— Paul Otchakovsky-Laurens

Vous qui habitez le temps

Valère Novarina

Cette pièce a été mise en scène par l’auteur d’abord à Avignon, en 1989, puis à Paris et dans quelques villes de province. C’est une pièce sur la « lumière » et la « nuit » que transmet la parole mais aussi un catalogue d’humanité fort large où l’on trouvera par exemple la Femme aux chiffres, le Chercheur de Falbala, plusieurs sortes d’enfants pariétaux et un être sans mesure : Autrui !

 

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La presse

L’acrobate du verbe


Au moment où P.O.L. poursuit l’édition de son oeuvre, le Festival d’Avignon fête Valère Novarina. Trois de ses textes y sont présentés. Lui-même met en scène le dernier, Vous qui habitez le temps.


Valère Novarina est poète. Poète dans sa prose, poète dans sa peinture. Il invente des rimes et des rythmes. Il jongle avec les mots et les couleurs. Il nous éblouit par la richesse de son imaginaire. C’est un acrobate du verbe, un artiste de haute voltige.


Vous qui habitez le temps nous entraîne dans un monde sans fin. Valère Novarina a fait le décor. Il a peint de vieux châssis dénichés dans un théâtre. Il voulait partir d’un donné théâtral, et que de nouvelles couches de peinture se superposent aux anciennes. Parfois, son pinceau a oublié des morceaux de toile, laissant entrevoir un détail de décor fané : « Savoir qu’on est d’un temps, et en même temps d’un autre ». Il a peint plus de toiles qu’il n’en fallait et sans penser au texte qu’il venait d’achever. Il a fait oeuvre de peintre. Ses teintes sont belles, lumineuses, profondes. Ses toiles content des histoires versicolores. Gauvin, le scénographe, les dispose les uns derrière les autres, en spirale. Il crée des espaces vides, puis, peu à peu, creuse une caverne où les figures se dénombrent à l’infini.


Chez Valère Novarina, tout est mouvement. Ses textes sont de la danse en paroles. « Toute pensée qui n’est pas dansée, dit-il, est un faux ». Séduit par cette « prose mesurée », Daniel Larrieu danse quelques instants dans le spectacle. La musique aussi s’y intègre parfaitement. Jacques Rebotier fait revivre la trompette marine, un instrument du XVIIè siècle. La composition de la pièce obéit à la même dynamique cosmique. Les personnages interviennent à des rythmes différents : certains souvent ; d’autres apparaîssent fugitivement : « Les acteurs sont comme les planètes dont les périodes varient. Il y a Saturne et il y a Mars. Je voulais aussi esquisser un mouvement théâtral normal, et brusquement détromper l’attente ».


Valère Novarina aime surprendre. Sa virtuosité stupéfie. Il joue avec la syntaxe, les sonorités ; il en fait une pâte qu’il malaxe, pétrit et façonne avec une formidable énergie. C’est un perfectionniste et son style vertigineux est le fruit d’un long travail. Longtemps, il recherche la scansion, le rythme « justes » d’une phrase. Ce n’est pas une recherche formelle. Il veut exprimer l’émotion, trouver les pulsions vraies du langage oral : « Quand les gens s’insultent ou quand ils s’aiment, ils parlent en alexandrins ».


Jouer du Valère Novarina n’est pas chose aisée. L’acteur doit lire, relire son texte, s’imprégner longuement de cette prose versifiée, difficile, avant de pouvoir « commencer à bouger dans l’espace ». Ce théâtre fabrique son propre acteur : « Chaque auteur a une grammaire qui lui est propre. Avant Claudel, l’acteur canadien n’existait pas ». L’acteur « novarinien » est naïf ; il est « un enfant impénitent » comme Charlot ou Louis de Funès... Mais, c’est aussi un militant : « Mon théâtre est fragile. C’est un château de cartes qui peut facilement s’effondrer. Il a besoin de gens qui l’aiment et ont très envie de le défendre ».


Théâtres théâtre, juillet 1989.

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