Colette Deblé écrit pourquoi elle peint. Peint pour ne pas parler. Alors pourquoi écrire ? Écrire pour dire ce besoin de peinture, qui ne peut pas passer par les mots, écrire cette poussée, cette tension intérieure, comme la sève qui monte dans les arbres, petite métaphore qui devient pornographique au fil des mots, une enfilade d’images, une cavalcade qui n’a rien à voir avec la prise de pouvoir morbide et érotique sur l’autre, ne pas dire les choses, les amener pour, afin de faire bander. Là, tout est donné tout de suite, le désir toujours présent et recommencé. De la générosité. Un geyser de foutre. Artésienne non-stop.
« Tous les enfants sont géniaux, ils peignent avec un bonheur spontané, sans retenue, vers sept ans, ils s’arrêtent. Ils ont...
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Colette Deblé écrit pourquoi elle peint. Peint pour ne pas parler. Alors pourquoi écrire ? Écrire pour dire ce besoin de peinture, qui ne peut pas passer par les mots, écrire cette poussée, cette tension intérieure, comme la sève qui monte dans les arbres, petite métaphore qui devient pornographique au fil des mots, une enfilade d’images, une cavalcade qui n’a rien à voir avec la prise de pouvoir morbide et érotique sur l’autre, ne pas dire les choses, les amener pour, afin de faire bander. Là, tout est donné tout de suite, le désir toujours présent et recommencé. De la générosité. Un geyser de foutre. Artésienne non-stop.
« Tous les enfants sont géniaux, ils peignent avec un bonheur spontané, sans retenue, vers sept ans, ils s’arrêtent. Ils ont l’âge de raison, prennent du recul, et voient la distance entre la réalité et leurs dessins. Moi, j’ai continué, je n’ai aucun recul, je suis toujours en état de fusion. » Lumière de l’air, 1993.
Colette Deblé n’a jamais arrêté de peindre, de dessiner tout le temps. Des dessins et des dessins. Elle peignait, dessinait tout le temps, partout dans tous les cours, les classes. Passe le concours d’entrée de l’école des Beaux-Arts de Paris, doit gagner sa vie, travaille comme retoucheuse-photo, monteuse de titres, maquettiste. Deux enfants, Thierry en 1965, et Valentine en 1967. Continue toujours de dessiner. Ne commence à exposer qu’en 1976, soit à 32 ans, et continue.
Les livres sont pour moi des espaces de liberté. En lisant ma main oublie ses interdits, elle suit les mots de mes amis écrivains, poètes, et les suivant, elle invente à mon œil de nouveaux chemins. Gravures, dessins, lavis, peintures, sérigraphies sont ainsi le miroir à plat du texte.
« Dans le langage ordinaire les mots servent à rappeler les choses ; mais quand le langage est vraiment poétique, les choses servent toujours à rappeler les mots » (Joubert).
Mes images montrent des choses qui rappellent des mots. Ma lecture est un cheminement visualisé. Lire déclenche dans ma main le développement d’une partie du stock d’images mémorisées. Ma main travaille aveugle.
« Chaque livre est un objet d’amour fait à trois : l’auteur, l’éditeur, le peintre. Cet objet est ensuite rendu public – de 9 à 100 exemplaires en général. Mais l’important c’est le format, le caractère, le corps, le nombre de pages. Il s’agit à chaque fois de faire le choix le plus adéquat à la mise en volume du texte. », Lumière de l’air, 1993.
Colette Deblé, avec des peintures, des gravures, des lithographies, des dessins est présente dans plus de cent livres de bibliophilie. Depuis avril 1990, Colette Deblé travaille à un essai plastique de représentation des femmes dans l’histoire de l’art, afin de composer le Musée imaginaires des représentations de femmes sur Internet, soit une infinité de dessins.
