il est en train de voir. Et comme on présume qu’il ne comprend pas, lui-même montre qu’il ne comprend pas. Tout le long, ce sont des "non-dits" », explique l’auteur.
Valentine Gaxieu, La Voix du Jura, mars 2025