— Paul Otchakovsky-Laurens

Rhésus

Prix du 15 minutes plus tard
Mention Spéciale du Prix Wepler Fondation la Poste
Prix Madame Figaro - Le Grand Vefour

Héléna Marienské

Un singe qui entre clandestinement dans une maison de retraite (cela s’est vu, j’en atteste), des vieux qui s’attachent, des forces de police incapables de récupérer la bête, le scandale public, les familles mécontentes, et le parfum de la joie qui monte avec celui du sang. Et le désir, et l’amour, intacts, au bord même de la mort.
Qu’est donc Rhésus ? Chimpanzé ou bonobo ? Animal politique ou homme dénaturé ? Combattant ou baiseur ? Résistant ou passeur ? Dans l’Iliade, il apparaît sous les traits du sauveur promis à Troie, il est ce roi guerrier mort trop tôt pour combattre : une ruse d’Ulysse de plus....

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Traductions

Corée : Arte book | Grèce : Ellinka Grammata (Topos) | Italie : Excelsior | Roumanie : Leda-Corint | Suède : Modernista

La presse

Bienvenue chez les «vioques »


Rhésus a reçu le Prix du 15 minutes Plus Tard, la Mention Spéciale du Prix Wepler Fondation la Poste et le Prix Madame Figaro/Le Grand Véfour


À quoi bon un premier roman qui ne soit pas radicalement différent&nbsp? Tel semble être le credo d’Héléna Marienské, ou de celle qui s’avance masquée sous ce prudent pseudonyme. Cette femme-là a la langue verte et bien pendue. Elle pense que « le roman n’a pas résisté à la vague bien creuse du “nouveau” », qu’il est malade d’une « vérole galopante » dont le symptôme n’est autre que la prolifération des « raconteurs d’eux-mêmes ». Par la voix d’une de ses narratrices, elle fustige les « contemplateurs de leur Moi si original » et stigmatise l’« ignominie » de « l’autofiction pleurnicharde, indigeste et faisandée ».


On l’attendait donc au tournant, Héléna Marienské. Mais, il faut bien l’avouer, son récit ne ressemble à rien de connu. A tel point qu’il pourra paraître grotesque, sans queue ni tête et peut-être même choquant aux yeux de certains. A ceux-là, on conseillera pourtant de persévérer en gardant à l’esprit que tout s’éclaire et se retourne dans les deux derniers chapitres du livre.


L’histoire, en apparence, est celle d’un naufrage : la vieillesse. Le décor : un manoir transformé en maison de retraite. Les personnages : une joyeuse bande de « vioques », comme les appelle l’auteur sans mâcher ses mots.
« Il faudrait les filmer tous ces croulants qui caquettent », écrit Héléna Marienské. « On dirait trois vieux coqs, une dinde qui boîte et une pintade squelettique. Moi, je suis une petite caille passablement déplumée ». La caille, c’est Raphaëlle, accrochée à la vie, drôle, increvable. A ses côtés, on trouve Céleste, une garce, « le genre qui continue à vivre rien que pour le plaisir de vous cracher sa haine ». Ou Hector, drôle d’oiseau que « plus rien du monde et de ses misères ne peut atteindre » mais que le luxe rassure parce qu’il lui fait oublier la mort.


Oui, il faudrait les filmer. Quand on relit le livre, on s’aperçoit qu’on n’a pas fait attention à toutes les clés dont Héléna Marienské a parsemé son roman. Lorsqu’apparaît Rhésus, le héros de la farce, on se dit qu’on s’enfonce dans le « nonsense ». Rhésus est un peu le lapin de Lewis Carroll. Il déboule sans crier gare et vous aspire dans une autre dimension. Sauf que lui est un bonobo. Ou un chimpanzé. Bref, l’un de ces anthropoïdes qui donnent la chair de poule : « animal politique ou homme dénaturé » ? Jusqu’à son arrivée, Héléna Marienské avait joué avec quelques tabous – la sexualité des vieillards, notamment. Mais là, c’en est trop. Le lecteur songe à refermer le livre, quand soudain, tout bascule…


