— Paul Otchakovsky-Laurens

Est-ce que j’peux placer un mot?

Dominique Fourcade

Ce livre arrive (et renvoie) à un moment d’un travail d’écrivain où la grande question de l’enfance, « est-ce que j’peux placer un mot ? », en instant rappel du besoin d’existence, affleure à nouveau. Pour le dire à peine différemment, j’ouvre à un moment dans le temps et l’espace de mon travail où je suis mieux à même, et comme obligé, de comprendre pleinement le sens,la nécessité, les implications, en somme l’actualité d’écriture de cette question.

Le livre se divise en une vingtaine de textes de longueurs inégales qui posent et reposent la question sous des angles différents. Et...

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La presse

Son travail poétique est l’exercice d’un brouillage permanent, une déclaration de révolte contre les formes fixes de la pensée et de la fiction, de la poésie aussi, cela va de soi. L’imaginaire, l’autobiographique, l’analytique et le spéculatif marchent au même rythme – qui est soutenu –, avec détours fréquents par la musique et la peinture. Le mot est ici le sujet du livre, le héros de la fable. Et le mot est toujours en retard, ou en avance, sur l’idée, jamais à sa place. D’ailleurs, il n’en a pas ! Déplacements, débordements, ententes illicites… C’est le sort ordinaire de celui qui veut s’exprimer. Car l’enjeu est de taille, ni seulement esthétique ni seulement intellectuel : « Si vous arrêtez le babil, vous arrêtez tout, il faut le savoir. » Bien sûr, cela grince souvent, fait mal… Mais qui voudrait d’une poésie inoffensive, indolore ?


Le Monde, 30 mars 2001


La nouvelle clématite qui fleurit au mur des clématites, dit un poème, « ne dépend d’aucun mois de mai ni d’aucun mois de juin mais de beaucoup de poésie ». Cela peut se comprendre ainsi : les choses n’existent pas toutes seules, elles sont la conséquence des mots, elles occupent une place précise sur la page. […] Les poèmes mêlent vers et proses comme un moyen de faire aller la page à des vitesses différentes. Utiliser tous les leviers de la langue pour que tout arrive, de tous les cotés. Ou bien impulser parfois une ruade de jument qui libère, autant de mots placés-criés.


Libération, 26 avril 2001


Au final, le livre de Fourcade nous fait voir comment la créativité est affaire de légèreté, mais aussi que cette dernière est affaire de profondeur (c’est-à-dire d’aptitude à l’apesanteur du vide). La surface ne se décrète pas ; elle se conquiert en s’incorporant (en conservant donc) la densité des mots par une syntaxe, une mélodie et un rythme qui les déracinent. L’ouvert (pour la signification et le thème), la surface, la lumière, et le rythme d’un vers-prose (pour le style) : ou comment Manet le peintre explique son métier à Fourcade le poète, la méthode à suivre (je suis sûr que seule une méthode rend plausible que tout arrive, autrement c’est infondé). À moins que ce ne soit l’inverse. Surfer, glisser, dessus, dessous, agencer une ligne de flottaison mobile : c’est ce savoir poétique, tout entier stylistique et littéralement planant, que le vers-prose de Dominique Fourcade déploie de façon souveraine.


Jérôme Game, Cahier critique de poésie, n° 3, 2001

Vidéolecture


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