Vendredi 13 novembre 2015, mémorial par Frédéric Boyer
Je ne renoncerai pas à aimer ce que j’aime.
Je ne renoncerai pas à effacer mes haines.
Je ne renoncerai pas au plaisir de vivre les uns parmi les autres.
Je ne renoncerai pas à boire un verre en terrasse, à écouter de la musique en concert, à rire et à parler de tout avec tous.
Je ne renoncerai pas à essayer d’aimer mes ennemis. Coûte que coûte.
Je ne renoncerai pas à lire, à aller au théâtre, au cinéma, à danser.
Je ne renoncerai pas à la démocratie, à ses faiblesses, à ses emmerdements, à sa grandeur.
Je ne renoncerai pas à la raison.
Je ne renoncerai pas à la déraison.
Je ne renoncerai pas à défendre la fragilité où qu’elle soit.
Je ne renoncerai pas à boire de l’alcool.
Je ne renoncerai pas à la diversité des cultures.
Je ne renoncerai pas à dire que la pire idolâtrie est de justifier notre propre violence comme manifestation ou volonté divine.
Je ne renoncerai pas à l’entière liberté des artistes.
Je ne renoncerai pas à renoncer à la violence.
Je ne renoncerai pas à voyager partout dans le monde.
Je ne renoncerai pas à défendre tous les blasphémateurs.
Je ne renoncerai pas à l’amour physique.
Je ne renoncerai pas à dénoncer les crimes nombreux de ma civilisation.
Je ne renoncerai pas aux autres.
Je ne renoncerai pas à aimer ce que je ne comprends pas.
Je ne renoncerai pas à lire le Coran.
Je ne renoncerai pas à la consolation.
Je ne renoncerai pas à la séduction.
Je ne renoncerai pas à l’Histoire.
Je ne renoncerai pas à la curiosité.
Je ne renoncerai pas à me baigner nu dans la mer.
Je ne renoncerai pas à aimer mes frères musulmans.
Je ne renoncerai pas à critiquer toute forme de fondamentalisme religieux.
Je ne renoncerai pas à mes émotions.
Je ne renoncerai pas à la fraternité.
Je ne renoncerai pas à une vérité relative.
Je ne renoncerai ni aux baisers ni aux caresses.
Je ne renoncerai pas au devoir d’accueillir chez nous les réfugiés, tous les réfugiés.
Je ne renoncerai pas à dire que si Dieu existe, il s’est fait chair pour être toujours avec les victimes.
Je ne renoncerai pas à la nudité.
Je ne renoncerai pas aux fictions.
Je ne renoncerai pas à dire qu’il n’existe pas de langue sacrée.
Je ne renoncerai pas aux images.
Je ne renoncerai pas à l’Europe.
Je ne renoncerai pas à la transgression.
Je ne renoncerai pas à nos faiblesses coupables.
Je ne renoncerai pas à me demander comment nous en sommes arrivés là.
Je ne renoncerai pas à l’infini des possibilités ouvertes qui constituent l’effectivité de ce monde.
Je ne renoncerai pas à reconnaître m’être trompé souvent.
Je ne renoncerai pas à la tristesse.
Je ne renoncerai pas à la joie.
Je ne renoncerai pas à l’esprit critique.
Je ne renoncerai pas à ma passion du foot.
Je ne renoncerai pas à me dire chrétien.
Je ne renoncerai pas aux vanités.
Je ne renoncerai pas à philosopher.
Je ne renoncerai pas à dénoncer les inégalités monstrueuses de notre monde, l’extrême pauvreté, les injustices.
Je ne renoncerai pas aux explorateurs.
Je ne renoncerai pas à me prendre les pieds dans le tapis.
Je ne renoncerai pas à écrire.
Je ne renoncerai pas au peu que nous sommes.
Je ne renoncerai pas au langage.
Je ne renoncerai pas au doute.
Je ne renoncerai pas au désespoir.
Je ne renoncerai pas à la sauvage douleur d’être un homme.
Frédéric Boyer