Sens du mystère


« Cautère et jambe de bois » ! Tout cela n’était donc que du « chiqué » ? N’empêche. Sur le mode de la comédie macabre, Héléna Marienské nous force à réfléchir – au sort des vieux, au « ghetto social où les [a] confinés la fin du XXe siècle », aux « gérontosadiques », à l’allongement de la vie et aux conséquences d’une « organisation générationnelle en faillite ». Des sujets assez peu traités, somme toute, et que l’auteur aborde avec autant de verve, de drôlerie lucide et salutaire, que de culture et de sens du mystère. Rhésus est-il un singe, une métaphore loufoque ou la création chimérique d’un écrivain talentueux et déshinibé ? Ou encore… Lorsque le livre se termine, nous sommes en 2017. Tout va pour le mieux dans la plus grande bêtise possible. Et l’on se dit qu’il va falloir beaucoup d’efforts, alors, pour « vivre interminablement avec soi-même ».


Florence Noiville, Le Monde, 24 août 2006



Les papys flingueurs


D’une drôlerie délirante, le premier livre d’Héléna Marienské explose toutes les croyances du roman contemporain.


Chez Héléna Marienské, les vieux ne meurent pas à cause de la canicule, ce serait trop simple. Il en faut des tonnes pour les expédier en enfer : meurtres, rébellions, explosions. Et encore, certains ressuscitent même parfois, le temps de se faire tripoter. Avant ça, ils auront de toute façon baisé dans tous les coins. Et puis ils auront adopté un drôle de singe, Rhésus – avec qui il se passe aussi des choses pas très catho…
On est dans un hospice, une maison de retraite, enfin appelez ça comme vous voudrez, et pourtant, on se croirait plutôt chez les Tontons Flingueurs devenus de sémillants papys flingueurs, flambeurs, gouailleurs, nymphomanes, bisexuels, zoophiles, révolutionnaires… en un mot : libres. Rhésus est le premier roman le plus étonnant de cette rentrée, le plus drôle, le plus maîtrisé, le plus original : une sorte d’Helzapoppin écrit par P.G.&nbspWodehouse et Michel Audiard réunis, intoxiqués jusqu’à la cravate de substances illégalement acidulées. C’est dire que, désormais, il va falloir compter avec Héléna Marienské au compteur d’une littérature française qui ne demande qu’à être un peu bousculée, comme le réel, comme la norme, comme l’ennui pour les protagonistes de Rhésus, qui ont décidé de s’en donner à cœur joie et de dynamiter toutes les règles.


D’abord, il y a Raphaëlle, une vieille aristo ratiocineuse qui hait sa fille par tous les pores de sa ronde anatomie et finit par virer lesbienne tout en draguant force mâles. Il y a Céleste, une écrivaine homosexuelle qui n’a écrit qu’un seul livre, ne s’adresse qu’à une lectrice, est revenue du milieu littéraire – « Lorsqu’on m’a attribué le Renaudot, j’ai gueulé comme de bien entendu : fallait-il que le jury fût aveugle pour m’ainsi limiter ! Il me fallait le prix, ou rien… Évidemment, c’est un scribouillard mort et oublié qui a reçu ce fameux Goncourt, un petit monsieur bien en cour, qui avait gourmettement léché tous les anus qu’on lui avait tendus. Il paraît que je l’ai giflé, mais je n’en ai plus le souvenir ». Elle se consacre désormais aux jeux vidéo et au matage de films porno, et se déplace dans l’hospice avec son « stick des Indes », très guerrière farouche.


