— Paul Otchakovsky-Laurens

Gatsby

Nouvelle traduction par Julie Wolkenstein

Francis Scott Fitzgerald

« J’ai lu Gatsby deux fois, adolescente, et, dans la foulée, tout Fitzgerald. Depuis, j’avais la certitude, intime mais jamais vérifiée, que ce roman faisait partie de moi, de ma vie, qu’il avait touché chez moi, une fois pour toutes, une corde essentielle.

J’ai découvert il y a presque un an maintenant que cet écho était majeur. En le relisant à l’occasion d’un séminaire universitaire, j’ai pris conscience (et ça m’a fait un vrai choc), des affinités multiples, souterraines, qui me liaient à ce texte : d’abord humainement, affectivement, émotionnellement. Gatsby est mon héros ; ses rêves sont...

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La presse

Julie Wolkenstein : « Gatsby était écrit dans ma langue ».


L’écrivain avait lu deux fois ce roman à l’adolescence. En le reprenant en 2009, elle a décidé de se lancer dans sa retraduction. Elle en offre une version vive et moderne en parfaite connivence avec celle de Fitzgerald


ll y avait jadis à la radio – elle réexiste d’ailleurs depuis 2008 – une émission intitulée « La Tribune des critiques de disques ». Dans les familles de mélomanes, on écoutait religieusement, le dimanche après-midi, tel mouvement d’un concerto pour piano de Mozart par exemple. Avec chaque fois un orchestre, un soliste, un chef différents. Miracle : cela donnait des couleurs, des ambiances, des paysages qui n’avaient rien à voir les uns avec les autres. Quant à l’auditeur, il pouvait à sa guise, après s’être émerveillé de ce nuancier subtil, de cette insoupçonnée palette de possibles, choisir entre tous ces Mozart celui qui lui chuchotait à l’oreille…

La littérature étrangère est, comme la musique, affaire d’interprétation : celle du traducteur (ou de la traductrice) dont les choix esthétiques, la langue, la sensibilité et la créativité langagière rencontrent, épousent, servent ou trahissent celles de l’auteur. On pourrait imaginer – ce serait passionnant – une « tribune des critiques de littérature étrangère » où l’on comparerait différentes versions d’un même texte. Cette semaine, ce serait Gatsby le magnifique. On choisirait de mettre en regard, par exemple, les dernières lignes du célèbre roman de Scott Fitzgerald – celles où luit une dernière fois cette si symbolique « lumière verte ». Et voici ce que cela donnerait :



Version n° 1 : « Gatsby croyait en la lumière verte, l’extatique avenir qui d’année en année recule devant nous. Il nous a échappé ? Qu’importe ! Demain nous courrons plus vite, nos bras s’étendront plus loin… Et un beau matin… C’est ainsi que nous avançons, barques luttant contre un courant qui nous rejette sans cesse vers le passé. »



Version n° 2 : « Gatsby avait foi en cette lumière verte, en cet avenir orgastique qui chaque année recule devant nous. Pour le moment, il nous échappe. Mais c’est sans importance. Demain, nous courrons plus vite, nous tendrons les bras plus avant… Et, un beau matin… Et nous luttons ainsi, barques à contre-courant, refoulés sans fin vers notre passé. »



Version n° 3 : « Gatsby croyait à la lumière verte, à cet orgasme imminent qui, année après année, reflue avant que nous l’ayons atteint. Nous avons échoué cette fois-ci, mais cela ne fait rien : demain nous serons plus rapides, nous étendrons nos bras plus loin – et, un beau matin… C’est ainsi que nous nous débattons, comme des barques contre le courant, sans cesse repoussés vers le passé. »



Bien entendu, il est impossible de se faire une opinion véritable sans la partition d’origine. Que dit le texte en américain ? « Gatsby believed in the green light, the orgastic future that year by year recedes before us. It eluded us then, but that’s no matter – tomorrow we will run faster, stretch out our arms further… And one fine morning – So we beat on, boats against the current, borne back ceaselessly into the past. »



« Un coup de foudre »


Voilà. Au lecteur de juger. Bien sûr, un simple échantillon ne suffit pas à donner une idée précise de la manière dont est restituée l’intégralité d’un texte qui fait 170 pages dans sa langue d’origine. Mais il permet de confirmer quelques intuitions. Si l’on est particulièrement sensible à la fluidité, à la rythmique et à la modernité de la langue, par exemple, on aura tout intérêt à aller découvrir la version 3, une relecture inspirée, fraîche et déliée que propose ces jours-ci Julie Wol-kenstein.


