— Paul Otchakovsky-Laurens

Fuzzy Sets

Claude Ollier

Ce récit est d’anticipation, ou de rétrospective, selon le point de vue qu’adoptera le lecteur.
L’aventure se déroule dans un vaisseau satellite sophistiqué, l’Octopus, dont les servants portent des noms fameux : Nemo, Sindbad, Noé, Gagarine. Un passager de la dernière heure s’y infiltre en satisfaisant malignement au test de la voix. Il s’est toujours imaginé en avance sur son temps, poursuivant une quête de connaissance qui l’a mené très loin. Mais voici que, peu à peu, au gré des révolutions que l’habitacle opère autour de la Terre, ses illusions s’effritent, se dissipent : c’est lui qui est en retard sur...

Voir tout le résumé du livre ↓

Consulter les premières pages de l'ouvrage Fuzzy Sets

Feuilleter ce livre en ligne

 

La presse

La suite fictionnelle de Claude Ollier, le Jeu d’enfant, commencée en 1958 avec la Mise en scène s’achève sur Fuzzy sets, huitième ouvrage de l’ensemble. L’ouvrage avait paru en 1975, directement dans la collection « 10/18 » à une époque révolue où les éditeurs pouvaient et savaient prendre des risques dans leurs catalogues. Dans le livre précédent, Our ou vingt ans après (réédité par POL en 1996), l’intrigue, qui superposait deux époques, celle de Sumer et celle de l’Irak moderne, constituait une méditation sur la communication : les canaux d’irrigation des temps anciens, ceux de circulation du pétrole aujourd’hui, et, au-delà, l’écriture, étaient au centre du récit. A la fin d’Our, O, le personnage central s’était fait dérober de précieuses tablettes écrites par Tiamât la traîtresse. Dans Fuzzy sets, il poursuit celle-ci, s’embarque clandestinement sur une navette qui doit mener à bord d’un vaisseau spatial, l’Octopus, où il croit prendre de vitesse son adversaire. Mais l’accueil de l’équipage du vaisseau, où les techniciens s’appellent Memo, Sindbad, Noé et Gagarine, déstabilise O. Au fil des révolutions que le vaisseau opère autour de la Terre, O se rend compte de son caractère obsolète. Il est alors ramené sur Terre, où il devient l’objet d’une curiosité mêlée d’effroi. Cette fin de l’ouvrage est une reprise de la fin de Je suis une légende. Mais, à la différence du roman de Matheson, ce n’est pas l’homme face aux vampires qui est en jeu, mais l’écrivain face au reste du monde. Ce récit consacre la disparition de l’écrivain et partant du texte romanesque. Le texte est soumis à une série de figures qui envahissent la page de manière à concrétiser son aspect aléatoire ; le titre renvoie d’ailleurs à une théorie mathématique des ensembles flous. Claude Ollier, pour cette réédition, a modifié certaines de ces figures, faisant disparaître les dispositions typographiques qui n’étaient plus, selon lui, justifiées. La lecture de Fuzzy sets nécessite la lenteur ; ici le lecteur ne doit être impressionné par la complexité du dispositif formel, pour se laisser guider par le drame de ce récit. Ecrite en 1975, cette disparition de l’écrivain O, conduit à l’asile ou au musée, est malheureusement annonciatrice du poids de la Sensure - pour emprunter le mot de Bernard Noël - que l’économie allait faire peser sur toute véritable création, au nom de la communication de masse.


Bulletin critique du livre français, juillet-août 1998

Et aussi

Claude Ollier est mort.

voir plus →