Il y a aussi Hector, un vieux beau du Sud qui a gagné une petite fortune au Loto, et se partage Raphaëlle avec Céleste… et puis il y a la directrice, le médecin, les aides-soignants, tous les autres grabataires, et enfin Rhésus. Gorille, chimpanzé, ou bonobo ? Peu importe, il réconcilie, réunit, baise, amuse, et porte même parfois costume.
Dans cette comédie absurdissime qui fait perdre la boussole du réel assez vite, Rhésus est l’allégorie, l’incarnation de ce léger décalage qui réside entre la fiction et le réel, entre le fantasme et la norme, entre la poésie et le trivial, entre l’absurde et le sérieux, ou le vrai, ce qui semble être la même chose par les temps (littéraires) qui courent, une convention, une hypocrisie, un mensonge de plus. Héléna Marienské n’est plus une enfant qui fait mumuse avec ses petites histoires et refuse de plier la littérature, dont elle doit avoir une très haute idée, à la trivialité et à la naïveté d’une croyance en une réalité, de la réduire à la quête d’une vérité univoque.


Rhésus se compose de plusieurs chapitres dont chacun est consacré à la voix et à la version d’un des protagonistes : le premier, c’est « Selon Raphaëlle », le second « Selon Céleste », et le tout dernier c’est « Selon moi », où Marienské nous donne quelques clés sans pour autant nous imposer sa version de son propre livre comme omnisciente par rapport à celle de ses narrateurs.
Rhésus devient une farce de plus en plus délirante, un roman indomptable, incernable : la réalité n’existe que dans le langage de chacun, soit dans la narration que chacun s’en fait, et on n’en perçoit donc à chaque fois qu’une infime partie. Et le roman de Marienské ne peut que s’exploser en autant de versions qu’il y a de personnages.


L’hospice de Rhésus est certes une utopie, celle d’une liberté ébouriffante où ses grabataires vont finir par faire trembler la Ve République à force de remettre toutes les conventions en question : « La grandeur de la France était sabotée. Il fallait « kärcheriser ». A cette image, Rhésus est un bastion d’où se battre contre les diktats, y compris littéraires. Héléna Marienské refuse toute adhésion aveugle au réel et à soi, et semble distribuer au passage, quelques coups de griffes aux conventions littéraires du moment.
Un écrivain, un vrai, ne se voit pas comme une idole, ne s’idolâtre ni ne se donne à idolâtrer. D’autant que, comme nous le montre Marienské, la mort n’est jamais très loin dans la vie d’un humain, donnant à toutes ses prétentions un air de ridicule que peu semblent pourtant éviter. Un écrivain travaille avec la conscience de cela, du dérisoire et de l’absurde, de cet écart entre soi et les choses – même si c’est douloureux. Cette douleur, Marienské en a fait un roman très, très drôle, et autrement plus subversif que bien des jérémiades.


Nelly Kaprièlian, Les Inrockuptibles, 22 août 2006



Meilleurs vieux


Dans Rhésus (P.O.L), roman d’Héléna Marienské, les vieux ont quelques soucis à se faire.


Ça casse ou ça passe : chez Héléna Marienské, ça passe. Et ça casse tout. Elle parque à Vigny, dans un Manoir, sorte de maison de retraite en pleine folie, une colonie de vieux. Ils sont livrés à eux-mêmes, à leur gâtisme, pour certains, à leurs maladies incontournables pour d’autres et, pour tous, à leur libido toujours en activité sous les cendres. Parfois, ça explose avec des braises partout.. C’est un tableau à la Jérome Bosch où les grimaces et les sourires, les bonheurs et les horreurs constituent un fatras d’où tout peut surgir : le rocambolesque, le tragique, l’humour.


