— Paul Otchakovsky-Laurens

Le Cirque Pandor suivi de Fort Gambo

Marie Redonnet

Tenter, après la mise à mort beckettienne, de recommencer le théâtre en écrivant, pour s’en délivrer et en sauver la mémoire, les drames et les énigmes d’une fin qui n’en finit pas d’en finir, tel serait, jusqu’à maintenant, l’enjeu des pièces que Marie Redonnet a écrites en double de ses romans. Par le pouvoir d’une nouvelle écriture dramatique, renaissent les personnages, l’histoire, le mythe, la poésie, s’invente un nouvel imaginaire scénique. Marie Redonnet veut prouver que c’est par le pouvoir imaginaire, dissident et subversif, de l’écriture, que le théâtre peut réinventer de nouvelles...

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La presse

On ne trouve pas, chez Marie Redonnet, de véritable différence entre ses romans et son théâtre. Ces deux pans de son travail, elle semble les mener en parallèle, et les concevoir en double. Trois pièces et près de dix romans plus tard, l’oeuvre de Redonnet atteint désormais une nouvelle densité peut-être insoupçonnable au début. C’est bien à une oeuvre en expansion qu’on a affaire, et dont chaque nouveau livre, quel que soit son genre littéraire, apporterait une nouvelle pièce, un nouveau fragment.


Le cirque Pandor et Fort Gambo sont des pièces de théâtre, soit, mais elles semblent tout entières issues du prolongement de Nevermore, son dernier roman. Fort Gambo, surtout, en apparaît bien comme sa continuation directe, avec son ambiance de vrai-faux western, de corruption généralisée, de flics véreux, et le refuge d’un Mango Saloon à la fois salutaire et de pacotille. On y discerne pourtant une conclusion presque optimiste, les choses, à la fin, s’arrangent, une réconciliation est promise et, en tout cas, possible, malgré tout.


Le cirque Pandor apporte, lui, un contre-pied à Fort Gambo. Au centre, on y trouve un cirque déchu, fini, épuisé, et autour duquel se développe une ville fantomatique et dangereuse. Cette fois encore, règnent la corruption, la trahison, le meurtre et c’est une infinie tristesse qui anime les floués, les déçus du rêve de Pandor, marionnettiste, acrobate, nain, danseuse. A la fin de cette tragique nuit de la Saint-Jean qui constitue l’unité de temps de la pièce, ce sera à l’innocent de service de payer la note, de se faire arrêter pour un meurtre qu’il n’a pas commis mais auquel il a assisté par hasard. Cet innocent entendait écrire le scénario de la grandeur et de la décadence du cirque Pandor, scénario qu’il se promet d’écrire en prison et qui constituera la mémoire du cirque, unique manière de l’innocenter.


Ici encore, résonne l’écho de précédents romans, et tout se passe toujours chez Marie Redonnet comme si chaque livre était issu de ses prédécesseurs. C’est donc, à vrai dire, un théâtre plus écrit que visuel que nous propose l’auteur de Splendid Hotel, les indications scénographiques y sont réduites, comme s’il s’agissait encore une fois de retrouver toutes les puissances d’un imaginaire confisqué par des images au rôle d’écran ou de masque. Et l’écriture de Redonnet est si précise, si travaillée, au point d’en paraître simple, qu’elle touche à la poésie et au mythe.


Th. A., La Cité, mars 1995