Alors que Gatsby avait déjà fait l’objet de deux traductions françaises, celle de Victor Liona en 1945 (version 1) et celle de Jacques Tournier en 1976 (version 2), Julie Wolkenstein a eu envie de s’y atteler à son tour. « Je l’avais lu deux fois à l’adolescence, raconte-t-elle. La première, je devais avoir 13 ou 14 ans. Ce fut un coup de foudre tel que je l’ai relu l’année suivante. Et puis j’ai englouti tout Fitzgerald dans la foulée. Vers 17 ans, lorsque je rencontrais des garçons qui me demandaient des conseils de lecture, je leur refilais Gatsby… »


Rien ne prédisposait pourtant cette élégante jeune femme blonde à le retraduire en 2010. Ecrivain – elle est l’auteur de cinq romans publiés chez P.O.L –, Julie Wolkenstein est maître de conférences en littérature comparée à l’université de Caen. Jusqu’à ce jour, c’était plutôt comme spécialiste d’Henry James que les lecteurs la connaissaient. « C’est sur James que j’ai fait ma thèse, dit-elle. J’avais hésité avec Fitzgerald, mais mon directeur de thèse m’en a dissuadée. “Vous n’aurez pas assez de grain à moudre”, m’avait-il dit ! Il est vrai que Fitzgerald, encore aujourd’hui, est souvent associé à une idée de légèreté, de frivolité. »


Julie Wolkenstein n’avait « jamais retouché à Gatsby » depuis lors. Mais, en 2009, pour un cours de master intitulé « Comment ça finit », elle a repensé à sa célèbre chute. « J’ai repris le bouquin dans la traduction de Liona et j’ai eu un choc. C’était un mot à mot maladroit. J’ai pensé : “;il faut la refaire”, puis “Pourquoi pas moi ?” Gatsby venait de tomber dans le domaine public et il me donnait l’impression d’avoir été écrit dans ma langue, une langue intérieure, personnelle, comme si je n’avais pas besoin de me le traduire. »


Enfoiré ou pauvre bougre ?


Et la version de Jacques Tournier, grand connaisseur de Fitzgerald ? « Un français parfait », mais « vieilli sur certains points », estime Julie Wolkenstein. « Exemple ? Quand, à l’enterrement de Gatsby, “œil de hibou” essuie ses lunettes et dit “Son of a bits”, Tournier traduit par “pauvre bougre”. J’ai préféré “enfoiré”, parce que c’est comme ça qu’on dirait aujourd’hui. »

C’est exactement ce qui séduit chez Julie Wolkenstein, cette langue rapide, staccato, complètement dans l’air du temps. Comme les dialogues de Gatsby. Pas étonnant que ce livre ait nourri toute une génération de romanciers américains comme Jay McInerney ou Bret Easton Ellis. Gatsby a l’air d’un roman écrit hier ! Certes, on est en pleine Prohibition, mais les personnages « se comportent avec l’alcool comme ils le feraient aujourd’hui avec la coke ou les pétards ». La fascination pour l’argent rapide, en 1925, quatre ans avant le krach boursier, n’est pas sans rappeler les folies de la titrisation avant l’effondrement des subprimes. Quant au côté bling-bling des personnages…


Pour bien traduire Gatsby, il faut savoir conjuguer le sens de la fête et celui de la vanité de toutes choses. Julie Wolkenstein fait cela parfaitement. Elle rit d’un œil et pleure de l’autre. Elle s’amuse du côté « extrêmement méchant » de certains personnages. « Voyez Daisy. C’est une baudruche, un mythe vide, une femme infecte et nulle ! C’est peut-être pour ça que le livre n’a pas fait l’unanimité à l’époque. Ce n’est pas un ouvrage consensuel. Et c’est justement ce qui me plaît ! »


Florence Noiville, Le Monde, 14 janvier 2011


Dépêchez-vous de lire Fitzgerald !


« Lecteurs, dépêchez-vous de lire Gatsby le Magnifique, ordonnait l’écrivain Bernard Frank dans une préface à l’édition française de 1962. Avec Fitzgerald, c’est la fête et on n’a pas honte de s’y trouver. Pour une fois, nous allons faire du ski nautique, de la pêche sous-marine sur une Côte d’Azur française presque vide. […] Pour une fois nous allons bavarder avec de ravissantes jeunes filles, riches, sottes, exquises pour tout dire… »

Oui, dépêchez-vous de (re)lire Gatsby, cette sublime histoire d’amour au temps de la Prohibition, du jazz en folie et des fortunes rapides comme celle de ce Jay Gatz, dit Gatsby, au sujet duquel tant de rumeurs circulent…

Pourtant, si Gatsby (un titre que la traductrice a préféré à l’original, dont l’auteur n’était pas pleinement satisfait) est aujourd’hui considéré comme l’un des romans emblématiques de la littérature américaine du XXe siècle, il n’a pas vraiment été « fêté » à sa sortie. Peut-être parce que les personnages féminins ne faisaient pas rêver ? Publié en 1925 et tiré à 75 000, il atteignait péniblement les 25 000 exemplaires vendus en 1940, à la mort de Fitzgerald. Pendant la Grande Dépression et la seconde guerre mondiale, il tombera même dans l’oubli et il faudra attendre les années 1950 pour qu’il touche un vaste cercle de lecteurs. Romanciers déçus, ne perdez donc pas courage : un livre « culte » peut toujours commencer par être un « flop » retentissant !


