— Paul Otchakovsky-Laurens

Mon double à Malacca

Claude Ollier

Chloé – 5 ans – passe ses Vacances d’été en Malaisie avec Paul, son père, de 50 ans plus âgé qu’elle. Une connivence de tout instant les unit, une complicité dans l’aventure improvisée qui les conduit de l’île de Pinang et sa superbe maison coloniale aux plages torrides de la côte est, par le survol des jugnles montagneuses, des rizières, des lagunes, au hasard des rencontres et de jeux où surgit par éclair une scène du passé.
Chloé, influencée par ses lectures – toutes les bandes dessinées anglaises, chinoises, qui lui tombent sous la main – se voit espionnée par d’étranges...

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La presse

Chloé, 5 ans, passe ses vacances d’été en Malaisie avec Paul, son père, de 50 ans plus âgé qu’elle. Une connivence de tout instant les unit, une complicité dans l’aventure improvisée qui les conduit de l’île de Pinang aux plages torrides de la côte est, par le survol des jungles montagneuses... Chloé, influencée par ses lectures se voit espionnée par d’étranges personnages à éclipse...


Livres de France, 2001



Claude Ollier et la « vie intérieure »


« L’accumulation, la surcharge, le foisonnement », termes appliqués par le narrateur à l’impression produite sur lui par le temple bouddhique de Pinang, page 101 de Mon double à Malacca, caractérisent aussi le style de Claude Ollier à l’époque, il y a vingt ans, où il composait des textes qu’à juste titre il n’appelait pas plus « romans » que ceux qu’il offre aujourd’hui. Journaux de voyage, plutôt, maix extrêmement singuliers en ce qu’ils outrepassent, exacerbent le genre à la fois par excès et par défaut.


L’excès, c’est la surenchère descriptive, une prodigieuse profusion de détails exactement croqués par un oeil de dessinateur ou de critique de cinéma hyper-doué. Le périple en Malaisie d’un homme mûr, Paul, et de sa très jeune fille (Chloé a cinq ans), c’est d’abord cela : une sorte de Guide du Routard qui restitue, avec une grande magnificence verbale, dans le rendu des couleurs et de leurs dégradés en particulier, l’éblouissement mêlé d’un peu de terreur sacrée qui sature le regard de ce qui découvre l’Asie. Asie tropicale dans l’île de Pinang, côte occidentale et frontière nord de la Malaisie et de la péninsule thaïlandaise. Asie quasi équatoriale, plus au sud, côte est jusqu’à Kuantan, puis côte ouest à nouveau à Malacca, ancien port qui fait face aux marais de Sumatra, sur l’autre face du détroit qui porte son nom.


On y est, on croit y être, chaleur omniprésente, violents orages nocturnes, végétation exorbitante, mer moite de Chine méridionale, idiomes et civilisations mêlés. Avec quelque chose en trop, comme en bordure d’hyperréalisme que l’écriture sans cesse côtoie sans jamais s’y laisser aller tout à fait. Car le touriste d’Ollier, ce touriste graphomane qui note jusqu’aux noms malais des arbres sur un calepin gluant de sueur, même lorsque l’intensité de la lumière, jointe à l’épuisement du voyageur, brouillent les sensations et les formes, mobilise toute son honnêteté d’artisan pour « faire le point ».


Il le faut, de reste, car sinon le lecteur ne pourrait croire si longtemps qu’il tient en main un Baedeker actualisé, à peine traversé de quelques notations discrètes sur les rapports d’un père et de sa fille, et la surprise de sa découverte finale sur les intentions profondes du narrateur serait moindre. Or elle reste forte, bien que de nombreux indices et diverses adresses à l’amateur de suspense l’aient préparée de loin en loin. Et quand celui qui tient la plume, et qui dit « Je », et qui est Paul, géniteur de Chloé, s’immobilise soudain au sommet de la citadelle en ruines dominant Malacca, puis se fige, se momifie littéralement sous nos yeux, enfin s’évapore pour rejoindre les limbes d’un cosmos sans alibi religieux quelconque, on est certes rassuré de retrouver à la page suivante et ultime le couple du début filant en avion vers le bercail. Tout est bien qui finit bien, happy end, mais alors qui est l’être de papier qui s’est à Malacca sublimé en être spectral ? Un journal de voyage véritable ne négligerait nullement de nous éclairer sur cet aspect capital de la féérie malaise. Il pourrait évoquer des légendes locales, ou mettre sur le compte du rêve, si souvent convoqué dans le livre et substitué au réel trivial, telle éclipse temporaire, aussitôt démentie, de la personnalité.


Mais le livre, lui, ne fait rien de tel et nous laisse une béante énigme. Un double, « mon » double, a bel et bien disparu à Malacca, et son décalage qui prend l’avion le lendemain, tout en rendant moins inquiétante la gêne du lecteur, ne l’évacue pas tout entière. Et voilà en quoi le réalisme de Claude Ollier, bien que foisonnant il y a vingt ans, était même alors autant marqué par le défaut que par l’excès.


Maurice Mourier, La Quinzaine Littéraire, juillet 2001

Et aussi

Claude Ollier est mort.

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