Les morts ne savent rien
Marie Depussé
À mi-chemin de la chronique et du récit, de l’évocation et de la réflexion, Les Morts ne savent rien est un livre libre, fluide, totalement insaisissable.
Marie Depussé y évoque simplement une famille pas simple, la sienne. Ses frères et sa sœur fantasques, imprévisibles, son père, et surtout sa mère, figure aimante et contradictoire elle aussi, dont le souvenir de l’agonie et de la mort sont le centre autour duquel s’organise tout le livre dont il a provoqué le désir, ou plutôt la nécessité.
« C’était l’été. Nous avions quitté la table avant le café parce que la plus petite...
Voir tout le résumé du livre ↓
À mi-chemin de la chronique et du récit, de l’évocation et de la réflexion, Les Morts ne savent rien est un livre libre, fluide, totalement insaisissable.
Marie Depussé y évoque simplement une famille pas simple, la sienne. Ses frères et sa sœur fantasques, imprévisibles, son père, et surtout sa mère, figure aimante et contradictoire elle aussi, dont le souvenir de l’agonie et de la mort sont le centre autour duquel s’organise tout le livre dont il a provoqué le désir, ou plutôt la nécessité.
« C’était l’été. Nous avions quitté la table avant le café parce que la plus petite d’entre nous, qui veillait dans le fauteuil près de la cheminée, était venue nous dire que maman respirait de plus en plus lentement. Jean est monté en bougonnant. Moi, j’avais compris, j’ai l’impression d’avoir avalé les escaliers jusqu’au premier.
Après, ça a été l’été. Un été sans pitié. Il fallait respirer les fleurs qu’elle avait plantées. »
Le regard lucide de Marie Depussé convient particulièrement bien à cette démarche intuitive où il s’agit non seulement de capter le cours d’un temps révolu mais d’y retrouver les sentiments mêlés qui l’ont constitué, de les interroger, de les comprendre. Ce n’est, de ligne en ligne et de page en page, que bonheurs d’expression et de pensée, générosité sentimentale, ouverture.
Réduire le résumé du livre ↑
Feuilleter ce livre en ligne
La presse
Marie Depussé n’écrit ni de belles histoires ni de beaux livres, mais ils sont vrais. Elle cherche une voix dans les souvenirs de son frère ou de sa soeur, dans sa propre vie. Mais cette voix de la mer morte ne s’entend plus. Ce récit, «écrit à quatre voix », déclare son auteur, ne peint aucune idole, pas plus qu’il ne s’acharnerait à en détruire. Si la figure de la mère apparaît peu à peu, ce n’est que -mais pouvait-il en être autrement ?- dans les éclats dont en vivent ses enfants, ceux qui blessent comme ceux qui éclairent. C’est la complexité des rapports familiaux, de maternité, filiation et paternité, qui se trouve saisie, non dans le dénouement qu’apporterait une étude à distance, mais dans leur intrication permanente, sans que le sort soit joué d’avance. Marie Depussé n’excelle jamais tant que dans les pages qu’elle consacre à ses rencontres avec sa folie ou à son art de lire la littérature. Déjà son premier récit, Dieu gît dans les détails, avait révélé la singularité et la beauté de ce chemin. On chercherait en vain une raison de ce récit ; nulle apologétique d’une vérité d’existence, si ce n’est la fidélité à ce que la vie découvre de soi, entre blessures, élans, mensonges, et les flirts avec la mort. De ce voisinage, le lecteur pourrait se lasser s’il ne finissait par découvrir, grâce à celle qui la reçoit, que la voix de la mère tisse la trame de rêves qui hissent vers la vie.
Patrick Goujon, Etudes, octobre 2006