La Fiancée de Makhno
Liliane Giraudon
Un établissement étrange pour commencer, un genre de décharge sociale, une réserve de clones auxquels on prélève les organes dont on a besoin à l’extérieur, avec ses exclus, ses reclus séparés des autres, tous ceux qui dans leur existence précédente ne cessaient de les contraindre et de les harceler : « le Centre ». On y voit passer quelqu’un qui pourrait bien être la représentation abîmée du marquis de Sade, seule conscience peut-être des enjeux politiques de la situation de violence et de confusion qu’une accélération des processus d’accumulation capitalistique a entraînée au-dehors. Mais...
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Un établissement étrange pour commencer, un genre de décharge sociale, une réserve de clones auxquels on prélève les organes dont on a besoin à l’extérieur, avec ses exclus, ses reclus séparés des autres, tous ceux qui dans leur existence précédente ne cessaient de les contraindre et de les harceler : « le Centre ». On y voit passer quelqu’un qui pourrait bien être la représentation abîmée du marquis de Sade, seule conscience peut-être des enjeux politiques de la situation de violence et de confusion qu’une accélération des processus d’accumulation capitalistique a entraînée au-dehors. Mais c’est la figure de Makhno, cet anarchiste russe, un moment allié de l’armée rouge puis finalement contraint à l’exil, qui domine le livre, par son évocation d’abord et par la référence qui lui est faite dans la dramaturgie même de ce roman : une pensionnaire, Laïka, « la fiancée de Makhno », qui semble sortie de cette époque et avoir été mise comme en attente, va s’enfuir, et tenter de rejoindre les bandes insurgées qui essaient d’organiser la résistance. Mais « des bribes greffées sur le corps traité resurgissent, mêlant des outils de propagande aux souvenirs amoureux » et elle erre dans les campagnes, sans repère, se guidant au gré de rencontres pas toujours heureuses, luttant contre la famine et tous les dangers d’un monde dévasté. Un homme, son presque frère, un autre pensionnaire du Centre, la recherche en vain.
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La presse
[...] La fiancée de Makhno prend lui, l’humanité à son propre piège : monde interlope d’un après saccage, d’une main mise des traficoteurs de la science sur la population génétiquement modifié et zonante dans un « Centre » qui n’offre guère d’espoirs d’ailleurs, tant l’ailleurs lui-même n’est que la périphérie puante du désastre. Pourtant, l’individu n’y paraît pas seulement oppressé mais en quelque sorte rendu à sa condition première, c’est-à-dire à son animalité, à sa sensitivité primaire. Tout est perdu sauf la sexualité pourrait-on parfois dire, puisque celle-ci prouve sa capacité à se nourrir des déviances politiques du monde. L’auteur fait cpïncider la scène fantasmatique et le théâtre des affrontements ; dans la putréfaction sociale un être de pulsions est ainsi réhabilité. Le collage pourra évidemment en déranger certains. D’autant plus que l’amalgame relève d’une pâte qu’excelle à travailler l’auteur à partir de la terre et dans laquelle se prennent les odeurs de merde et d’urine, les humeurs, les poils, une boue dans laquelle jouit et patauge le genre humain.
Christophe Fourvel, CCP, juin 2005