A-t-on jamais tenté d’explorer par les seuls moyens plastiques l’histoire de l’art ou l’un de ses aspects, comme le font l’historien ou l’essayiste à l’aide de l’écriture ? Mon projet est de tenter, à travers un nombre non fini de dessins, de reprendre les diverses représentations de la femme depuis la préhistoire jusqu’à nos jours afin de réaliser une analyse visuelle des diverses postures, situations, mises en scène. La citation picturale ne saurait être une citation littérale comme est la citation littéraire parce qu’elle passe par la main et la manière du citateur. Mon projet explore ce tremblé doublement allusif de l’œuvre citée et du citateur. Mon projet explore ce « tremblé »; parce qu’il suppose un exercice extrêmement long de la citation vers son usure et sa fatigue. En fait, poursuivant ce travail jour après jour, c’est une sorte de journal intime quotidien à travers l’histoire de l’art que je poursuis. J’ai souvent éprouvé la violence de la durée à la pensée que ma mère avait expulsé ma fille. À travers moi comme l’histoire de l’art pousse sa continuation à travers chaque artiste. Mon projet est de visualiser cette poussée à travers le travail patient et ambigu de la citation parce qu’il gomme et souligne à la fois le geste personnel : tous ces dessins sont un long chemin que je jalonne d’autoportraits devant la fenêtre, non pour signer, mais pour donner des repères à l’effet du travail. (Colette Deblé, avril 1990)
Le but de ce projet est de relever, de ressaisir, bref de faire la somme des diverses représentations picturales de la femme, depuis la préhistoire jusqu’à nos jours, sous la forme de dessins-lavis de 30 x 40 cm. Comme l’écrit Jacques Derrida : « Un lavis non pas pour annoncer qu’on va laver, bien entendu à grande eau, l’histoire des femmes à grande eau en vue de réapproprier, de mettre, mais enfin, le corps à nu, le vrai corps, le corps propre de la femme »;. Agissant comme des « citations picturales »; de figures célèbres ou anonymes (Suzanne au bain, Les Trois Grâces, Vénus, Léda, Marie, Tanit), les lavis de Colette Deblé explorent le rapport fécond entre modèle et imitation, original et reproduction, fidélité et décalage par rapport à la tradition, mais surtout par rapport à la mémoire que nous en avons. Colette Deblé dissout, écarte, évacue de l’œuvre personnages, paysage, couleurs, ombres, repentirs et ne garde que la silhouette dessinée de la femme, qui se roule dans la lumière du papier éclaboussé d’encres. Lumière tachée qui donne l’idée d’un ciel, d’une voix lacté d’un espace sans limites, hors du temps, hors des civilisations, d’un miroir au tain piqué. Dans cet espace ainsi travaillé par le temps apparaît LA femme, et en elles toutes les femmes sans qui nous ne serions pas là. Notre cosmos intime.
Une partie de ces dessins-lavis a déjà été exposée en France et dans de nombreux pays et villes : Nevers, Thessalonique, Saint-Malo, Lille, Berlin, Athènes, Le Havre, Skopje, Tippola, Alger, Tirana, Orléans, Guise, Montargis, Paris, Sarrebrück, Amiens, Bucarest, Sens, Houston, Dresde, Malte, Floriana, Draguignan, Sofia, Trith-Saint-Léger, Saint-Étienne, Bruxelles, Casablanca, Naples, Forbach, Nimègues, Charleville-Mézières, Sidi-Bou-Saïd, Mexico, Sfax, Tunis, Budapest, Kiev, Lisbonne, Porto, Coimbra, Ponta Delgada, Evora, Avero, Casa da Mateus, Herzeliya, Jérusalem, Odessa, Saint-Pétersbourg, Moscou, Lyov, Leads, Odessa, Nantes, Crest, Karkov, Istanbul, Magdebourg, Montolieu, Baume, Les-Dames, Saintes, Issy-les-Moulineaux, Dessau, Naumbourg, Quedlinbourg, Stendal, Albertstadt, Mersebourg, Choisy-le-Roi, Capellades...