Plusieurs pensionnaires, à tour de rôle, donnent leur vision des choses. Sans fanfreluches : c’est du langage sans gants, de la parole brute. Avec l’âge tout est plus osseux ! Ainsi Raphaëlle, aristocrate de 82 ans, s’amourache d’Hector, ancien militant communiste mais surtout nouveau gagnant du Loto : plein de millions pour changer le monde ! Mais elle reste éprise, à en pleurer et à en jouir, d’une vieille romancière, Céleste (rien à voir avec Proust), qui dit avoir eu le Renaudot, ne pouvant obtenir le Goncourt en raison d’ « un petit monsieur bien en cour qui avait gourmettement léché tous les anus qu’on lui avait tendus ».
Céleste pense à sa « lectrice », qui va trouver, sous sa plume, les scènes d’amour avec sa Raphaëlle chérie. « Je ne suis pas loin de partager sa révolte. Faut-il vraiment que l’autobiographie relate tout par le menu ? Qu’on y mette deux vieillards se baisouillant ? où a-t-on vu qu’il est indispensable que ces deux ancêtres se déshabillent sous nos yeux ? Sans compter qu’il est curieux que la gouine l’emporte sur le sympathique Hector. Ne pourrait-on pas zapper cette épreuve ? »


Il n’y a rien à changer dans cette histoire, qui va se transformer en apocalypse farfelue, avec l’entrée en fanfare du singe Rhésus, meneur charismatique que tous les grabataires s’arrachent : « Oh, doux Rhésus ! », murmurent certains.
Finalement, cette mascarade grandiose et iconoclaste ne serait-elle pas qu’une vaste scène de télé-réalité, organisée par un certain Witold, dépassé par son idée géniale d’accoupler, pour le public, « Éros et Thanatos » ? Le résultat est ce roman complètement déjanté mais qui se lit le sourire aux lèvres. Avec cette douce vérité que proclame, un moment, la même Céleste : « Et j’emmerde le lecteur pressé, inculte, dont l’empan intellectuel et linguistique ne dépasse pas trois syllabes et le souci majeur est de faire coïncider le temps du livre et son trajet en TGV ».
Rhésus mérite beaucoup mieux qu’un seul trajet en TGV !


André Rollin, Le Canard Enchaîné, 30 août 2006



Bonobo lubrique cherche EMS en manque


Rhésus met en scène une maison de retraite pleine de vieillards graveleux où s’invite un singe bonobo. Une fable étonnante et gaie signée d’une future grande auteure de la littérature française.


Lorsque Raphaëlle de Chartres, vieille dame très distinguée, s’installe dans une maison de retraite, elle ignore que débute la période la plus palpitante de sa vie. Pensionnaire adepte du Viagra, Hector Torregrossa est bien décidé à séduire toutes les bourgeoises qu’il n’a pu s’offrir dans sa jeunesse. Raphaëlle en est toute retournée, mais surtout son univers va être bouleversé par la romancière Céleste Fontechevade, grâce à qui Raphaëlle découvre son homosexualité.
Bien sûr, le personnel soignant entend ramener l’ordre, mais les vieillards se rebiffent. L’arrivée d’un singe bonobo va souder leur solidarité et la maison de retraite devient un camp retranché. Philippe de La Cour du Pin, brillant premier ministre, délègue sur place un académicien pour désamorcer la crise, mais celui-ci s’allie aux insurgés. Sinusy, ministre de l’Intérieur, leur envoie les CRS. Et c’est la révolution. On vous laisse imaginer ce que venait faire dans cette pagaille un célèbre producteur d’émissions de télé-réalité.


Toute ressemblance…


L’auteure, prof de lettres dans un collège de Haute-Loire, est une parfaite inconnue. Évidemment, on brûle d’entendre celle qui a été capable d’écrire pareil premier roman. Au téléphone, Héléna Marienské rit : « Rhésus est tiré d’une histoire vraie, un fait divers que j’ail u. C’était en Allemagne, un singe s’était échappé d’un cirque et réfugié dans une maison de retraite. Les vieux l’ont accueilli et adopté. Lorsque le directeur du cirque a voulu le reprendre, ils ont refusé. Il a fallu envoyer la police pour récupérer le singe.
J’ai trouvé très forte cette idée que, pour ces gens proches de la mort, la compassion était venue d’un animal. Notre société est complètement obnubilée par la jeunesse, la beauté, la productivité. Lorsqu’on est vieux et ridé, on ne sert plus à grand-chose, on est relégué dans une maison de retraite. Je suis partie de là, mais c’est vrai que j’en ai fait quelque chose qui dépasse ce simple regard sur la société.
 » C’est le moins qu’on puisse dire.


