Accueils
Journal IV (1982-1988)
Charles Juliet
« À vingt-trois ans, quand j’ai résolu d’abandonner mes études de médecine pour tenter de devenir un écrivain, je pensais que j’allais écrire des romans et des pièces de théâtre. Ainsi, lors des années qui ont suivi, j’ai écrit un roman, une confession, des nouvelles et deux pièces (tous textes non publiés et en partie détruits). Parallèlement j’avais griffonné quelques notes et quelques poèmes. En moi était apparu un besoin qui s’est fait de plus en plus insistant : le besoin de me clarifier, de m’unifier, de me connaître, de rendre consciente la plus grande part de ce que...
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« À vingt-trois ans, quand j’ai résolu d’abandonner mes études de médecine pour tenter de devenir un écrivain, je pensais que j’allais écrire des romans et des pièces de théâtre. Ainsi, lors des années qui ont suivi, j’ai écrit un roman, une confession, des nouvelles et deux pièces (tous textes non publiés et en partie détruits). Parallèlement j’avais griffonné quelques notes et quelques poèmes. En moi était apparu un besoin qui s’est fait de plus en plus insistant : le besoin de me clarifier, de m’unifier, de me connaître, de rendre consciente la plus grande part de ce que j’étais.
Pendant des années, abandonnant ce à quoi je me destinais, j’ai été entièrement requis par cette plongée intérieure et le travail sur moi-même qui lui était associé. Les notes qui voyaient le jour, et qui étaient à la fois instrument et fruit de cette exploration, ont fini par constituer un Journal. Celui-ci se présente donc comme la relation, parfois au jour le jour, de l’aventure intérieure dans laquelle je me trouvais engagé.
Je transcrivais dans ces pages ce que j’observais en moi et ce que me dictait cette voix intérieure qui murmure en chacun de nous. Ma difficulté de vivre, mes tourments, mon angoisse, mes interventions en vue d’affranchir l’œil de ce qui conditionnait sa vision, cette lente pérégrination qui me menait vers je ne savais quoi, le sentiment que j’avais de vivre une agonie, cette nécessité de consentir à n’être rien, à passer par la mort du moi, puis la mutation qui est survenue, cette seconde naissance qui m’a fait autre (ou plus exactement, qui a permis à l’être initial de se dégager du fatras et de s’épanouir), qui a changé ma manière de penser et de voir – c’est tout cela qui s’est déposé dans les feuillets de ce Journal.
Je continue de rédiger des notes, mais avec de longues interruptions. Au fur et à mesure que j’évoluais, la fonction de ce Journal s’est modifiée. Il est moins alimenté par le dedans et accueille plus volontiers ce que lui offre le monde extérieur. Mais j’observe toujours la même règle : je ne tiens ce Journal que lorsque le besoin m’en vient, n’écris que ce qui m’est donné. C’est la vie qui commande et je me soumets à ce qu’elle veut. »
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La presse
Charles Juliet a, comme chez Beckett, la générosité de la solitude. Le titre de son journal en dit long : Accueils. L’homme silencieux accueille les objets, les lumières, les amis, les personnages de rencontre. Surtout, il accueille son lecteur sur ce fond de blues qu’il aime et qui est son chant grégorien.
Il y a enfin, ce que Juliet ne dit pas, et ne dira sans doute jamais parce que cela ne nous regarde pas. À cette réserve, on reconnaît la rectitude spirituelle.
La Croix, 25 septembre 1994
« Tous ces fragments colligés dans le journal, notes de lecture, souvenirs littéraires, rencontres, confidences, ces traces d’une aventure spirituelle et humaine exemplaire que ponctuent des poèmes brefs au lyrisme discret et sobre, sont mis à contribution afin de parfaire l’éducation de l’écrivain. […] on y découvre un homme qui a rehaussé au rang d’un ascétisme la vertu d’humanité. Que ce soit face à un écrivain qu’il admire ou devant un inconnu croisé dans la rue, devant une œuvre qui a nourri son propre parcours d’écrivain ou devant les confidences maladroites d’un inconnu venu de nulle part, on retrouve chez Juliet la même exigence de se mettre tout entier à l’écoute de l’autre. Comme s’il avait compris qu’écrire, c’est, d’abord et avant toute chose, se mettre en souci de l’autre. »
Le Magazine Littéraire, juillet 1994