Écrits autour des dessins de Colette Deblé :
- Jacques Derrida, Prégnances, Brandes 1993
- Jean-Joseph Goux (Femmes dessinées, Dumerchez-L’heur de Laon, 1994
- Gilbert Lascault, Ombre de femmes, les petits classiques du grand pirate, 1994
- Jacques Henric, Boudu sauvé des dos, Dumerchez, 1995
- Mohamed Bennis, Anti-journal de la métaphore, Jean-Michel Place, 1995
- Bernard Noël;l (d’elle vers elles, Ed. de, 1995)
- Daan Van Speybroeck, Wel en wee van de schilderkunst
- Jacques Derrida, Pregnanties, Désirée Verberk (Beeldende Echíos, Achthonderdachtentachig citaten van Colette Deblé, in Getekende Vrouwen, Gewassen tekeningen, Université Catholique de Nimègues, 1996)
- Fadhila Chabbi (Point et oubli du feu, Dumerchez, 1996) : ce poème, sur les dessins de Colette Deblé, rencontre entre deux femmes, deux cultures, a donné lieu à un film documentaire de 24 minutes, conçu et réalisé par Fatma Skandrani Point et oubli du feu produit par la Télévision tunisienne – ERTT)
- Jean-Pierre Verheggen, Recommandations aux Dames, Rencontres, 1996
- Serge Ritman, Lavis, L’infini(e), Ed. de, 1997
- Carmen Boullosa Principe Rapunzel, Bruja y dos santas Déballe, IFAL, Mexico, 1997
- Nino Judice (Figuras), Fiama Hasse Brandao (Colette Deblé, um sentido, um mundo),
- Marc-Ange Graff (Feminario), Emmanuel Jorge Botelho, (Anotaçaes de moldura para Colette Deblé), Icleia Cattani (Intensités : le principe répétitif comme affirmation de la différence dans les lavis de Colette Deblé, in Feminario Plural, Éditions Fenda, 1997)
- Maurice Benhamou, La Traversée des images, Écarts, 1999
- Joachim Sartorius, Albigutatus, les petits classiques du grand pirate, 1999
- Eugénio de Andrade, 15 regards pour Colette Deblé, Écart, 2001
- Sylvie Fabre G., Le Livre du visage, Éditions Voix d’encre, 2001
- Jean-Luc Chalumeau, Colette Deblé, Le Cercle d’Art, 2002
- Jacques Derrida,Prégnances, Atelier des Brisants, 2004
- Folioscope, Musée de Marseille, 2004
- Louis Dire, quand, bien, même, Ecart, 2005
- Jean-Joseph Goux ,L’Envol des Femmes, des Femmes, 2006)
- Joachim Sartorius, La Première Nuit, die Erste Nacht, Aencrages & co, 2007
- Michel Butor Don Juan en Occitanie, Aencrages & co, 2007)
- Jacques Derrida, Prégnances, Lectora 13, 2007
- Joana Maso, Xavier Bassas Vila,Cuerpos en suspension o la Historia citada : Colette Deblé, Lectora 14, 2008).
- Christophe Commentale, Colette Deblé, du livre d’artiste à la forme murale, Arts et métiers du livre, mai-juin 2008
- Thierry Delcourt, Artiste féminin singulier, L’Âge d’homme, 2009
- Christophe de Winter, Damenwahl : die Macht der Frauen, EXPedition, 2009
- Joachim Sartorius, Les Meilleurs Nuits, Aencrages, 2010
- Jacques Derrida, Elina Morandi, Marta Segarra, Jean-Joseph Gjoux, Joana Maso, Xavier Bassas, Mujeres en suspension o la Historia citada, Museu Moli Paperer de Capellades
Pour plus d’information, vous pouvez contacter le centre Joë Bousquet
53 rue de Verdun 11000 Carcassonne
04.68.72.50.83
centrejoebousquet@wanadoo.fr