— Paul Otchakovsky-Laurens

Le Cabinet des rebuts

Danielle Mémoire

Le Cabinet des rebuts est le 16ème livre de Danielle Mémoire. Oeuvre singulière dont chaque opus est une pièce ajoutée à un édifice de mots qui ne ressemble à nul autre, elle met en jeu, continuellement, le statut de l’écrivain, son unité. Elle en fait une fiction à facettes multiples : personnage d’une histoire en expansion qui multiplie ses avatars, chacun étant à son tour auteur, seul ou à plusieurs, fantasmé ou réel, de ce que nous lisons. On comprend que cela devienne rapidement et délicieusement vertigineux. Mais le vertige tire avec lui un certain nombre de questions qui, derrière les apparences, sont loin...

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La presse

On pourrait dire ceci : commencée en 1984, l’oeuvre de Danielle Mémoire, qui compte aujourd’hui seize titres, doit une part de sa singularité au caractère explicite et paradoxal d’une conscience malheureuse. Danielle Mémoire souhaitait en effet écrire un livre, un seul; elle y a échoué. Si bien que, sous couvert d’une fiction étayée par un jeu reconduit de propositions et d’objections - tout obéit ici à une stricte (parfois burlesque) rationalité -, sa tâche consiste désormais à mettre au jour l’écart entre un état de fait et l’ambition première. En ce sens, Le Cabinet des rebuts, le récent et bien nommé ouvrage, instruit une fois encore certains volets de cette affaire. Mais cette présentation reste à demi convaincante car elle ignore ce que suppose l’idée de modèle, pourtant si active dans l’oeuvre. Modèle se dit couramment de ce qui précède chronologiquement et logiquement toute copie, laquelle lui doit ainsi d’exister tout comme elle lui demeure à jamais inférieure. Or l’entreprise littéraire de Danielle Mémoire renverse résolument cette perspective. Certes ses livres ne cessent de se mesurer au modèle - c’est même le motif univoque du Corpus -, mais, ce faisant, ils l’actualisent bien plus qu’ils ne l’imitent. De sorte que le modèle se distingue d’un original, face auquel tout essai serait toujours déjà défaillant, pour devenir la condition rendant possible l’avènement des significations : un indéterminé autorisant toutes les déterminations. On ne peut donc plus dire du modèle qu’il préexiste mais plutôt qu’il accompagne
l’écriture. De cette simultanéité discrète procèdent une aptitude - mise à l’épreuve par l’intrigue elle-même - et une étonnante fiction éthique puisque s’esquisse au fil des pages l’orientation d’une conduite dont chaque « auteur » est le prête-nom. Peut-on ici encore parler d’échec? Réponse page 175 : « Et ainsi l’échec, parfois, réussit-il, où le succès eût échoué ».


Pierre Parlant, Cahier critique de poésie, mars 2012


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Danielle Mémoire, Le Cabinet des rebuts, Le Cabinet des rebuts - 2011

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