Dingue mais intelligent


Évidemment, l’aspect le plus dérangeant du livre est sa peinture de la sexualité des personnes âgées. Dérangeant car inhabituel dans notre culture. « C’est un tabou, souligne Héléna Marienské. La sexualité est surexposée et des images porno envahissent le quotidien. En même temps, c’est quelque chose d’irreprésentable. On n’en accepte les représentations qu’avec des corps jeunes et beaux. Que des corps vieillis fassent l’amour, c’est une idée qui ne nous est pas supportable. »
Certes, ce livre est dingue, et pas qu’un peu. Mais il est surtout prodigieusement intelligent, et extrêmement littéraire. Parce que le lecteur, emporté par une phrase guillerette, est sans cesse désarçonné. Au fil des chapitres se succèdent les récits de Raphaëlle, Céleste, Ludovic, Witold, et chacun donne des événements une version différente. On ne sait plus qui a rêvé quoi. Ces ruptures dans la réalité relèvent selon Héléna Marienské de sa propre perception des choses : « Lorsqu’on me raconte une histoire, j’essaie de la reconstruire en imaginant comment chacun des protagonistes l’a vécue, comme si j’avais du mal à faire une synthèse. C’est ma façon de vivre. »


Enfin, le style même du roman nous réserve bien des surprises. Le texte est truffé de citations, de références à des monuments de la littérature française, qu’on ne décèle d’ailleurs pas toutes à la première lecture. Bien qu’elles soient parfaitement inattendues : la rencontre entre Céleste et Raphaëlle sort tout droit de La princesse de Clèves, et le producteur de télévision parle comme Proust. L’auteure, grande érudite, remarque qu’on « écrit avec un passé de lecteur », et que « les livres laissent forcément une trace ».

C’est qu’elle en a lus, des livres ! Héléna Marienské confesse sa gourmandise, citant pêle-mêle Chevillard ou Valdes, les Oulipiens, Proust, des classiques du XVIIe. Mais si on lui cherche une filiation, elle parle immédiatement de Perec. « C’est l’écrivain que j’admire la plus. Il a laissé une œuvre parfaitement originale tout en tirant profit de la littérature qui l’avait construit. Et il n’a jamais écrit deux fois le même livre. »
Il est rare qu’un premier roman relève d’une telle prouesse littéraire. Difficile d’ailleurs d’inscrire Rhésus dans la production romanesque actuelle. On pense pourtant à Lydie Salvayre, pour le travail jubilatoire sur la langue et l’imagination débordante, mais aussi à Marie Darrieussecq, pour le choc qu’avait en son temps provoqué Truismes. Ce qui est sûr, c’est que l’on tient là une grande plume.


Sylvie Tanette, L’Hebdo, 31 août 2006



Cela commence en douceur, avec le journal tenu par Raphaëlle, une octogénaire qui s’est juré de rester « vivante jusqu’au bout » pour emmerder sa fille, responsable de son admission contre son gré dans une maison de retraite où l’on crève de froid et de faim. La directrice, le médecin, les aides-soignants, les autres pensionnaires (« ça couine, ça émet des râles, ça se plaint toute la sainte journée »), personne ne trouve grâce aux yeux de Raphaëlle, sauf Hector, ex-communiste qui a gagné une petite fortune au Loto et la séduit par sa faconde de vieux beau, et Céleste, romancière homosexuelle passée de l’écriture au film porno. Ébruitée par les médias, la liaison du trio déclenche un scandale social et politique, d’autant qu’entre en scène Rhésus, un singe à la conduite pas très catholique. Ce premier roman, où des grabataires font trembler des ministres de la Ve République, notamment « celui qui est à l’Intérieur et voudrait juste traverser la rue, direction l’Élysée », témoigne d’une verve littéraire qui passe de la dérision au délire le plus fou, en s’appuyant sur une construction plurielle et nombre de citations camouflées.


