Un ami m’envoie ce tag : LEUR ÉPILER LE CRÂNE À LA CIRE FROIDE. La photo a été envoyée le 19 septembre. La phrase est en rose (cire oblige), sur un petit pan de mur blanc du bord duquel dépasse l’une de ces sucettes noires sur lesquelles la ville de Paris historicide ses lieux historiques. LEUR ÉPILER LE CRÂNE À LA CIRE FROIDE / C’EST ÇA ! C’est exactement ce que je me suis dit après les Gilets Jaunes, qui venaient eux-mêmes après les Nuits debout, sans compter les plus récentes manifs contre les retraites à 64 ans (et par capitalisation), sans compter la substitution d’un ministre par son même, ad lib.
Leur épiler le crâne à la cire froide... Voilà une idée à rajouter à la liste de toutes les bonnes idées que j’avais eues, que nous avions eues, depuis dix ans ! Toutes ces fantaisies créatives, ces tourments astucieux, ces micro-supplices terriblement inventifs – et sans exécution, notez bien, parce qu’une exécution, ça se termine trop vite.
Et oui, c’est là que j’en étais rendue... C’est que, je ne sais pas si vous vous souvenez mais nous venions, depuis dix ans, d’à peu près tout essayer, tout leur suggérer, en termes de modifications substantielles ou partielles de la Constitution, changements progressifs et doux de régime, cabines d’essayage dans les quartiers, dans les municipalités, renouvellements de personnel et mutations sympathiques, écarts institutionnels ou alternatives conseillistes (ô, tout ce à quoi nous avons participé, tous ces post-it jaunes, et verts, et roses, et tous ces doigts pointés, bras en X, doigts en C), puis coups de pression et menaces d’ébranlement, alertes chorégraphiées, pancartes décorées, mises à feu largement symboliques... Peine perdue. Finalement, il fallait se rendre à l’évidence, il ne restait plus qu’à... oui... sans doute ne restait-il plus qu’à... Voyons... découper son costume en tout petits morceaux et de le faire manger à tel ministre... accrocher à chacun des lobes de tel.le autre quinze kilos de cailloux... greffer des semelles Louboutin à même la plante des pieds de celle-là, celle-ci... Je vous laisse poursuivre la liste car une autre évidence existe : notre inventivité sur le papier est sans limites ; en commun et en pratique, dans cette balance si féconde entre lutte et débat, paroles et actes, nous tenons – nous pouvons tenir, c’est dans l’ordre du possible – le haut du pavé.
En face, l’excitation est certes à son comble mais l’ensemble est poussif, grevé de décennies de redites, dans la récidive ; oui, on ne peut que se rendre à cette troisième évidence : le niveau, par en haut, baisse. Singeant par habitude ce qui s’y passe, nous nous mîmes à baisser aussi. Cependant, nous fîmes, nous avons fait, de temps à autre, la différence. Poursuivons, si vous le voulez bien !
Nathalie Quintane dans Le Matricule des Anges, n°267, octobre 2025.