— Paul Otchakovsky-Laurens

La Partie du soprano solo dans le choeur

Marc Le Bot

Quel visage n’est ancien ? Lequel ne porte les marques de son visage-enfant à contresens de ses rides ? L’enfance n’est pas un âge parmi les âges de la vie. Elle est, en nous, ce qui ne parle pas et persiste à se taire. Mais on parle à partir de ça. Pour n’en être pas séparé, on parle.
Je ne me souviens pas de moi, enfant. Je me souviens, par bribes, de lieux, de choses, de figures parmi lesquels j’ai été présent. Et si j’ai su alors quelque chose de mon corps et de mon visage, c’est d’avoir cru trouver mon double dans la figure d’un autre enfant.
J’ai cru aimer l’enfant qui était ce double. Il était le soliste...

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La presse

Au commencement de La Partie du soprano solo dans le choeur, de Marc Le Bot, est le corps d’un enfant mort, tué par les tirs à l’aveuglette de soldats en déroute. Un corps pâle, une blessure ouverte dans ce coprs. « La peine que j’éprouve et qui n’en finit pas, à évoquer cette scène dont l’image m’obsède, je la soupçonne d’être bien plus ancienne que la mort de l’enfant. C’est qu’elle n’a jamais eu de commencement. Elle est l’envers de l’inquiétude qui a doublé mes exaltations dans l’enfance. » Le narrateur du récit n’a pas vu le corps, l’image est façonnée mais la création primordiale, comme un point de départ : « Longtemps je n’ai pas vieilli tant mes impatiences étaient grandes. Le temps se met en marche lorsque notre pensée, un jour, bute sur l’impensable de la mort. A ce premier temps d’arrêt, le comptage du temps commence. » Marc Le Bot se livre ici à une réflexion, fondamentalement poétique parce que profonde, sur cette expérience fondatrice de la mort, du deuil de l’enfance qui toujours demeure intact, en dépit du travail de concolation de la mémoire. Un livre bref, tendu, incroyablement dense et construit, porté par une écriture exempte de tout artifice, bouleversante de nudité et d’ignorance des jeux communs de la séduction.


La Croix, 15 mai 1994.