Isabelle Martin, Le Temps



Un singe dans un jeu de quilles


Pour un premier roman, Héléna Marienské fait très fort. Elle ose d’emblée l’originalité du style, l’audace du propos et l’omniprésence d’un certain humour vachard qu’elle maîtrise à merveille. Elle s’offre même le luxe de glisser dans sa prose, sans lourdeur aucune, un choix de citations littéraires qu’on peut, ou non, s’amuser à reconnaître. Tout est là pour nous faire passer quelques heures délicieuses. Pourtant, ça commence mal. Une vieille dame, Raphaëlle, entre en maison de retraite. Elle détaille pour nous l’ambiance sénile et les mauvais traitements dont elle se croit l’objet. On compatit. Mais, bientôt, le récit glisse vers un curieux conte pour grands enfants où l’amour entre vieillards malicieux et concupiscents joue le rôle de révélateur. Entre Hector, l’ouvrier qui a gagné au Loto la chance de finir ses jours dans une pension chic, et Céleste, la romancière lesbienne et désabusée, Raphaëlle s’en donne à cœur joie. Et comme elle ne peut pas se résoudre à choisir entre ses deux amants, eh bien, elle les prend tous les deux. Le bonheur est complet. Sauf que tout le monde n’est pas d’accord. La famille, l’institution, le ministre de l’Intérieur (un petit nerveux répondant au nom de Sinusy) et les médias s’en mêlent. Scandale. Dans une joyeuse cacophonie à laquelle se joignent un académicien, des CRS et un singe bonobo prénommé Rhésus, réalité et fantasmes rivalisent de fantaisie et de mauvais esprit. On fornique, on s’empiffre, on s’enivre, on se drogue même. Bref, c’est la fête et le lecteur y est convié.


Héléna Villovitch, Elle

, 11 septembre 2006



Allô, maman, bonobo


C’est un roman qui ne ressemble à rien de connu. Baroque, à la fois triste et gai, sordide et drôle, avec des phases délirantes dignes de l’écrivain sud-africain Tom Sharpe. En général, quand un auteur écrit un livre mettant en scène des vieux (pardon, des personnes âgées), il le fait avec ce respect un peu forcé qu’impose la bienséance. Pas de ça ici. Les « seniors » d’Héléna Marienské sont tout sauf de respectables vieillards : ils bouffent, boivent, copulent, se livrent à l’occasion au triolisme et n’hésitent pas à défier les forces de l’ordre.
Impossible de résumer l’intrigue de cet ébouriffant roman. Que le lecteur sache seulement qu’il s’agit, donc, d’une maison de retraite où cohabite une bande de loustics que le poids des ans n’empêche pas (on l’aura compris aux quelques lignes précédentes) d’être des plus facétieux.


Et voilà qu’arrive dans ledit réduit un nouvel hôte nommé Rhésus. Et tous de s’éprendre du nouveau venu que son insatiable besoin d’amour rend irrésistible. Rien de très surprenant à cette boulimie d’affection : Rhésus est un bonobo, et cette race de grands singes est connue pour son inépuisable sexualité et sa – tout à fait délicieuse – habitude de résoudre les conflits non sur le pré, mais sur une couche.

La morale de ce conte déjanté ? Elle tient peut-être dans cette phrase : « C’est pas difficile de négocier avec un bonobo, il suffit de lui donner beaucoup d’amour. » À méditer, frères humains, dirait Rhésus.
Mais qu’importe au fond la orale de l’histoire : la lecture de ces quelques&nbsp200 pages est aussi et surtout l’occasion pour le lecteur de découvrir toute une série de vieillards plus attachants les uns que les autres, malgré leurs défauts – et, on l’a vu, ils n’en manquent pas. À avoir hâte d’aller en maison de retraite, c’est dire.


