« Il faut comprendre que tout puait la mort. Tout puait tellement la mort chez mon père que j’ai commencé à écrire sur son cadavre de son vivant. Le soir, pour me soulager de son lent suicide par l’alcool, pour ne pas devenir plus violente que je ne l’étais déjà avec lui et moi-même par une sordide et ordinaire impuissance, je prenais mon stylo et je le tuais. Et puis, il est mort. Pour de vrai. Et je n’ai plus écrit. Le réel avait rattrapé la fiction. » (M. Q.)
À la mort de son père, « parce que notre vie fut une guerre morbide entre deux ennemis amoureux », la narratrice reprend l’écriture mais inverse le...
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« Il faut comprendre que tout puait la mort. Tout puait tellement la mort chez mon père que j’ai commencé à écrire sur son cadavre de son vivant. Le soir, pour me soulager de son lent suicide par l’alcool, pour ne pas devenir plus violente que je ne l’étais déjà avec lui et moi-même par une sordide et ordinaire impuissance, je prenais mon stylo et je le tuais. Et puis, il est mort. Pour de vrai. Et je n’ai plus écrit. Le réel avait rattrapé la fiction. » (M. Q.)
À la mort de son père, « parce que notre vie fut une guerre morbide entre deux ennemis amoureux », la narratrice reprend l’écriture mais inverse le processus : elle fait appel à la fiction pour évoquer et affronter le réel. Elle imagine qu’elle est thanatopractrice et qu’elle décide de s’occuper elle-même de l’embaumement du corps de son père. « Pour prendre soin du corps de ce père mort trop abîmé par la vie, pour prendre soin de mon esprit vivant trop abîmé par sa mort. » Elle va déshabiller, nettoyer, désinfecter le corps, avant d’injecter dans les artères un produit à base de formol, drainer les gaz, les orifices naturels. Pour finir, rhabiller, maquiller, « rendre présentable » la dépouille. Toutes ces étapes rythment le récit de Marion Quantin qui s’adresse directement à son père. Chaque étape, tactile, physique, est l’occasion d’affronter les souvenirs d’une vie marquée à la fois par l’amour, la folie, la violence et la déchéance. « Le soulagement de ne plus devoir supporter cette laideur n’a pourtant pas suffi. Il fallait remettre de la beauté là où tout avait été sali. » Une beauté que la narratrice va chercher jusque dans la morbidité, sans complaisance aucune. La rigueur et la précision clinique du protocole des soins ultimes offrent à ce roman la forme d’un chant funèbre dans lequel faire entendre tout ce qui n’a pu être dit : aveux d’amour, blessures, tendresse comme répulsion, souvenirs heureux, extatiques, et souvenirs traumatiques. Entre conjuration et réparation, Marion Quantin livre un formidable et inquiétant roman d’amour.
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