Le Retour passeur est le deuxième volet de Trilogie du temps.
L’idée d’un triptyque présentant au moins trois images est à l’origine de ce travail qui en reprend la construction sous la forme de trois romans en vers.
Le titre générique Trilogie du temps laisse présager que trois livres Objet bougé, Le Retour passeur, Les Axes de la terre conçoivent une interprétation du système solaire où les planètes se meuvent sur des orbites elliptiques. Ces livres relatent les perturbations des trajectoires planétaires et les mouvements de révolution des corps célestes soumis à un magnétisme – la...
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Le Retour passeur est le deuxième volet de Trilogie du temps.
L’idée d’un triptyque présentant au moins trois images est à l’origine de ce travail qui en reprend la construction sous la forme de trois romans en vers.
Le titre générique Trilogie du temps laisse présager que trois livres Objet bougé, Le Retour passeur, Les Axes de la terre conçoivent une interprétation du système solaire où les planètes se meuvent sur des orbites elliptiques. Ces livres relatent les perturbations des trajectoires planétaires et les mouvements de révolution des corps célestes soumis à un magnétisme – la gravitation universelle – et non plus à d’autres forces que la main de Dieu.
La mémoire de ces lois apprises sur les bancs de l’école et toujours vérifiables dans le boîtier ouvert d’une montre, révèle à nouveau une vision héliocentrique de l’univers ainsi que toutes les dérives possibles en combinaisons, en calculs d’angles, en gravitations des astres, en positions vues depuis la terre.
Les personnages évoluent, ondoient comme des comètes, ont leurs déplacements dans la vie et dans le sommeil. Il y a aussi le métabolisme de chacun, les forces d’attraction, les centres de gravité, les rotations autour de l’origine, de l’identité, de la langue, même si les surfaces reflètent, mais ne sont pas perceptibles à l’œil nu.
Il faut rappeler qu’un triptyque, en principe, offre trois images : celle du panneau central pouvant parfois être cachée par les deux volets fermés qui laissent à leur tour entrevoir une quatrième image, le plus souvent l’auteur en son ordinaire ou le bienfaiteur. La Trilogie du temps se referme donc sur un autre roman et ses personnages : L’Autoportrait aux dormeuses.
Le bienfaiteur, présenté ici en lecteur généreux et attentif, ouvre délicatement le volet de gauche et livre les douze chapitres qui séparent, non pas en lumière noire mais en étendue, le soleil et le soleil.
Ce travail est aussi une méditation sur l’éternel retour, qui n’est pas l’éternel féminin, comme traumatisme inapparent.
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Jean Daive, qui fut un des amis de Celan, parvient à nous rendre sensible un massacre, un pli (puisque Deleuze est cité) resté prisonnier de la mémoire. L’écriture a ce calme des instants d’apesanteur. Le blanc possède cette tension qui fait qu’on a l’impression qu’une voix parle à notre oreille. Tout semble facile, évident, alors que peu de choses d’une telle complexité ont été écrites. Les touches fonctionnent en réseau. Elles sont là au premier plan, puis se perdent, puis réapparaissent à une autre profondeur, selon une nécessité hallucinée.
La Quinzaine littéraire, 16 mars 2001
Depuis toujours, Jean Daive aime les oeuvres articulées en volumes qui se recoupent et s’échangent du sens. Narration d’équilibre (1982-1990), La condition d’infini (1995-1997), étaient ainsi des travaux qui se déployaient à chaque fois sur 4 volumes. Quoique Le retour passeur fasse partie d’un triptyque dont il reste aujourd’hui à publier le troisième volet, on ne peut manquer de saluer ce livre comme un moment de grâces. Le retour passeur réalise le but de tout une part de la poésie contemporaine : inventer une façon de dire l’événement, mettre au jour un texte sensible qui échappe totalement à la communication et au poétique. Il y a dans ce poème quelque chose qui a trouvé sa distance et qui nous fait signe, avec une logique aussi parfaite qu’indécodable. Du premier vers « La colline est un banquet de cendre » au dernier tercet « C’est l’infini du poisson rouge / et des enfants / qui ne sont pas encore nés. » On reste dans le domaine d’une dimension autre parce que la simplicité est constamment flottante. Il y a là, de locution en locution, un décalage qui n’utilise aucune des astuces du cryptage, aucune des facilités de l’irréel. C’est notre langue et ce n’est pas elle qui fait monter à la surface un événement enfoui. Conscient des limites de toute comparaison, on dira qu’on pense à ces images à infrarouge qui révèlent des vestiges architecturaux, des charniers. Avec quelques couleurs, quelques présences, des fruits, des légumes comme accordés au souvenir de Lorca, un site et une économie de vie se révèlent, sur quoi viennent se superposer des nappes d’enfance. Jean Daive, qui fut un des amis de Celan, parvient à nous rendre sensible un massacre, un pli (puisque Deleuze est cité) resté prisonnier de la mémoire. L’écriture a ce calme des instants d’apesanteur. Le blanc possède cette tension qui fait qu’on a l’impression qu’une voix parle à notre oreille. Tout semble facile, évident, alors que peu de choses d’une telle complexité ont été écrites. Les touches fonctionnent en réseau. Elles sont là au premier plan, puis se perdent, puis réapparaissent à une autre profondeur, selon une nécessité hallucinée.
Par Gérard Noiret, La Quinzaine Littéraire, 16 mars 2001.