Son blanc du un a été écrit en pivotant sur un axe donné par le mot « murmure ». Pourquoi le mot « murmure » ? Pour la beauté du son de ce mot, pour la richesse de ses implications, et parce qu’en se rivant précisément aux possibilités contenues dans son développement éventuel, Dominique Fourcade a senti qu’il se mettait à l’abri du type d’opérations mises en œuvre dans Rose-déclic, le précédent livre. Son blanc du un est un seul poème, dont les différentes parties sont datées du jour où elles ont été terminées...
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Son blanc du un a été écrit en pivotant sur un axe donné par le mot « murmure ». Pourquoi le mot « murmure » ? Pour la beauté du son de ce mot, pour la richesse de ses implications, et parce qu’en se rivant précisément aux possibilités contenues dans son développement éventuel, Dominique Fourcade a senti qu’il se mettait à l’abri du type d’opérations mises en œuvre dans Rose-déclic, le précédent livre. Son blanc du un est un seul poème, dont les différentes parties sont datées du jour où elles ont été terminées d’écrire. Cette datation donne, comme indépendamment du tempo même du poème, le tempo de l’écriture du poème.
Août 1984
De murmures les oliviers en sont le bouquet de murmures argentés un bouquet immobile – puis la brise a porté et c’est devenu banal c’est resté sublime mais c’est devenu banal tous ces départs de filaments de murmures c’était plus fort c’était extrêmement puissant plus intenable immobile
19 août 1985
Un livre qui ne relève pas de l’inspiration du moment un livre sur un moule d’écriture développable à partir d’une combinaison ici un laps liquide qui crée succion du moment la détermination d’un tel livre à être écrit l’impossibilité d’y travailler ce matin on est écrivain on a voulu pénétrer comme si je m’étais caché sous le ventre d’un cheval qui allait pour être partie du livre comme si j’avais glissé la tête était au contact des sabots on a l’habitude de perdre prise
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Nageur porté par l’eau mais s’y mouvant, la dominant, ainsi Fourcade est-il dans le langage. Ce n’est pas un hasard s’il évoque les cétacés qui montent vers les eaux natales, si la Saône est un personnage. Il prend ce qui arrive, les mots qui sont autour, comme on se sert de son stylo, de son papier, il prend les sentiments et les idées qui le travaillent, ce sont des choses incolores, ou plutôt non, elles sont fortes, elles font partie de sa vie mais elles sont sans importance, une matière comme une autre, elles sont l’eau qui porte, la nage est l’écriture, écrire c’est nager, utiliser un élément à son usage, en l’occurrence pour émettre un son, tenu. Quand on l’entend on sait que déjà il est commencé, quand on ne l’entend plus on sait qu’il se poursuit, morceaux arrach"s au sommeil, découpage du continu, comme fortuit, miraculeux, inespéré, de ce qui a lieu au dehors, flux inclassable. Fourcade reproduit un morceau de ce mouvement, un moment de cette avancée, il veut non pas arrêter ce qui bouge, mais le réinventer, accompagné du son. On pense à un dessin de notes de musique, qu’on lit en l’entendant, on voit et on entend en quelque sorte directement.
Pourtant, ainsi que le dirait un ami parlant de peinture, le résultat est tout à fait silencieux: l’écrit ici n’est pas vraiment porteur de sens, il ne recherche pas la signification, il tire à lui comme une énigme dont on attend, espère la résolution, dont la résolution est à la fin, croit-on. Probablement l’est-elle. De cette voix précise on attend la réponse. Probablement vient-elle. Après lecture. Longtemps après. Il faut de la patience. Pour reconnaître un son dont on a pas coutume il faut de la patience.
Quinzaine littéraire, 1er mai 1986