Le Cirque Pandor suivi de Fort Gambo
Marie Redonnet
Tenter, après la mise à mort beckettienne, de recommencer le théâtre en écrivant, pour s’en délivrer et en sauver la mémoire, les drames et les énigmes d’une fin qui n’en finit pas d’en finir, tel serait, jusqu’à maintenant, l’enjeu des pièces que Marie Redonnet a écrites en double de ses romans. Par le pouvoir d’une nouvelle écriture dramatique, renaissent les personnages, l’histoire, le mythe, la poésie, s’invente un nouvel imaginaire scénique. Marie Redonnet veut prouver que c’est par le pouvoir imaginaire, dissident et subversif, de l’écriture, que le théâtre peut réinventer de nouvelles...
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Tenter, après la mise à mort beckettienne, de recommencer le théâtre en écrivant, pour s’en délivrer et en sauver la mémoire, les drames et les énigmes d’une fin qui n’en finit pas d’en finir, tel serait, jusqu’à maintenant, l’enjeu des pièces que Marie Redonnet a écrites en double de ses romans. Par le pouvoir d’une nouvelle écriture dramatique, renaissent les personnages, l’histoire, le mythe, la poésie, s’invente un nouvel imaginaire scénique. Marie Redonnet veut prouver que c’est par le pouvoir imaginaire, dissident et subversif, de l’écriture, que le théâtre peut réinventer de nouvelles dramaturgies, en résistance aux images irréelles qui falsifient et détruisent, jusqu’à la perte totale du sens, notre rapport au monde et à la vie.
Marie Redonnet, romancière et auteur dramatique a déjà publié trois pièces de théâtre. Tir & Lir et Mobie-Dick ont été mises en scène par Alain Françon. La première créée à Avignon en 1988, a été jouée au TNP de Villeurbanne ainsi qu’au Théâtre de la Colline, la seconde au Théâtre de la Bastille, en 1989. Seaside a été créée en 1992 au Festival d’Avignon dans une mise en scène de Gilles Gleize.
Le Cirque Pandor et Fort Gambo viennent tout à la fois clore un cycle et amorcer une renaissance.
« – Fort Gambo, un western ? » (Propos recueillis par Ida Blaska.)
– Marie Redonnet : Le western à partir duquel j’ai écrit Fort Gambo est une illusion de western, un jeu avec, qui me permet, de ce trompe-l’œil, d’écrire autre chose qu’un western, malgré les apparences. Ce n’est pas une parodie de western, non pas du tout, mais une forme illusoire à investir différemment pour tenter d’écrire quelque chose de nouveau. Il y a maintenant un tout autre théâtre à inventer en Europe. Écrire pour les enfants me permet de poser cette question, puisqu’ils sont l’avenir, résolument.
– Bernard Sultan : Fort Gambo n’est certainement pas contenu dans l’histoire que raconte Marie Redonnet (en cela c’est un « drôle » de texte); il me fait l’effet d’une baudruche, il parle d’autre chose que ce qu’il veut dire, et là on va être en plein théâtre, obligatoirement, dans l’illusion théâtrale, dans l’illusion cinématographique, dans l’illusion romanesque. Pour les plus grands, ça m’intéresse bien de travailler sur l’illusion. On est en plein dans l’univers qui est le nôtre : celui de l’image et du mensonge.
Le monde dont ne parle pas Marie Redonnet, qui est juste derrière les mots, je voudrais le montrer, en le mettant juste derrière le décor, juste derrière les comédiens, en faisant fonctionner cette magie, que je crois importante car elle dit à quel point nous sommes en déséquilibre, nous par rapport à la réalité des choses. Elle parle de frontière, de ville-frontière, d’école et de théâtre à reconstruire, elle parle de la fragilité des constructions humaines.
Mais attention, nous prévient Marie Redonnet, que cet avenir-là, cette espérance ne deviennent pas une chimère de plus, le dernier trompe-l’œil de Fort Gambo, la dernière victime de ses sables mouvants.
La sincérité de mon travail, je vais essayer de la faire passer par d’autres voies que d’habitude. Confronter ma sincérité à ce texte de mensonges, ça, ça m’intéresse! Pour moi, c’est une comédie. Je suis extrêmement sensible à cette forme théâtrale je dirais à cette forme de vie. Il n’y a rien de plus important.
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La presse
On ne trouve pas, chez Marie Redonnet, de véritable différence entre ses romans et son théâtre. Ces deux pans de son travail, elle semble les mener en parallèle, et les concevoir en double. Trois pièces et près de dix romans plus tard, l’oeuvre de Redonnet atteint désormais une nouvelle densité peut-être insoupçonnable au début. C’est bien à une oeuvre en expansion qu’on a affaire, et dont chaque nouveau livre, quel que soit son genre littéraire, apporterait une nouvelle pièce, un nouveau fragment.
Le cirque Pandor et Fort Gambo sont des pièces de théâtre, soit, mais elles semblent tout entières issues du prolongement de Nevermore, son dernier roman. Fort Gambo, surtout, en apparaît bien comme sa continuation directe, avec son ambiance de vrai-faux western, de corruption généralisée, de flics véreux, et le refuge d’un Mango Saloon à la fois salutaire et de pacotille. On y discerne pourtant une conclusion presque optimiste, les choses, à la fin, s’arrangent, une réconciliation est promise et, en tout cas, possible, malgré tout.
Le cirque Pandor apporte, lui, un contre-pied à Fort Gambo. Au centre, on y trouve un cirque déchu, fini, épuisé, et autour duquel se développe une ville fantomatique et dangereuse. Cette fois encore, règnent la corruption, la trahison, le meurtre et c’est une infinie tristesse qui anime les floués, les déçus du rêve de Pandor, marionnettiste, acrobate, nain, danseuse. A la fin de cette tragique nuit de la Saint-Jean qui constitue l’unité de temps de la pièce, ce sera à l’innocent de service de payer la note, de se faire arrêter pour un meurtre qu’il n’a pas commis mais auquel il a assisté par hasard. Cet innocent entendait écrire le scénario de la grandeur et de la décadence du cirque Pandor, scénario qu’il se promet d’écrire en prison et qui constituera la mémoire du cirque, unique manière de l’innocenter.
Ici encore, résonne l’écho de précédents romans, et tout se passe toujours chez Marie Redonnet comme si chaque livre était issu de ses prédécesseurs. C’est donc, à vrai dire, un théâtre plus écrit que visuel que nous propose l’auteur de Splendid Hotel, les indications scénographiques y sont réduites, comme s’il s’agissait encore une fois de retrouver toutes les puissances d’un imaginaire confisqué par des images au rôle d’écran ou de masque. Et l’écriture de Redonnet est si précise, si travaillée, au point d’en paraître simple, qu’elle touche à la poésie et au mythe.
Th. A., La Cité, mars 1995