A.L, Marianne, 16 septembre 2006



Les révoltés du mouroir


Premier roman. De l’intimisme à l’épopée, la guerre des générations en cinq versions. Un récit virtuose et sensible d’Héléna Marienské.


Quand Raphaëlle quitte son bel appartement parisien pour la maison de retraite où sa fille l’envoie finir ses jours, on croit savoir à quoi s’attendre. Ressentiment de la mère délaissée, dégoût de la compagnie de vieillards infantiles et vains, le journal qu’elle décide de tenir s’alimente de ces révoltes, de ces angoisses, et, à première vue, ne se distingue guère de certaines chroniques de mouroirs trop réels.


En avançant, pourtant, la lecture nous conduit au-delà de la comédie de mœurs, rivalités ridicules et séductions pathétiques. Raphaëlle a décidé de ne pas subir ses dernières années. Puisqu’elle n’est plus rien pour personne, elle n’aura pour guide que son bon plaisir, et à plus de quatre-vingts ans le mot, ou plutôt la chose, n’a rien perdu de son charme. La voilà découvrant l’amour des femmes avec Céleste, une romancière jadis d’avant-garde, « une Duras qui n’aurait pas duré », selon le mot cruel d’un jaloux. Pour faire bon poids, elle rafle sous le nez de ses rivales Hector, dit El Toro, octogénaire biterrois encore très vert et surtout très riche. L’ancien ouvrier, résistant, trésorier de cellule, a tourné le dos à ses camarades à la suite d’une « fâcherie terrible » sur la candidature Lajoinie. Près de vingt ans après, la Française des jeux le met à la tête d’une somme rondelette, de quoi s’offrir, en attendant mieux, la meilleure maison de retraite, le Manoir. Et les bras aristocratiques de Raphaëlle. Adieu à la petite musique mi-apitoyée, mi-révoltée des premières pages : nous sommes déjà dans le vaudeville, glissant vers la farce. Mais Rhésus n’est pas une nouvelle version de la Vieille Dame indigne. Changeant de narrateur à chaque chapitre, l’auteur multiplie angles et versions. Le roman changeant de genre change de dimension. Récit populiste sous la plume de l’infirmier Ludovic, il atteint à la hauteur mythologique sous celle de Céleste, à la fable politique sous celle de l’académicien Dorlhac, pour finir en satire médiatique avec le producteur de télé Witold. Tout bascule en effet à partir du moment où Céleste, qui depuis vingt ans n’a pas écrit une ligne, prend à son compte la narration. Le singe (gorille, chimpanzé, bonobo ou rhésus selon les versions) introduit au Manoir dans des circonstances et pour des fins qu’on ne dévoilera pas, s’assimile au roi thrace Rhésus, héros de l’Iliade qui faillit bien sauver Troie. Et la communauté des vieux, assiégée, luttant pour sa liberté de vivre sans contraintes, de jouir sans entraves, enclave soixante-huitarde dans un monde kärchérisé, devient la cité troyenne assiégée, enjeu des rivalités entre un premier ministre aristo et poète et un ministre de l’Intérieur simplement impatient. Au passage on apprendra avec plaisir qu’Hector, à la suite d’obscures tractations avec ses anciens camarades, prélève sur sa Super Cagnotte de quoi « sauver l’Huma ». Mais cela, je le crains, reste de la fiction. Merci quand même, Hector, merci à l’auteur, et avis aux futurs gagnants… À moins que cette moderne Iliade ne soit que le prétexte d’une nouvelle émission de téléréalité invitant les téléspectateurs à choisir par SMS les vieillards à débrancher, selon un « concept » concocté par le cynique Witold. D’un chapitre à l’autre, Héléna Marienské nous entraîne dans une mécanique vertigineuse, montée avec une maîtrise épatante de l’art de conter et servie par une écriture virtuose, rebondissant d’allusion en allusion, sans pédanterie ni lourdeur. En empathie avec ses personnages, elle reste à distance ironique, laisse le champ libre à un plaisir d’écrire communicatif. On frissonnera d’autant plus quand la critique au vitriol de ce que notre société fait à ses vieux montre le bout de l’oreille, et nous glace sous le rire.

