— Paul Otchakovsky-Laurens

Chez qui habitons-nous ?

Mathieu Lindon

On est encore jeunes, on rêve d’être des nomades, des aventuriers. On marche dans la rue, on regarde la télévision, on ne peut qu’être bouleversés par le sort des SDF, tous ces sans-domicile fixe.

– Drôles de nomades, dit pourtant Hugues, mon frère pour qui la place du fer est toujours dans la plaie. Ils manquent de domicile plus que de fixité, peuvent dormir chaque nuit sur le même banc si ça leur chante.

Une cruauté mine notre confort, même notre vie sentimentale, Carole et Jean-Paul, Dimitri et moi.

On discute, on a nos idées, et Hugues trouve immanquablement à y redire, et parfois on est à deux doigts de se laisser...

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La presse

Ce qui à chaque fois se joue, c’est la difficulté à tenir l’écart entre la réalité des êtres et le discours dont on les recouvre, comme d’une couverture factice, impropre à réchauffer le moins frileux des SDF. « Il n’y a pas de refuges », dit encore Hugues, qui rappelle le héros satanique des Apeurés. Le roman s’offre alors comme le lieu, métaphorique et paradoxal, qui peut maintenir ensemble ceux que séparent les mots : excédant de loin la seule interrogation sociale, le livre s’emploie à déjouer, avec une ironie parfois méchante, les leurres de toute communauté – sexuelle, familiale, ethnique ou culturelle… Il y a quelque chose d’étymologiquement diabolique dans cette entreprise de désunion par le langage, mais aussi une sorte de jubilation inquiète et vaguement masochiste, qui fait en définitive tout le prix de la fiction : renvoyé à la solitude du nomadisme amoureux, le narrateur finit par rentrer « chez lui », sans être plus sûr du sens d’une telle expression. Ce doute est la raison du roman, cette maison fragile et belle où l’on ne s’abrite guère contre soi.


Les Inrockuptibles,18-24 janvier 2000