— Paul Otchakovsky-Laurens

A voix basse

Charles Juliet

En neuf chapitres, en neuf étapes, ce livre retrace l’itinéraire difficile, contrarié, de celui qui veut parler avec les seuls mots de l’intériorité, de celui qui veut atteindre sa propre vérité. Le dépouillement, la fermeté de l’écriture, la neutralité d’une voix qui ne se donne pas de repos mènent progressivement à ce murmure où se reconnaît le bruissement de la source.

Ces poèmes s’adressent à « ceux qui n’ont plus la force d’avancer », ils leur suggèrent qu’il existe une possibilité de trouver la lumière au cœur des ténèbres, que la voie existe qui...

Voir tout le résumé du livre ↓

Consulter les premières pages de l'ouvrage A voix basse

Feuilleter ce livre en ligne

 

Traductions

Corse : Editions du Scudo

La presse

Une écriture serrée, à la limite du plus confidentiel murmure, un espace poétique où la présence de l’autre est définie par touches nettes : « ainsi en nous/ce labyrinthe/où nous errons/à la recherche/ de qui nous sommes ». Le plus émouvant, le plus paradoxal, c’est que l’expression du délitement des mots est d’une clarté inouïe ; le désespoir (ou plutôt l’espoir en creux de la poésie de C. Juliet) s’oriente presque à son insu vers une lumière que le cheminement intérieur pensait impossible. Toujours cette obsession du « quoique j’écrive/c’est l’échec », le jeu du nul, du rien de rien, et la ténacité, la volonté de creuser la ténèbre secrète, concrète, qui règne au plus profond. La poésie se bat, expression d’un combat, lutte avec un moi terriblement obscur ; et pourtant, par intuition, « le dehors est là/qui va t’émerveiller ». Au-delà de la fatigue, de l’impossibilité d’oublier « que tout ne surgit/que pour sombrer aussitôt », l’évidence des visages comme réponse, l’écriture pour se « construire un visage », une identité ; corps-à-corps avec les mots, « tâche immense », démesurée. La solitude est don pour revenir boire à la source première, la si fragile, la si lointaine. La soif où je vois la permanence du désir impose règles et lois. Le poète retrouve la force du consentement, un oui de douleur et de joie, oui aux limites. Demeure une lumière extraite d’une douloureuse attente. C. Juliet, grand méditatif, sertisseur d’une ténèbre qui le fonde et le plante dans la pudeur d’une aube charnelle, nous donne une leçon d’intime lumière. Le noir est absence, mais cette absence-là permet au jour de n’être pas du rien...


Claude-Henry du Bord, Etudes, avril 1998



Transcrite dans des romans, des poèmes acérés et dans l’un des plus beaux journaux d’écrivains du temps, la menée littéraire de Charles Juliet est d’emblée placée sous le signe de l’échec. « Bribe, affût, lambeau », très souvent bref, et d’une lucidité sans faille dans son lyrisme discret, prêt à « sonder sans ciller/ce qui effraie », le poème consigne tout d’abord l’échec, se fait recension douloureuse du mal-être. Il constate l’étendue des dégâts : « Quoi que j’écrive/c’est l’échec ». L’être est à lui-même son énigme, son dédale, « ainsi en nous/ce labyrinthe/ où nous errons/à la recherche de qui nous sommes ». Mais s’il dit l’échec, lui prête voix, le poème est aussi, sinon le signe d’une improbable victoire, du moins celui d’une moindre défaite. Sorti de sa grotte, de sa forêt intérieure, l’homme y accède au « rouge scintillement de la fête », à un possible bonheur qui est découverte des visages et du monde, où la lumière, image sensible de la liberté, a toujours un rôle à jouer. Comme s’il n’y avait de réalité que découpée sur une zone d’ombre, et « même si, longtemps / il n’y eut pas/d’issue », le réel n’est pas donné, il est reconquis péniblement, le malheur jamais loin sur les territoires du noir : « ton désarroi face à l’immensité//puis ces longues journées de lumière. Lueur après labour », c’est au prix de ce transit par le pire que la lumière advient, comme s’il lui fallait passer par le plus obscur mystique de la nuit pour enfin briller : « creuser/descendre/traverser/la ténèbre//pour tirer/vers le jour/cet inconnu/d’où me viendront/joie et lumière ». C’est alors qu’un homme né à son regard pourra accueillir le monde, vivre à « l’unisson/de tout ce qui fait mouvoir/la roue inlassable des saisons ». Sous l’impact profond, « la frappe de cette lumière/le pouls s’accélère la soif s’aiguise/et tant de désirs étouffés/montent du profond de mon sang ». Dans ce travail inépuisable, indéfini de réappropriation, l’oeil, garde-fou et octroi est amené à jouer un rôle central [...] Dite d’une voix grave qui épouse le magma intérieur et le tragique d’une condition, la poésie est le regard le plus perçant, elle aiguise l’être [...]


Pierre Grouix, Scherzo, janvier 1998

Et aussi

Charles Juliet Grand Prix de Littérature de l'Académie Française 2017

voir plus →

Charles Juliet est mort

voir plus →