On n’en admirera que mieux ce roman, hommage aux pouvoirs de la littérature sans se déconnecter du réel. Héléna Marienské fait là acte de confiance dans la capacité du lecteur à s’approprier un récit, la véritable intelligence en littérature étant d’en supposer chez les autres. Dans cette attitude souffle un esprit proche du Queneau de Zazie ou de Pierrot mon ami. Références lourdes pour un premier roman ? Peut-être. Ce nouvel auteur a montré qu’il ne se laissera pas facilement écraser. Prenons le pari.


L’Humanité, 25 septembre 2006



L’Odyssée de l’espèce


Avec Héléna Marienské, les vieux, même vieux, sont toujours bien vivants. Contre le sort indigne fait au grand âge, elle compose et invente une épopée hilarante où la fiction prend infiniment de liberté avec le réel.


Philippe Savary, Le Matricule des Anges, octobre 2006



Les premiers romans coïncidant avec la découverte d’une écriture originale sont rares, et plus encore ceux qui se signalent par autant d’humour et de pertinence dans le propos, comme dans Rhésus d’Héléna Marienské.
La fantaisie panique de Rhésus débouche sur une vraie réflexion.


Jean-Louis Kuffer, 24 heures, 16 octobre 2006



Heureusement est arrivée Héléna Marienské et son désopilant Rhésus.
Farce ? Allégorie ? Fable ? Ce premier roman échappe à tout classement car il joue sans cesse sur des registres différents, l’absurde et la satire, le fantasme et le réel.
Son auteur [va] encore faire parler de lui à l’avenir. Cette tête bien faite est aussi bien pleine.


Sebastien Le Fol, Le Figaro Magazine, 4 novembre 2006



Le petit monde de Rhésus est positivement loufoque : impossible de démêler le vrai du faux dans cet imbroglio où chaque narrateur donne sa vision des événements à sa façon, laissant admirer au passage le talent stylistique de l’auteur et sa parfaite maîtrise des personnages.
Héléna Marienské se joue de son lecteur, lui faisant miroiter l’indicible (des vieux prenant de l’ecstasy) pour lui faire avaler l’innommable (les vieux ont une sexualité). On serait même tenté de penser qu’elle le réconcilie avec la vieillesse, tant ses personnages incarnent l’élégance de l’âge qui se joue de l’inévitable en lui opposant une folie altière et décadente.


E.F., Chronic’art, novembre 2006



Numéro 16 dans les 20 meilleurs livres de l’année 2006 et Premier premier roman français :


« Héléna Marienské a signé le premier roman le plus décapant de l’année. »
« [un] festival d’humour noir »
« Héléna Marienské a un sens inné de la satire. Cet exercice de style réjouissant – la romancière parvient à changer de voix et de ton pour chaque protagoniste – est bien plus que la promesse d’un riche avenir ! »


Lire, décembre 2006



Les vieux s’éclatent au manoir


« Héléna Marienské nargue la société contemporaine dans un premier roman débridé et jubilatoire où la littérature tient une place de choix. »
« un conte loufoque et délirant raconté à plusieurs voix»


« Ce livre choque et dérange en traitant d’un sujet tabou, mais l’auteur a le talent pour ce faire.»
« La liberté de sujet, d’expression et de forme qui surgit de Rhésus prouve que ni les vieux ni Héléna Marienské n’ont dit leur dernier mot. »


Valérie Marin La Meslée, Le Point, 16 novembre 2006