F.N., Le Monde




« Toutes les histoires qui me passaient par la tête contenaient une touche de désastre [...]. Les charmants et les jeunes personnages de mes romans couraient à la ruine, les montagnes de diamants de mes nouvelles se volatilisaient, mes millionnaires étaient aussi superbes et damnés que les paysans de Thomas Hardy… », confiait Francis Scott Fitzgerald (1896-1940), et c’est précisément cette « touche de désastre » qui continue à attacher à l’œuvre de l’Américain. Fitzgerald n’a certes pas la puissance narrative, le souci de créativité formelle de ses contemporains Dos Passos ou Hemingway, mais il possède quelque chose que ces géants n’ont pas : ce désenchantement frémissant, subtilement omniprésent, suggéré par une écriture d’une simplicité extrêmement savante, qui mêle sobriété et élégance, justesse et laconisme. C’est à retrouver en français cette limpidité très travaillée, très moderne de la voix de Fitzgerald que s’est attachée avec naturel et talent la romancière Julie Wolkenstein (Colloque sentimental, Happy end, L’Excuse..., tous chez P.O.L), s’attelant à la traduction de The Great Gatsby (1925) – qui, à la faveur de cette version, a perdu son épithète « magnifique » pour devenir simplement : Gatsby. Les spécialistes et les puristes auront l’opportunité de se lancer dans la comparaison entre la présente traduction et celles qui l’ont précédée – la première en 1918, signée Victor Liona, la seconde en 1976, due à l’excellent Jacques Tournier –, pour cerner, évaluer, contester les partis pris des trois traducteurs. Les esprits moins studieux ne seront pas sanctionnés s’ils se contentent de découvrir ou redécouvrir l’histoire tragique de l’énigmatique et envoûtant Jay Gatsby – certainement l’un des plus beaux romans américains du XXe siècle.


Nathalie Crom Télérama, 2 février 2011



Julie Wolkenstein s’est plongée dans le roman de F.S. Fitzgerald qu’elle a jugé formidablement moderne. Elle en propose une nouvelle traduction.


Julie Wolkenstein n’est pas traductrice, elle vient pourtant de publier une nouvelle version française de The Great Gatsby, la troisième depuis la parution du livre en 1918, sobrement titrée Gatsby, au contraire des deux précédentes qui avaient accolé au nom du protagoniste principal du roman, « le Magnifique ».

Julie Wolkenstein est professeur de littérature comparée et romancière. Elle a publié cinq romans chez P.O.L, dont le dernier, L’Ecxuse, bien qu’inspiré au premier chef des écrits de Henry James, se déroule parmi les milliardaires américains et n’est pas sans écho non plus avec le monde de Gatsby et de Francis Scott Fitzgerald. ces réminiscences ont toujours habité Julie Wolkenstein. La lecture de Gatsby le Magnifique à l’adolescence lui avait laissé un souvenir ému mais un peu vaporeux, raconte-t-elle.

La présente traduction est due à une conjugaison de hasards. La relecture d’abord que Julie Wolkenstein a dû faire, pour le besoin de son travail, de Gatsby le Magnifique dans sa version de 1918, signée Victor Liona. Frappée à la fois par l’intensité de ses retrouvailles avec Gatsby et l’obsolescence de la traduction, elle s’est reportée d’emblée au texte anglais. Et là, surprise, elle se découvre, elle qui n’est pas angliciste, « une grande proximité, une grande intimité avec le texte original de Gatsby. Et je me suis dit : il faut le retraduire ! »

Par chance, c’est le second hasard, Julie Wolkenstein découvre que les droits de Fitzgerald sont sur le point de tomber. Une opportunité qui a permis à son éditeur, P.O.L – qui depuis quelques années sort des traductions nouvelles signées Frédéric Boyer (Saint Augustin, Les Aveux, 2008) ou Marie Darrieussecq (Ovide, Tristes Pontiques, 2008) – et de publier Gatsby sans devoir acquitter des droits très importants.

Si le choix de Gatsby en titre a suscité quelques grincements de dents, si des lecteurs – à l’image de Frédéric Beigbeder – ont crié au crime de lèse-majesté, Julie Wolkenstein n’a fait que répondre, avec amour, enthousiasme, soin et précision, au besoin qu’à chaque époque de traductions nouvelles. Sa version de Gatsby va d’ailleurs servir de socle à Garnier Flammarion pour une future édition critique.


Éléonore Sulser, Le Temps, 12 février 2011




Vidéolecture


Francis Scott Fitzgerald, Gatsby, Julie Wolkenstein,Traduire Gatsby (1) 2010

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