— Paul Otchakovsky-Laurens

Pont des Arts

Traduit du roumain par Alain Paruit

Dumitru Tsepeneag

Il s’en passe de drôles sur le Pont des Arts : un chat de moins en moins bavard, un auteur sans nom ni pays, le tsar Alexandre et les stars de l’Académie d’en face y surveillent, de près et de loin, les rats qui se prélassent, un truand infirme et sa belle hétaïre qui monnayent le dernier tableau de maître volé au Louvre, les pickpockets qui délestent les touristes japonais en train de manifester contre Chirac.
Pendant ce temps, Marianne la femme adultère, obsédée par sa faute et harcelée par les interrogatoires d’un juge d’instruction, rapetisse peu à peu, tandis qu’elle s’adonne à cette activité essentiellement féminine...

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Traductions

USA : Dalkey Archive Press

La presse

Il y a un filon de gaieté désespérée dans ce puzzle de récits où les présences animalières (colombes, coqs, chats, chiens, oiseaux prédateurs aussi) viennent renforcer le caractère glauque d’une Europe entre rêve et cauchemar, toujours en quête d’une improbable unité.


Le Monde, 28 août 1998


Pont des arts, deuxième volet d’un triptyque ambitieux débuté avec Hôtel Europa, impose une entreprise littéraire d’une rare originalité. Un pavé de fantaisie, de liberté et d’intelligence jubilatoire dans la plutôt fade mare commerciale de la rentrée littéraire.


REG’ART, octobre 1998



Dumitru Tsepeneag vient de Roumanie. Où il fut une figure de la Résistance. Au temps de Ceaucescu. Il vit désormais à Paris. C’est-à-dire en exil. Où il écrit des romans entre ici et là-bas. L’histoire et lui.


Des romans qui prennent à bras le corps le temps présent qui est le sien, celui de l’après-chute du mur et des régimes communistes, celui de la désillusion des jeunes Roumains, Hongrois, Tchèques... qui, attirés par le fric, la vie facile, l’occident insouciant, se sont précipités en France, en Allemagne, et se sont cassés le nez sur de petits égoïsmes, des rumeurs malveillantes, des pics de xénophobie, jusqu’à en éprouver de la nostalgie pour ce pays qu’ils avaient quitté en pleine crise, en plein désarroi. Jusqu’à se dire qu’ils feraient peut-être mieux de faire demi-tour.


Des romans aussi, qui se laissent soudainement chambouler par de grosses bouffées d’irrationnel. Des rêves. Des questions très personnelles, voire anecdotiques, de couple, de petit déjeuner, de vieillesse et de chat. Tant il est vrai qu’on ne perçoit bien l’actualité qu’immergé dans une vie quotidienne, ordinaire et mille tracas. Des romans, enfin, sans cesse tourmentés par des histoires d’écrivain - ou d’écrivaillon selon l’humeur, les points de vue...-, d’un type qui essaie de capter tout ça, de le mettre noir sur blanc, par écrit. Et se demande ce que peut bien représenter la littérature à la fin XXe siècle. Sa définition, son utilité. Son utilité ?


Hôtel Europa était le premier volume d’une trilogie dont Pont des Arts est le deuxième. On y retrouve les mêmes personnages, les mêmes décors, le même principe. Et beaucoup de livres. Hôtel Europa, juste au moment où il vient de paraître. Le sacrifice de Marie, du Dr Gachet, encore à l’état de manuscrit. Le premier trouve en Marianne, la compagne de l’auteur, une lectrice d’autant plus critique, qu’elle en est un des personnages. Peu satisfaite du traitement qui lui est réservé. Bien qu’on lui explique qu’il y a un monde entre la réalité et la fiction, la vie et l’écrit. Qu’elle n’est pas le modèle de celle qui porte son nom. Mais ne veut pas s’en laisser conter... Le second trouve, avec la même Marianne, une lectrice attentive. Cette histoire vécue par un médecin - qui fut de MSF, dans le premier volume - en pleine guerre de Yougoslavie, avec enlèvement et fredaines de barrières, lui plaît. Au point d’en oublier l’écriture guimauve, le convenu des idées.


Ce qui ne rassure pas l’auteur. Qui, lui, est en plein travail. Ecrit son nouveau roman. Et, faute d’encouragements, s’évade, parle avec les morts ou son double préféré, joue aux échecs, reprend le fil de ses personnages, recherche ceux qui ont disparu entre Munich, Bucarest et Paris, accueille ceux qui réapparaissent. Reprend le fil de ses conversations entre exilés, sur la nécessité qu’il y avait ou non de partir, qu’il y aurait de revenir, d’agir. Commente les actualités. Et se désespère.


« Entre deux rêves, des insomnies traversées de pensées encore plus noires, concernant mon âge, ma situation d’écrivain sans lecteurs, presque ignoré, oublié sur un pont entre deux pays, entre deux langues, écartelé... Ni dans mon pays, ni émigré... Ni écrivain onirique, ni écrivain réaliste... Sur un pont... ». Le pont des arts.


Daniel Martin, Le Magazine Littéraire, décembre 1998