Soixante-dix fois Richard Millet s’exerce à l’art du portrait, portraits de jeunes filles, parfois simplement inspirés par le nom : Carine « son vieil or mat », Maud « syllabe close d’un beau mauve », Gisèle « son prénom m’a longtemps caché son visage ». Chaque portrait dévoile, à partir d’un événement fortuit, l’essence de ces jeunes filles et de la beauté.
Rien de plus difficile en littérature que l’art du portrait. Le voici renouvelé à soixante-dix reprises, par un écrivain qui varie ses attaques et soigne ses chutes, qui se montre attentif à un geste, à la couleur d’un regard, à un rire, à la carnation d’un visage, au volume d’une chevelure, à la grâce d’un mouvement ou d’une pose. Une à deux pages lui suffisent à chaque fois pour peindre ces jeunes nymphes qu’il veut perpétuer.
Journal de Genève, 17 avril 1993