— Paul Otchakovsky-Laurens

Syntaxe, ou l’autre dans la langue

suivi de Éloge de la honte et de Voix basse

Renaud Camus

Sont réunis dans ce recueil les textes de trois conférences prononcées par Renaud Camus, l’une à la Sorbonne le 25 novembre 2003, la deuxième à la faculté des lettres de Dijon le 25 juin 2002, la troisième au Centre culturel français de Séoul le 29 avril 2004. Ce sont trois éloges : de la syntaxe, de la honte, du chuchotement. Soit respectivement : l’autre dans la langue, l’autre dans la conscience, l’autre dans la voix.

 

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La presse

Camus, chevalier syntaxique


L’écrivain défend la langue, la honte, le chuchotement, comme un chevalier ses dames contre le temps qui passe.


Sans forme, l’autre n’existe pas. Ou pour l’écrire autrement : quand la forme disparaît, c’est que l’autre a déjà disparu et que nous baignons dans le «pareil, le médiocrement pareil. De livre en livre, et dans la «façon de triptyque» aujourd’hui publiée, Renaud Camus revient toujours sur cette idée. Il en fait un constat social : nous perdons la forme, les formes. Elles se décomposent et meurent sous les assauts du « vaniteux soi-même », du «soi-mêmisme . Aussi bien dans les usages de vie en commun (courtoisie, politesse, attention, distinction, discrétion) que dans ceux de la langue, avant tout dans ceux-ci : la langue – une certaine langue, écrite, précieuse, héritière farouche du classicisme – est au cœur du désir, de la nostalgie, du perpétuel sentiment de perte qui nourrit l’écologie de cet écrivain.

Ce sont des morceaux subtils, fêtant l’insuccès de la langue, éloquents surtout. Camus les a d’ailleurs écrits pour être lus lors de conférences. Paradoxe fertiles de ce rhétoricien : sa phrase si corsetée épouse les rythmes d’un discours mezzo voce. «Je souffre d’un problème avec l’expression orale, écrit-il, presque d’une incapacité à parler. Naturellement, j’ai honte de cette incapacité. […] J’écris par honte de ne pouvoir, de ne savoir, parler. La honte a donc écrit mes livres.» Et la syntaxe, et le chuchotement, et le goût du paraître. En dénonçant le monde qu’il habite, en rêvant le monde qu’il regrette, Camus ne rêve que de lui-même. Mais il le fait bien.


Philippe Lançon, Libération, 21 octobre 2004