Qu’est-ce qu’on garde ?
Marie Depussé
« Qu’est ce qu’on garde » est une question ridicule, un peu triste, comme celles que nous pose la vie. Elle se pose à quelqu’un dont le métier, bizarre, est d’enseigner la littérature.
Enseigner la littérature est un exercice de magie ordinaire qui consiste à faire tourner, devant des corps parlants, le cercle où se tiennent, enchevêtrés, un savoir faire avec les mots, une familiarité avec la vie et le travail opéré sur cette vie, aussi pauvre que beaucoup d’autres, par les livres. Théoriquement, pour faire tourner le cercle, le corps est assis sur une chaise et porte, attachés à sa ceinture, deux petits sacs, un de chaque coté,...
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« Qu’est ce qu’on garde » est une question ridicule, un peu triste, comme celles que nous pose la vie. Elle se pose à quelqu’un dont le métier, bizarre, est d’enseigner la littérature.
Enseigner la littérature est un exercice de magie ordinaire qui consiste à faire tourner, devant des corps parlants, le cercle où se tiennent, enchevêtrés, un savoir faire avec les mots, une familiarité avec la vie et le travail opéré sur cette vie, aussi pauvre que beaucoup d’autres, par les livres. Théoriquement, pour faire tourner le cercle, le corps est assis sur une chaise et porte, attachés à sa ceinture, deux petits sacs, un de chaque coté, pareils à ceux où le dieu Eole tenait enfermés les vents. Dans un des petits sacs, la vie, dans l’autre, les livres, et le corps qui puise tantôt dans l’un, tantôt dans l’autre. En vérité dans les deux sacs il trouve la même chose, de la vie œuvrée, ouvragée par les livres.
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La presse
Marie Depussé a réussi un tour de force : écrire le roman de la théorie littéraire, celui des illusions perdues – l’espoir de faire réfléchir sur des notions comme la fiction, celle qui, disait Lacan, construit chacune de nos vies – et ainsi l’esplanade lugubre, les tours et les barbelés ont l’épaisseur d’un véritable espace romanesque. Mais elle a su aussi intégrer au récit d’une aventure humaine les richesses que représentaient toutes ces interrogations sur le langage, bref, insérer dans la narration une théorie du roman.
La Croix, 26 octobre 2000
Marie Depussé parle de la présence, du corps des étudiants. Et cela est vivant, juste, émouvant, presque déchirant dans les dernières pages de son récit. Elle parle de littérature, de la manière de comprendre et d’expliquer les textes ; de cette manière et de ces manières qu’il faut apprendre aux étudiants. Et c’est une seconde émotion que communique l’auteur : le truchement de la littérature existe toujours ; par lui, une « communauté » se constitue, où les paroles s’apprennent et s’échangent. « Mieux vaut l’espoir charlatan qu’aucun », disait Beckett, que cite l’auteur. À partir de cette note, elle fait entendre, presque en sourdine une bien belle chanson.
Le Monde, 24 novembre 2000